L’enregistrement du temps de travail: Lacunes dans les contrats de travail en termes d'heures supplémentaires
Aides de travail appropriées
Le temps de travail doit-il toujours être saisi?
Non, il existe de nombreuses exceptions. Les régimes se trouvent dans la loi sur le travail qui, dans l’intervalle, est devenu un ouvrage complexe. Si vous ne vous en sortez pas immédiatement à sa lecture, c’est normal!
Quelles sont les principales exceptions?
L’application de la loi sur le travail peut ne pas être possible pour des raisons d’exploitation ou personnelles dans certains cas d’exception. Les plus connus sont par exemple les voyageurs de commerce ou les personnes qui travaillent au service externe, autrement dit, les collaborateurs qui passent une grande partie de leur temps de travail non pas au siège de l’employeur, mais en déplacement chez les clients. Le personnel de ménage qui travaille dans les ménages privés ne doit pas non plus saisir son temps de travail. On retrouve aussi les collaborateurs qui ont des fonctions dirigeantes élevées et qui sont exclus de la loi sur le travail. Ce sont ces employés aux hautes fonctions dirigeantes qui, dans la pratique, provoquent les principales difficultés parce que la définition de la loi sur le travail ne recoupe généralement pas la compréhension de la réalité.
La loi sur le travail ne parle ainsi que de la ligue la plus élevée, celle de la moquette épaisse ou ce que l’on appelle désormais les C (CEO, CFO, etc.) et donc des dirigeants qui disposent d’un large pouvoir de décision ou qui prennent des décisions d’une grande portée ou sur lesquelles ils peuvent influer de manière déterminante et donc qui peuvent déterminer de manière durable la structure, la marche des affaires ou l’évolution de l’entreprise. Les cadres ou les membres de la direction habituels qui sont à un niveau intermédiaire ou les autres chefs de département ne relèvent définitivement pas de cette catégorie. Or ce n’est généralement pas compris ainsi
dans la pratique et cela provoque des difficultés,
notamment en matière de dépassement d’horaire
respectivement de leur rétribution.
Le dépassement d’horaire est régi dans la loi sur le travail et il est donc un droit impératif. Ce qui veut dire que les conventions contractuelles sur les heures supplémentaires ne peuvent pas être simplement étendues au dépassement d’horaire.
Comment cela se présente-t-il avec les apprentis?
Les apprentis relèvent de la loi sur le travail et ils doivent donc saisir leur temps de travail. Vous noterez, dans ma réponse, dans quel ordre il faut réfléchir. D’abord, on doit constater si la loi sur le travail est applicable ou non à des rapports de travail déterminés. On en déduit la réponse par rapport à l’enregistrement du temps de travail.
Qui est responsable de l’enregistrement du temps de travail? L’employeur ou l’employé?
L’employeur. Mais il peut le déléguer à l’employé. Par apport à l’office cantonal du travail, c’est toujours l’employeur et lui seul qui est responsable.
Qui doit contrôler le respect du temps de travail et surveiller les éventuels dépassements d’horaire et heures supplémentaires?
Pour moi, cela relève d’une tâche de management et cela fait partie du cahier des charges de tout supérieur hiérarchique.
Les directives émises en direction des employés doivent-elles être communiquées par écrit ou une transmission orale suffit-elle?
L’écrit est une mesure de prévention, pas une obligation. Les directives écrites sont plus faciles à prouver que celles qui sont remises par oral. C’est de cela qu’il s’agit, au final, lorsque l’on parle avec un avocat. Évidemment, les collaborateurs doivent aussi respecter les directives verbales. Mais, dans le cas contraire, l’employeur a un problème.
Quelles sont les indications impératives et concrètes de la part de l’employeur?
