Egalité des salaires: Une obligation légale ou opportunité de contrôler?

À travail égal salaire égal?! Une prétention constitutionnelle qui est concrétisée depuis le 1er juillet 2020 avec le changement de la loi sur l’égalité ainsi qu’avec l’ordonnance d’application. Le présent article est consacré aux dispositions portant sur l’analyse de l’égalité des salaires et il présente ce à quoi les entreprises de plus de 100 collaborateurs doivent se veiller respectivement ce que toutes les entreprises de plus petite taille devraient faire sur une base volontaire.

14/03/2022 De: David Schneeberger
Egalité des salaires

Situation initiale

Conformément à l’art. 8 al. 3 de la constitution fédérale, les femmes et les hommes ont droit au même travail à salaire égal. Pour un meilleur déploiement de cette prétention à l’égalité des salaires, le Conseil fédéral a approuvé le 5 juillet 2017 un changement dans la loi sur l’égalité (LEg) qui a également été approuvé le 14 décembre 2018 par le Parlement. La révision comprend l’analyse de l’égalité des salaires, son contrôle par des tiers indépendants et l’information du résultat aux collaborateurs. Le changement de la LEg requiert une application au niveau de l’ordonnance sur trois points. C’est le 21 août 2019 que le Conseil fédéral a prévu que l’entrée en vigueur à la fois du changement de la LEg et de celui de l’ordonnance sera fixée au 1er juillet 2020.

Adaptations centrales

Les employeurs qui occupaient 100 collaborateurs ou plus au début d’une année doivent impérativement lancer une analyse interne à l’entreprise en matière d’égalité salariale. 0,9 pour-cent de toutes les entreprises sont concernées, ce qui représente 46% de tous les salariés en Suisse. L’analyse doit être contrôlée par un organe indépendant (par exemple une entreprise d’audit) et les collaborateurs doivent être informés par écrit dans un délai d’une année sur le résultat obtenu.

Indications préalables temporelles

L’ordonnance relative prévoit que la première analyse d’égalité salariale doit être effectuée jusqu’au 30 juin 2021 (art. 10 OEg). Son contrôle doit survenir au plus tard à la fin juin 2022 (art. 13e al. 3 LEg) et les collaborateurs ainsi que les actionnaires doivent en être informés jusqu’à la fin juin 2023 au plus tard (art. 13g et art. 13h LEg).

L’analyse doit être effectuée pour «l’année considérée» (art. 13a al. 1 LEg). Étant donné que la loi entre en vigueur le 1er juillet 2020, l’analyse doit se référer à la période allant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021, encore que n’importe quel mois compris entre juillet 2020 et juin 2021 puisse être sélectionné.

Fondamentalement, l’analyse de l’égalité des salaires doit être renouvelée tous les quatre ans (art. 13a al. 2 LEg). Si, toutefois, l’analyse de l’égalité salariale démontre que l’égalité entre les salaires est respectée (par ex. parce qu’il n’existe aucune différence salariale systématique inexplicable entre les femmes et les hommes), l’employeur correspondant sera libéré de l’obligation de procéder à une analyse (art. 13a al. 3 LEg).

La durée de validité de l’analyse de l’égalité des salaires a été limitée par le Parlement à douze ans (ce que l’on appelle la clause du Sunset). Le changement de la LEg ainsi que de l’ordonnance correspondante sera ainsi automatiquement supprimé le 1er juillet 2032.

(Aucune) obligation d’exécution

L’obligation d’analyse est imposée à tous les employeurs qui occupent 100 salariés et plus (art. 13a al. 1 LEg). Cette exigence touche non pas les postes à temps complet, mais le nombre de personnes engagées (indépendamment de leur taux d’activité). Seuls les apprentis en sont exclus, ils ne doivent pas être pris en considération.

L’obligation d’exécuter une analyse d’égalité salariale est supprimée pour les employeurs (art. 13b LEg) qui

  1. relèvent d’un contrôle sur le respect de l’égalité salariale dans le cadre d’une procédure d’octroi de marché public
  2. relèvent d’un tel contrôle dans le cadre d’une demande d’octroi de subventions
  3. ont déjà effectué un tel contrôle et ont démontré qu’ils satisfaisaient aux exigences dans la mesure où le mois de référence du contrôle n’est pas antérieur à quatre ans

Définition de l’employeur

Est considéré comme employeur toute personne physique ou morale qui possède une prétention découlant d’un contrat de travail et qui a corrélativement une obligation découlant aussi du contrat de travail. En fait notamment partie le paiement du salaire. Dans les cas peu clairs (par exemple en cas de relations de groupe), la pratique correspondante du droit du travail peut être prise en considération.

