Salaire et assurances sociales: Nouveautés, changements et défis actuels
Aides de travail appropriées
Journée Salaire et assurances sociales 2024
Le monde change, et les aspirations des employés aussi. C’est, dans les grandes lignes, ce qu’a expliqué Danièle Felley, experte en prévoyance professionnelle, lors de son intervention lors de la Journée Salaire et assurances sociales 2024, qui s’est tenue à Lausanne. «Nous sommes face à un nouveau paradigme», a-t-elle souligné. «Les nouvelles générations ne vivent plus pour travailler, mais travaillent pour vivre. Et elles veulent bien vivre aujourd’hui, mais aussi une fois à la retraite.» A cette envie de «balance entre travail et vie privée» fait écho deux autres défis de taille: la hausse du temps partiel et l’augmentation du nombre de familles recomposées, qui a pour corolaire la constitution d’un puzzle au niveau des prestations. Un contexte dans lequel il faut également intégrer une plus grande longévité (de nos jours, les gens vivent plus de 20 ans après la retraite) et des rendements sur les placements financiers en berne.
Ainsi, alors que, en 1985, on obtenait un capital de 604000 francs grâce à une cotisation annuelle de 5000 francs durant 40 ans, ce montant a chuté aujourd’hui à 244000 francs!
Si bien qu’en 2023, la rente LPP médiane d’une femme est de 1217 francs et celle d’un homme de 2077 francs. «Il faudra en outre relever le défi du manque de collaborateurs qualifiés, estimé à 500000 d’ici 2030», note Danièle Felley. «Quand on sait que les trois principales préoccupations des Suisses sont désormais la santé et l’invalidité, la retraite et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, on peut dire que la prévoyance professionnelle a un vrai rôle à jouer dans la séduction ou la conservation des talents.» Trop souvent considérée comme un mal nécessaire, une LPP bien réfléchie peut donc représenter un levier intéressant pour les ressources humaines ou les PME. «Pour être attrayant, on peut renforcer la rente invalidité à moindres frais, estime la spécialiste. Comment? Il faut oublier la rente d’invalidité selon le minimum LPP et l’exprimer en fonction du salaire AVS. Et pour réduire les coûts, on différenciera le salaire risque du salaire épargne, par exemple en laissant ce dernier au minimum légal.»
De nombreuses mesures possibles
S’agissant des retraites, il convient de chercher à augmenter le capital de vieillesse, d’où découle la rente. Même si tous les plans de prévoyance sont différents, plusieurs solutions concrètes peuvent être mises en place, selon l’experte en prévoyance professionnelle: démarrer l’épargne à partir de 18 ans et non 25 ans, augmenter les bonifications de vieillesse, assurer l’ensemble du salaire, intégrer le bonus dans le salaire assuré, rechercher la performance financière en trouvant la caisse ou le gestionnaire de fortune qui saura faire les bons choix (en 2022, année compliquée, la plus mauvaise caisse avait un résultat de –15% pendant que la meilleure arrivait quand même à 2.4%), ou encore opter pour des caisses à faibles redistributions, c’est-à-dire des caisses qui rémunèrent à sa juste valeur l’argent des actifs. «Qui dit renforcer l’épargne dit certes moins de salaire net à la fin du mois, mais plus d’argent à la retraite ou pour l’achat d’un bien immobilier, d’autant plus qu’au moins la moitié est payée par l’employeur», rappelle Danièle Felley.
Quid du «work-life balance»? Quelles sont les pistes d’amélioration? «Il faut faire en sorte que le temps partiel impacte le moins possible le montant touché à la retraite, notamment en jouant avec la déduction de coordination, répond-elle. Il est aussi important de proposer divers plans de prévoyance, car chacun n’a pas la même vision de l’épargne. Pourquoi imposer une taille unique à tout le monde? D’autant que la liberté de choix ne coûte pas plus cher à l’employeur, car le surplus de l’épargne est à la charge de l’employé. Prévoir un plan pour ceux qui veulent travailler jusqu’à 70 ans représente également une bonne option. Cette mesure n’est pas beaucoup plus coûteuse et permet de garder des employés qualifiés.»
Un autre sujet de préoccupation des employés est (et reste) la protection de leur famille. Danièle Felley esquisse trois solutions: intégrer un capital décès complémentaire, qui, dans les faits, est deux à trois fois moins cher qu’une assurance privée et ne coûte pas énormément à l’employeur; examiner la clause bénéficiaire, car, légalement, on peut jouer avec l’ordre des personnes concernées; être attentif à ce qui est versé par la caisse de pension, car cela varie beaucoup d’un établissement à l’autre. On peut, en outre, décider d’intégrer certains groupes de personnes, comme les talents, dans des plans spéciaux. «Suivant la caisse choisie, l’offre peut passer, à prestations égales, du simple au triple, d’où l’intérêt de challenger régulièrement sa caisse», souligne Danièle Felley. «Il faut aussi être attentif aux frais, tant administratifs que de gestion, qui fluctuent beaucoup selon les caisses. Dans tous les cas, la clé du succès réside dans la communication des mesures prises par l’entreprise.» Pour la spécialiste, «la LPP est le couteau suisse de la prévoyance et des RH, même si elle est trop souvent sous-estimée».