En ce qui concerne la durée du temps de travail, il est nécessaire que la durée quotidienne et hebdomadaire réalisée, y compris les heures de compensation et de dépassement d’horaire, soit marquée ainsi que l’enregistrement des heures de travail, autrement dit, l’heure de début et de fin. En outre, la durée et le moment des pauses de plus d’une demi-heure doivent être enregistrés. Si cela figure dans une convention collective de travail, on peut renoncer aux enregistrements, mais seulement si le collaborateur concerné peut déterminer par lui-même dans la majorité des cas ses propres heures de travail et s’il gagne un salaire annuel brut de plus de CHF 120 000. En outre, il existe, sous certaines conditions, la possibilité de saisie simplifiée des temps de travail dans laquelle seule la durée quotidienne du travail effectué doit être enregistrée. Dans la pratique, je n’ai encore jamais vu ces deux modèles. Mais ils constituent la seule réponse du législateur par rapport au besoin exprimé par les milieux économiques en une plus grande flexibilité. Il semblerait que la communication entre les deux soit inconsistante.
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Pas de communication ou simplement la volonté du législateur de ne pas entrer en matière sur les revendications de l’économie?
Pas de communication. Le législateur ne peut plus, pour l’instant, entrer en matière sur les demandes de l’économie. La loi sur le travail a un objectif de protection qui doit être satisfait indépendamment des demandes en plus grande flexibilité et liberté lors de l’enregistrement du temps de travail. Cela ne veut pas dire qu’il s’agit d’une disposition archaïque, au contraire. Le besoin de protection s’accentue de plus en plus à mes yeux au fur et à mesure du temps qui passe. Je vois toujours plus de cas dans lesquels les collaborateurs souffrent de symptômes d’épuisement comme du Burnout ou des dépressions. La performance au travail qui a été accumulée est devenue totalement effrayante. En outre, le rythme dans le monde du travail s’accélère régulièrement. Alors que, dans le passé, on répondait à une lettre en quelques semaines, on escompte de nos jours une réaction dans l’espace de la même journée. Le volume des communications a très fortement augmenté en comparaison avec le passé. Grâce aux possibilités techniques bon marché, nous sommes constamment sur nos claviers et envoyons des messages dans le monde entier. Alors que, à l’époque, on devait demander à chaque fois à une secrétaire de taper une lettre sur sa machine à écrire, on réfléchissait à trois fois avant de pondre un texte. Vient s’y ajouter la problématique d’une atteignabilité permanente par les Smartphones, etc. De nos jours, ceux qui n’ont pas leur boîte aux lettres professionnelle installée sur leur Smartphone privé ou qui ne lisent pas leurs courriels avant d’aller se coucher sont des dinosaures. Tout cela est facteur de stress et peut déboucher sur un travail en excès. Un thème majeur auquel l’employeur doit faire face. L’enregistrement du temps de travail a donc une importance vitale dans ce contexte afin de bénéficier d’une vue d’ensemble sur ce que font les collaborateurs. Même si ceux-ci ne veulent pas en entendre parler, pour moi, c’est nécessaire de mettre certaines limites à leur accessibilité permanente. Il est aussi impératif de se confronter à la question de savoir si les excursions tardives le soir dans sa boîte aux lettres professionnelle font partie du temps de travail et doivent être indemnisées ou non.
En tant qu’experte, qu’est-ce que vous conseillez de respecter afin de ne pas se retrouver ultérieurement en situation de litige?
Surveiller la durée du travail constitue une tâche de direction qui doit simplement être prise en considération. Dans les faits, elle est souvent négligée. Or tout le monde va bénéficier d’une saisie correcte du temps de travail: les employés et l’employeur. Et on sera d’autant plus près d’affronter les surprises que l’on pourra réagir rapidement à du travail supplémentaire éventuel. Par exemple en demandant aux collaborateurs de compenser du travail en excédent. Je ne comprends pas ce qui empêche d’effectuer des enregistrements réguliers du temps de travail. Ce n’est pas si compliqué. Pourtant, comme déjà indiqué, nombreux sont ceux qui ne se consacrent pas à cette thématique et qui n’ont pas de contrat de travail optimisé pour réagir au travail supplémentaire. A l’inverse, les employés ont généralement tout ce qu’il faut lorsqu’il s’agit de travail supplémentaire. C’est au plus tard lorsque la limite de dépassement horaire est franchie qu’ils peuvent se faire régler leurs prétentions avec un bon justificatif, indépendamment de ce qui figure dans leur contrat de travail. Je devrais peut-être faire maintenant la distinction entre heures supplémentaires et travail en dépassement d’horaire.