Définition du salaire

L’analyse de l’égalité salariale entend comparer le salaire, raison pour laquelle il faut définir de manière univoque ce qui doit être compris dans le salaire. En l’absence d’une définition dans la constitution fédérale ainsi que dans la LEg, il faut partir de la pratique juridique du Tribunal fédéral (ATF 129 I 265; 126 II 217 C. 8a; 109 lb 81 C. 4c). Celle-ci précise que le salaire se compose de toutes les contributions relevant de la prestation de travail du collaborateur. En font partie à la fois le salaire de base en tant que tel (la rétribution qui est versée pour le travail effectué), mais aussi tous les éléments de salaire à caractère social.

Exécution de l’analyse

L’exécution de l’analyse relève de la compétence de l’employeur (art. 13a LEg). Elle doit être effectuée selon une méthode scientifique et conforme au droit, la Confédération ayant mis à disposition de tous les employeurs un outil normalisé gratuit d’analyse (art. 13c LEg). Il s’agit de l’outil «Logib» du Bureau fédéral de l’égalité entre les femmes et les hommes (BFEG) pour lequel existe un mode d’emploi correspondant. La preuve d’une méthode scientifique et conforme aux exigences légales peut ainsi être apportée sans autre dans la mesure où la déclaration de conformité mise à disposition pour le BFEG est utilisée.

Cet outil d’analyse normalisé de la Confédération peut, mais ne doit pas impérativement être retenu. Si une autre méthode est choisie, elle doit satisfaire aux exigences suivantes conformément au rapport explicatif de l’Office fédéral de la justice du 21 août 2019:

  • nom et bref descriptif de la méthode
  • documentation complète et transparente de la méthode et mode d’emploi sur le contrôle formel de celle-ci dans une langue officielle (ces documents doivent permettre de comprendre intégralement la méthode et de la reconstituer)
  • validation de la qualité scientifique et de la conformité légale de la méthode ainsi que du caractère adéquat du fil rouge par un office indépendant (haute école, institut de recherche, administration publique ou tribunal)
  • nom, fonction, appartenance et adresse d’une personne de contact ou d’une institution qui est en mesure de donner des renseignements techniques sur la méthode

Frais de déploiement

Dans son message sur la modification de la LEg du 5 juillet 2017, le Conseil fédéral a pris position sur les frais administratifs prévisionnels de déploiement. Pour les entreprises de moyenne taille (jusqu’à 249 salariés), il faut compter, en termes de charge de travail, en moyenne deux jours ouvrables et pour les grandes entreprises (250-999 salariés), trois jours de travail en moyenne alors que, pour les très grandes entreprises (plus de 1 000 salariés), il faut partir du principe que près de huit jours de travail seront nécessaires – dans la mesure où elles ont déjà de l’expérience avec «Logib».

Contrôle de l’analyse

Le contrôle formel de l’analyse incombe aux employeurs qui relèvent du code des obligations, c’est-à-dire qu’il doit être fait soit par

  • une entreprise autorisée de révision (auditeur, expert en révision ainsi qu’entreprise de révision supervisée par l’État)
  • une représentation des collaborateurs conformément à la loi sur la participation
  • ou une organisation selon l’art. 7 LEg. En font partie les organisations de femmes et d’hommes qui, conformément à leurs statuts, font la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que les syndicats qui défendent les intérêts des salariés. De telles organisations doivent exister depuis au moins 2 ans, raison pour laquelle des organes ad hoc en sont notamment exclus. Malheureusement, il n’existe pas de liste de ce genre d’organisations ou de représentants des salariés.

Étant donné que le contrôle formel de l’analyse de l’égalité salariale est un contrôle spécial au sens de la loi, les dispositions relatives à l’indépendance de l’organe de révision doivent être respectées. Une entreprise d’audit qui participe à l’exécution de l’analyse interne à l’entreprise en matière d’égalité des salaires ne peut pas la contrôler par la suite (ce que l’on appelle l’interdiction d’autocontrôle). Le contrôle ne doit toutefois pas impérativement être exécuté par les organes réguliers ou usuels de révision.