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La gestion des données personnelles
Parmi les thématiques qui ont été évoquées lors de cette Journée Salaire et assurances sociales 2024, il aura aussi été question de protection des données. En Suisse, il s’agit d’un droit fondamental garanti à l’art. 13 al. 2 de la Constitution fédéral et faisant l’objet, notamment, de la Loi fédérale sur la protection des données (LPD), dont une révision complète est entrée en vigueur le 1er septembre 2023. Elle s’applique aux organes fédéraux et aux personnes privées. En parallèle, on trouve aussi 25 législations cantonales (destinées aux cantons, aux communes et aux personnes privées délégataires d’une tâche publique cantonale ou communale), ainsi que, possiblement, le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce texte européen protecteur s’applique en Suisse essentiellement dans deux cas: si l’on cible des personnes de l’Union européenne (UE) pour leur vendre des biens et des services, ou s’il y a une surveillance du comportement d’une personne dans l’UE, notamment au travers des logiciels de télétravail.
Maintenant que le cadre légal est posé, intéressons-nous à la notion de données personnelles. Que couvre-t-elle? «Tout ce qui se rapporte à une personne, que ce soit son nom et son prénom, le son de sa voix, son image, ou même son email professionnel», répond David Raedler, spécialiste en protection des données et droit du travail. Le législateur livre aussi une liste exhaustive de catégories de données dites sensibles. Elles regroupent les opinions religieuses, philosophiques, politiques ou syndicales, la santé, la sphère intime, les informations sur l’origine raciale ou ethnique, les données génétique et biométrique, les données pénales et administratives, et les mesures liées à l’aide sociale.»
Gare à la violation de la personnalité
A chaque étape du traitement des données (collecte, sauvegarde, suppression…), il faut s’interroger sur la légalité de la démarche. En droit du travail, deux buts sont admis: ces données doivent permettre de juger l’aptitude de l’employé à son travail ou être nécessaires à l’exécution du contrat de travail. En parallèle, le traitement doit, par principe, respecter six principes fondamentaux: la bonne foi, l’exactitude, la sécurité, mais surtout la proportionnalité, la transparence et la finalité. Si l’on sort de ce cadre, il y a violation de la personnalité. Il en va de même lorsque la personne s’est opposée au traitement de ses données ou lorsqu’on transfert des données sensibles à des tiers. «En présence d’une violation de la personnalité, il convient de chercher un juste motif à celle-ci», explique l’avocat. «Ils sont au nombre de trois: consentement de l’employé, obligation légale ou intérêt prépondérant de l’employeur ou d’un tiers.» En l’absence d’un tel motif justificatif, le traitement est illicite et l’on doit donc s’abstenir de traiter ces données, sous peine de s’exposer à des poursuites civiles, et potentiellement pénales…
Les nouveautés liées au changement de loi
Des données dont la législation a un peu changé avec l’entrée en vigueur, dès le 1er septembre 2023, de la nouvelle LPD. «C’est une évolution plus qu’une révolution», précise l’homme de loi, qui a égrené les modifications. «Les entreprises qui ont plus de 250 collaborateurs ou qui traitent des données sensibles à grande échelle, comme des cliniques, doivent tenir un registre des activités de traitement des données. Il s’agit essentiellement d’un document Excel qui cartographie les divers traitements de données, explique leur but et atteste ou non d’un transfert de données, le cas échéant à l’étranger. Il est conservé à l’interne, en cas de besoin. Autre innovation: le devoir d’informer. Celui-ci prend généralement la forme d’une notice d’information de deux ou trois pages, facile à établir, que l’on trouve souvent sur les sites internet des entreprises. Il doit permettre aux personnes concernées de connaître le but et la manière du traitement de leurs données, sans quoi c’est pénalement répréhensible.» La dernière obligation significative consiste à annoncer d’éventuelles violations de sécurité, que ce soit une cyberattaque ou la perte d’un classeur avec des données sensibles. Il convient alors d’en informer le préposé fédéral et aussi de l’annoncer aux personnes concernées.
Se pose encore la question du transfert des données à l’étranger, notamment par l’intermédiaire d’un cloud. Les pays jugés sûrs par la Confédération, donc ne demandant aucune procédure, sont essentiellement ceux de l’Espace économique européen, l’Argentine, l’Uruguay et le Canada. «En revanche, cela n’inclut pas les Etats-Unis», souligne David Raedler. «Si un accord a été passé entre l’UE et les USA, ce processus est en cours avec la Suisse, mais pas encore en force. Il pourrait se concrétiser à partir de mars 2024, dit-on.» Le monde est constamment en changement et la législation, elle aussi, doit s’adapter.