Distinction entre heures supplémentaires et travail en dépassement d’horaire, c’est la même chose.
Non, c’est tout sauf la même chose et il est important de comprendre les différences. Dans un contrat de travail, on parle généralement d’une durée hebdomadaire du travail, par exemple 42 heures. Si un collaborateur travaille plus, il fait des heures supplémentaires. La loi sur le travail dit que la durée maximale hebdomadaire de travail peut atteindre, selon la catégorie des collaborateurs, 45 ou 50 heures par semaine. Tout ce qui la dépasse est du dépassement d’horaire. Autrement dit, la loi sur le travail définit quasiment un seuil vers le haut en ce qui concerne les heures supplémentaires. Dans notre exemple, donc, toutes les heures comprises entre 42 et 45 heures resp. 50 heures sont des heures supplémentaires et tout ce qui dépasse 45 ou 50 heures est du dépassement d’horaire. Vous voyez que les heures supplémentaires peuvent atteindre par semaine un maximum de trois respectivement de huit heures. Voilà pour les définitions. Légalement, ces différences ont des effets distincts. En ce qui concerne les heures supplémentaires, les parties peuvent convenir de certaines dispositions dans le cadre du contrat de travail. La plus connue est que les heures supplémentaires sont intégrées dans le salaire normal. De telles conventions sont autorisées. Mais, dès que la limite du dépassement d’horaire est franchie, la loi plante sur les freins. Il est important de comprendre que la loi sur le travail constitue du droit impératif. Autrement dit, les conventions contractuelles portant sur les heures supplémentaires ne peuvent pas être reportées sur le dépassement d’horaire. Ici, seule la loi sur le travail est applicable, celle-ci prévoyant que le dépassement d’horaire doit soit être compensé à 1:1, soit être payé avec un supplément de salaire d’au moins 25 pour-cent. Il existe une exception à cette règle, mais cela sort de l’étendue de cette conversation. Ce qui est plus important, c’est que cette mécanique est à la base de nombreuses surprises désagréables, car de nombreux employeurs se sentent en sécurité puisqu’ils ont signé dans les contrats de travail que les heures supplémentaires étaient comprises dans le salaire. Le fait que ceux-ci ne peuvent pas comprendre le dépassement d’horaire leur est tout simplement inconnu. Ce qui fait qu’ils ignorent l’importance de l’enregistrement du temps de travail en vue de protéger leur propre intérêt. Jusqu’à ce que les collaborateurs fassent valoir leurs prétentions. Et le pire est encore que, la plupart du temps, on est présence de beaucoup plus de dépassement d’horaire que d’heures supplémentaires. La plupart des rapports de travail en Suisse relèvent de la règle des 45 heures. Autrement dit, dans notre exemple, nous avons trois heures supplémentaires alors que le dépassement d’horaire n’est pas limité vers le haut. Les collaborateurs qui travaillent vraiment beaucoup effectuent automatiquement plus de dépassements d’horaire que d’heures supplémentaires. Ces prétentions peuvent se transformer en montants importants et j’espère ce que ces réflexions démontrent l’importance de la gestion des temps de travail. Seuls ceux qui disposent d’une vue d’ensemble sur les heures de travail peuvent les prévenir de manière efficace. Le travail supplémentaire est par ailleurs un concept suprême neutre avec lequel je pourrai résumer ces deux catégories.
Quelles sont les conséquences lorsqu’une entreprise ne saisit pas ou pas complètement les heures de travail?