Étendue du contrôle

Les auditeurs en chef doivent contrôler les exigences suivantes (art. 7 al. 2 OEg):

  1. l’analyse de l’égalité salariale a été effectuée dans l’intervalle de temps prescrit par la loi
  2. il existe une preuve selon laquelle l’analyse de l’égalité salariale a été effectuée selon une méthode scientifique et conforme au droit
  3. tous les collaborateurs ont été saisis dans leur intégralité
  4. tous les éléments de salaires ont été saisis dans leur intégralité
  5. les données requises, y compris les caractéristiques personnelles et liées au poste de travail, ont été saisies dans leur intégralité

Le contrôle de l’analyse de l’égalité salariale n’est donc pas un contrôle matériel pour savoir si l’égalité salariale est respectée ou non dans l’entreprise correspondante, mais un contrôle formel de l’exécution de l’analyse. Pour que cela puisse être réalisé, il faut que l’employeur remette tous les documents et donne les renseignements requis (art. 13e al. 1 LEg). Le rapport doit être ensuite remis dans un délai d’une année à l’organe de direction de l’entreprise contrôlée (art. 13e al. 3 LEg), de sorte que les collaborateurs puissent à leur tour être informés relativement rapidement sur les résultats.

Obligation d’information sur les résultats

Les employeurs doivent informer par écrit leurs employés sur les résultats de l’analyse de l’égalité salariale jusqu’à au plus tard une année après la clôture du contrôle (art. 13g LEg). Par contre, aucune publication ni communication aux autorités ne sont prévues, sauf si la loi devait l’indiquer (par exemple loi fédérale sur les marchés publics). Si, par contre, la société est cotée en Bourse, le résultat doit être publié en annexe aux comptes de l’exercice (art. 959c al. 1 chiff. 4 CO; art. 13h LEg). Dans le secteur public, les résultats individuels de l’analyse d’égalité salariale et du contrôle doivent également être publiés (art. 13i LEg).

Conséquences

La loi ne prévoit pas de punition directe des entreprises si elles ne connaissent pas l’égalité salariale, mais des points négatifs tels que la répétition de l’analyse après quatre ans, une exclusion des marchés publics ou un dommage possible à leur image. Une appréciation des conséquences de la régulation qui a été effectuée en relation avec le message sur la modification de la LEg du 5 juillet 2017 présente par contre une image réjouissante. Parmi les entreprises interrogées qui avaient déjà procédé à une analyse d’égalité salariale, la moitié a pris par la suite des mesures correctrices, ce qui a constitué notamment en des augmentations de salaires pour les femmes. Ces adaptations salariales ont pu être réalisées dans le cadre des rondes régulières de salaires.

Simultanément, le Conseil fédéral espère d’autres effets positifs tels que le lancement d’une réflexion sur les salaires et la création d’une plus forte transparence, la sensibilisation de la direction d’entreprise aux questions d’égalité et une plus grande motivation, satisfaction et productivité des salariés. Selon des études empiriques, l’analyse d’égalité salariale aura des effets positifs sur la productivité et débouchera sur l’évitement de distorsions de la concurrence.

Contrôle volontaire de l’égalité salariale

Seuls les employeurs qui occupent plus de 100 collaborateurs relèvent de l’obligation de contrôle de l’égalité salariale. Cela ne signifie toutefois pas que les autres entreprises sont dispensées de réaliser un tel contrôle sur une base volontaire. Il peut s’agir ici par exemple de l’outil d’analyse gratuit normé de la Confédération et du respect des mêmes paramètres que ceux prescrits par la loi et par l’ordonnance. Une telle transparence améliorera vraisemblablement l’ambiance dans l’entreprise correspondante et elle contribuera à supprimer les inégalités monétaires et elle lui permettra finalement d’être prise en considération comme partenaire plus loyal.

Résumé et conclusion

À partir du 1er juillet 2020, les entreprises qui occupent plus de 100 collaborateurs disposeront d’une année pour réaliser une analyse de l’égalité salariale, celles-ci pouvant s’appuyer sur l’outil gratuit d’analyse normalisé de la Confédération «Logib». Cette analyse doit ensuite être vérifiée formellement par exemple par une entreprise de révision et les résultats doivent être présentés aux collaborateurs. Cette possibilité d’analyse d’égalité salariale est toutefois ouverte à toutes les entreprises et doit pouvoir être effectuée à frais réduits (environ deux jours de travail) selon les estimations du Conseil fédéral. Cela offre une opportunité de veiller à une véritable égalité dans sa propre entreprise.

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