Le congé de paternité: Questions et réponses

Soutenu par le peuple suisse dans le cadre de l’initiative populaire « Pour un congé de paternité raisonnable – en faveur de toute la famille », le congé de paternité a fait l’objet d’un contre-projet indirect du Conseil fédéral qui s’est plébiscité en votation le 27 septembre 2020. Entré en vigueur le 1er janvier 2021, le congé de paternité est régi principalement par le Code des obligations et la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain (LAPG, RS 834.1). Il a changé de nom au 1er janvier 2024 après l’introduction, en juillet 2022, du mariage pour tous : on parle désormais de congé de l’autre parent.

20/02/2025 De: Mirjam Richon-Bruder, Christine Sattiva Spring
Le congé de paternité

Le congé de paternité

1. Qui peut être bénéficiaire du congé de l'autre parent?

Tout collaborateur lié par un contrat de travail peut réclamer le bénéfice de l’art. 329g CO s’il est le père légal, soit le mari de la mère au moment de l’accouchement, ou s’il devient le père légal dans les six mois après la naissance de l’enfant vivant. 

La collaboratrice mariée avec la mère au moment de la naissance d’un enfant conçu au moyen d’un don de sperme conformément à la législation est censée être l’autre parent légal du nouveau-né : elle aura donc droit aussi à un congé de l’autre parent

Le ou la partenaire enregistré.e ne peut faire valoir un droit à ce congé paternité (congé de l’autre parent).

2. Quelle est la durée du congé de l'autre parent?

L’employeur doit accorder dix jours ouvrables de congé paternité ou congé de l’autre parent (représentant 2 semaines de travail) à ce titre, que la personne qui le requière remplisse ou non les conditions d’une indemnisation. 

Par ailleurs, en cas de décès de la mère dans les 97 jours depuis l’accouchement, l’autre parent a droit en sus à un congé de 14 semaines, que la mère ait été salariée ou non. Le délai-cadre pour l‘exercice du congé de l’autre parent est interrompu pendant cette période et reprend son cours après la fin des 14 semaines. 

3. Quand le collaborateur peut-il réclamer le congé de paternité ou de l'autre parent?

Le congé de paternité ou congé de l’autre parent doit être pris dans sa totalité dans les six mois qui suivent la naissance de l’enfant. Il s’agit d’un délai de péremption qui ne peut dès lors être prolongé. Si l’enfant est né le 28 février, le congé de l’autre parent doit être pris intégralement jusqu’au 28 août. En cas de naissance le 30 août, le dernier jour du congé possible sera le 28 février (art. 77 CO).

4. Quelles sont les modalités de prise du congé de l’autre parent?

Le congé de paternité ou congé de l’autre parent peut être pris en bloc ou par journées séparées, selon le choix du ou de la bénéficiaire, qui doit en informer suffisamment à l’avance son employeur. Contrairement aux vacances, l’employé ne peut se voir refuser le congé en raison des intérêts de l’employeur. Bien évidemment, le devoir de fidélité et de diligence qui incombe au bénéficiaire lui impose d’informer sa hiérarchie de la future existence d’un tel congé, en temps opportun.

Le système ne permet pas de remplacer un congé de l’autre parent par un paiement en argent.

5. Qui va payer l’absence du collaborateur en congé de l’autre parent ?

Il n’incombe pas à l’employeur d’indemniser son collaborateur devenu parent. Le Code des obligations ne prévoit d’ailleurs pas qu’il s’agit d’un congé payé et l’indemnisation résulte uniquement de la LAPG.

Selon l’art 16i LAPG, l’allocation de l’autre parent est accordée à la personne qui remplit les conditions de l’art. 329g CO ainsi que celles bien connues de l’art. 16f LAPG permettant d’obtenir l’allocation de maternité[1]. Le paiement de cette allocation prime les indemnités des autres assurances sociales (art. 16m LAPG).

L’indemnité de l’autre parent représente le 80% du salaire ; elle est plafonnée, comme pour le congé de maternité, à CHF 220.00 par jour.

Toute période de cinq jours ouvrables donne lieu à sept allocations ; le nombre maximum d’allocations est ainsi de quatorze. Le nombre maximum d’allocations ne dépend pas du taux d’activité, puisque le montant versé dépend du salaire certes plafonné de l’autre parent.

Dans la mesure où ce n’est pas l’employeur qui doit assumer les coûts du congé de l’autre parent, il n’aura bien évidemment pas à compléter un éventuel manco par rapport au salaire contractuel.

6. L’employeur peut-il réduire les vacances du fait du congé de l’autre parent ?

L’art. 329b al. 3 CO exclut expressément la possibilité pour l’employeur de réduire la durée des vacances du bénéficiaire qui a pris un congé de l’autre parent de l’art. 329g CO.