Il existe deux conséquences que l’on peut aborder par le biais de cette question. La première relève du droit privé entre les collaborateurs et l’employeur. Les employeurs s’exposent ici surtout à des risques financiers spécifiques. Car si du dépassement d’horaire a été effectué, les prétentions des collaborateurs en termes d’indemnisation ou de compensation ne peuvent tout simplement pas être supprimées simplement parce qu’aucune saisie du temps de travail n’a été réalisée. Il existe d’autres moyens, certes plus exigeants, de prouver les temps de travail. Et ces prétentions restent valables même si les employeurs ont mis leur tête dans le sable dans la conviction d’avoir fait le tour de l’ensemble de la question simplement en ne faisant pas saisir du tout les temps de travail. Mais la seule chose qu’ils ont finalement réussi à éviter, c’est la gestion des risques. Quiconque sait que du dépassement d’horaire a été effectué peut y réagir rapidement. Ceux qui n’en savent rien prennent le risque d’être surpris et cela au moment de la résiliation des rapports du travail lorsqu’aucune compensation n’est plus possible. C’est un peu comme dans le domaine financier: soit on maîtrise ses dépenses, soit ce n’est pas le cas.
La seconde concerne les relations publiques entre les employeurs et l’État. A quelques exceptions près que j’ai déjà mentionnées, l’enregistrement des temps de travail constitue une obligation légale. Quiconque s’en abstient est en infraction par rapport à la loi. Les conséquences d’un contrôle d’employeur par l’office cantonal ne sont certes pas dramatiques, en tout cas pas lors de la première infraction. Ce sont les prétentions de droit privé du collaborateur qui sont plus douloureuses.
«Il ne faut pas cumuler soit du travail supplémentaire ou en insuffisance dans une proportion telle qu’il ne puisse plus être compensé pendant le délai de résiliation»
Quels sont les principaux champs d’action au sein des entreprises? Quels sont les cas les plus fréquents auxquels vous êtes confrontée dans la pratique?
La plupart des rapports de travail que je vois ont de lourdes carences, pas seulement en termes de problématique de travail supplémentaire. Il y a un très grand potentiel à exploiter dans ce domaine. Je conseille aux employeurs de se confronter activement à cette thématique et à faire reprendre leurs contrats de travail. Le droit du travail débouche sur toujours plus de difficultés et il est devenu un bloc de coûts conséquent dans les entreprises. Les plus prévenants seront donc les mieux équipés. Mais il faut de bons contrats à cet effet. En outre, il existe des modèles de temps de travail qui sont d’un usage facile, qui présentent un grand degré de liberté et de flexibilité et qui réduisent simultanément les risques financiers. Il faut cependant que des adaptations soient faites dans les contrats et dans les règlements. La plupart des cas concernent les créances en dépassement d’horaire. Notamment par rapport aux cadres et aux directeurs qui, à la grande surprise des employeurs, relèvent encore de la loi sur le travail ; or ces contrats démontrent souvent des créances substantielles en termes de dépassement d’horaire et les personnes concernées peuvent s’imposer sans autre lorsqu’elles parviennent à présenter des justificatifs acceptables.
Le caractère du travail a changé fortement ces dernières années dans de nombreux secteurs et fonctions. La loi sur le travail, par contre, reste ancrée dans la logique industrielle des années 50 ou 60. Pensez-vous que la législation est dépassée par rapport à l’enregistrement du temps de travail? Et si oui, quels sont les changements que vous souhaiteriez voir réaliser en priorité?
C’est difficile de se risquer à répondre à cette question. Vous avez certainement raison lorsque vous évoquez la logique industrielle. L’un des problèmes est que, de nos jours, certains métiers ne peuvent que difficilement être intégrés dans les différentes catégories de collaborateurs déjà mentionnées. Le texte actuel de la loi sur le travail est le résultat d’un compromis extrêmement difficile entre les différents groupes d’intérêt au parlement. Cela a débouché sur certaines formulations nébuleuses et peu congruentes. Je doute cependant que l’on s’en sortirait mieux aujourd’hui. Il faut dire que nous, les avocats, nous en sortons relativement bien quelques décennies plus tard avec un texte comme la loi sur le travail. Il existe toujours plus de littérature et de jurisprudence qui dévoilent successivement les mystères d’origine. On pourrait dire qu’il vaut mieux travailler avec une mauvaise loi ancienne qu’avec une mauvaise loi nouvelle, encore que la loi sur le travail ne soit pas fondamentalement mauvaise. Elle est seulement un peu hétérogène et pleine de casse-tête.