Le congé paternité ou congé de l’autre parent peut précéder ou suivre une période de vacances, pour autant que l’employeur ait donné son accord à la prise de vacances.

Si l’enfant naît pendant les vacances du ou de la bénéficiaire, nous sommes d’avis que ce dernier pourra prendre son congé de l’autre parent ultérieurement et que les vacances ne se transforment pas de facto en congé de paternité ou de l’autre parent.

7. L’employeur peut-il licencier un collaborateur en congé de l’autre parent ?

L’art. 336c CO ne prévoit pas qu’un licenciement donné pendant un congé de l’autre parent intervienne en temps inopportun. Un tel congé n’est donc pas nul et sa validité en tant que telle ne peut être remise en cause du seul fait du moment où il intervient.

Selon les circonstances, la question d’un congé abusif pourrait se poser.

En tout état de cause, si l’employeur résilie le contrat de travail et que le ou la bénéficiaire n’a pas encore pris tous ses jours de congé de l’autre parent avant la fin du contrat, le délai de congé est prolongé du nombre de jours auxquels il a encore le droit (art. 335c al. 3 CO).

A notre avis, le ou la bénéficiaire profite d’un report du nombre de jours non encore planifiés avant le terme du délai de préavis. Il conviendra en outre de tenir compte des jours de congé de l’autre parent fixés pendant le délai de congé lors du calcul du droit aux vacances restantes en cas de libération de l’obligation de travailler.

Un congé avec effet immédiat met fin aux relations de travail et, dès lors, à toute prétention en congé de l’autre parent vis-à-vis de l’employeur actuel selon nous si les justes motifs existent bel et bien.

8. Quels sont les droits du collaborateur en cas de naissances multiples?

Le congé de paternité ou congé de l’autre parent sera identique quel que soit le nombre de naissances lié à une grossesse. Ainsi, la naissance de jumeaux ne donne pas droit à deux congés de l’autre parent.

9. L’employeur a-t-il les mêmes obligations envers des travailleurs détachés ou des frontaliers?

La notion de détachement implique qu’une personne salariée remplisse temporairement dans un autre pays une mission pour le compte de son employeur. Le détachement ayant par définition un caractère temporaire, la personne concernée reste en principe soumis à la législation du pays d’origine.

Les dispositions de la législation suisse restent donc applicables aux travailleurs et travailleuses exerçant une activité à l’étranger pour le compte d’un employeur suisse, à tout le moins dans la mesure où ces personnes continuent à être soumises aux assurances sociales AVS/AI/APG/AC et si elles peuvent faire état d’une certaine durée de cotisation antérieurement.

Dans la mesure où, en matière de protection sociale, la loi applicable est celle du lieu où le bénéficiaire travaille effectivement de manière prépondérante, les frontaliers sont soumis aux dispositions de la loi suisse.

10. L’employeur est-il obligé d’accorder un congé l’autre parent à celui qui le demande ?

L’art. 362 CO mentionne le congé l’autre parent anciennement appelé congé paternité aux nombres des dispositions auxquelles il ne peut être dérogé au détriment de la personne salariée. L’employeur est donc libre d’accorder des conditions plus favorables (plus de dix jours, compensation du manco salarial, prolongation de la période…) mais il ne saurait supprimer le congé de l’autre parent requis dans les six mois depuis la naissance de l’enfant.

11. Quelle est l’incidence sur le congé de l’autre parent de la maladie ou du décès de l’enfant ?

Si l’enfant est hospitalisé et que le congé de maternité est prolongé selon l’art. 16c LAPG, le délai-cadre de 6 mois pour la prise du congé de l’autre parent sera suspendu.

Le décès de l’enfant met fin immédiatement au congé de l’autre parent ; ainsi, tous les jours qui n’auront pas été pris ne pourront donner lieu à un congé ni être indemnisés. En effet, le but de ce congé est de permettre de construire une relation avec l‘enfant. 

12. Quelle est l’incidence sur le congé de l’autre parent du décès de la mère ?

Si c’est la mère qui décède pendant l’accouchement ou au cours des 14 semaines qui suivent, l’autre parent a droit à un congé de 14 semaines et, s’il remplit les conditions de la LAPG, à l’allocation de 98 indemnités journalières. Pendant ce temps le délai-cadre de 6 mois du congé de l’autre parent est suspendu.

(1)Exercer une activité lucrative dépendante, avoir été assuré à titre obligatoire à l’AVS pendant les neufs mois précédant la naissance et avoir exercé une activité lucrative d’au moins cinq mois pendant cette période.

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