Analyse de l'égalité salariale: (In)égalités salariales entre femmes et hommes en Suisse et au niveau de l’entreprise
Aides de travail appropriées
Situation statistique en Suisse
L’enquête sur la structure des salaires (ESS) permet d’obtenir la principale base de données à propos de la structure salariale du marché du travail en Suisse. Elle est réalisée tous les deux ans auprès des entreprises. Sur la base de l’ESS, l’Office fédéral de la statistique (OFS) mandate régulièrement la réalisation d’études détaillées évaluant l’écart salarial entre femmes et hommes au niveau national et le décomposant en une partie expliquée et une partie inexpliquée. La partie expliquée repose sur les différences des caractéristiques des femmes et des hommes, comme la branche économique, le métier, les caractéristiques personnelles, et ainsi de suite. La partie inexpliquée est celle que l’on obtient après avoir soustrait l’influence des différences de caractéristiques. Cette dernière indique une potentielle discrimination liée au sexe.
L’ESS a porté en 2018 sur près de 36'000 entreprises, ce qui correspond à environ 1.2 million de salarié-e-s. Sur cette base, la dernière étude de l’OFS reporte qu’en 2018 le salaire mensuel brut standardisé des femmes est en moyenne de 19.0% inférieur à celui des hommes, ce qui correspond à CHF 1512. La part expliquée de l’écart salarial moyen est estimée à 54.6% et la part inexpliquée à 45.4%. Les femmes gagnent alors en moyenne CHF 686 de moins par mois potentiellement en raison de leur sexe.
L’approche des études mandatées par l’OFS est descriptive et s’applique au niveau national. Elle utilise un grand nombre de facteurs explicatifs et permet d’obtenir une vue d’ensemble. Au niveau d’une entreprise ou organisation, une approche justificative sera par contre privilégiée afin d’évaluer si la pratique salariale conduit à une discrimination systématique d’un sexe par rapport à l’autre. Dans cette optique, les différences salariales ne peuvent être justifiées que par des critères objectifs et non discriminatoires.
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Modification de la loi sur l’égalité
Depuis 1981, le principe de l’égalité salariale est inscrit dans la Constitution fédérale : « L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. » (art. 8, al. 3, 3e phrase). La loi sur l’égalité (LEg), en vigueur depuis 1996, a été récemment modifiée afin d’améliorer la mise en œuvre de ce principe. Cette révision s’accompagne d’une ordonnance (OLEg). Depuis le 1er juillet 2020, les entreprises et organisations, privées et publiques, d’au moins 100 employé-e-s (personnes en apprentissage non comprises) sont soumises à un dispositif en 3 étapes :
- Analyse : Les employeurs ont jusqu’au 30 juin 2021 pour réaliser une première analyse de l’égalité salariale interne à l’entreprise en choisissant un mois de référence entre juillet 2020 et juin 2021. Pour cela, ils doivent utiliser une méthode scientifique et conforme au droit (art. 13c, al. 1, LEg). La Confédération met gratuitement à disposition l’outil d’analyse standard Logib qui répond à ces deux critères, comme le prouvent diverses évaluations (BFEG, 2020a). Les entreprises et organisations souhaitant utiliser une autre méthode doivent apporter la preuve de sa qualité scientifique et de sa conformité au droit (art. 7, al. 2, let. b, OLEg).
- Vérification : Les employeurs ont jusqu’au 30 juin 2022 pour faire vérifier leur première analyse par un organe indépendant. Il doit s’agir soit d’une entreprise de révision agréée, soit d’une organisation au sens de l’art. 7 LEg (associations féminines/masculines, syndicats) ou représentation de travailleurs/euses. Dans le cas de l’entreprise de révision agréée, les personnes qui dirigent la révision doivent avoir suivi une formation spécifique. Différents cours sont reconnus par le Bureau fédéral de l’égalité (BFEG) : EXPERTsuisse, veb.ch / TreuhandSuisse. Lorsque la vérification est réalisée par une organisation ou représentation de travailleurs/euses, une convention sur la marche à suivre est conclue entre les parties.
- Communication : Les employeurs ont jusqu’au 30 juin 2023 pour informer les employé-e-s et actionnaires du résultat de la première analyse. Le secteur public devra publier des résultats détaillés de l’analyse et de la vérification. Au final, environ 46% des employé-e-s en Suisse devraient recevoir une information écrite à ce sujet d’ici à la fin juin 2023.
Si l’égalité salariale n’est pas respectée au niveau de l’entreprise suite à la première analyse, cette dernière devra alors être répétée dans quatre ans. Ce dispositif prendra fin le 1er juillet 2032. Il est important de garder à l’esprit que l’absence de discrimination salariale systématique au niveau de l’entreprise ne peut garantir l’absence de discrimination sexospécifique au niveau des employé-e-s ou des fonctions et donc le respect absolu de l’art. 3, al. 2 LEg et du principe constitutionnel.
Logib
La Confédération met gratuitement à disposition un outil d’analyse standard, Logib, permettant aux entreprises et organisations dès 50 employé-e-s d’analyser leurs pratiques en matière d’égalité salariale. Disponible depuis le 1er juillet 2020 dans une version web (logib.admin.ch), il est très sécurisé et facile à utiliser. Son interface a été optimisée en termes de convivialité et d’accessibilité, et les données requises sont en grande partie les mêmes que celles demandées pour la réalisation de l’ESS. Enfin, Logib est reconnu par des organisations internationales (OIT, OCDE, ONU).
Le BFEG met un guide à disposition de l’organe indépendant tiers pour la vérification formelle lorsque Logib a été utilisé. Logib génère aussi automatiquement un rapport et une extraction des données afin de faciliter la vérification.
La méthodologie repose sur les éléments suivants :
- Plusieurs variables explicatives : Il s’agit de facteurs justificatifs liés aux personnes (formation, expérience professionnelle potentielle, ancienneté) et aux fonctions (niveau de compétences, position professionnelle), ainsi que le sexe. Ce dernier ne devrait pas avoir d’influence sur le salaire.
- Le salaire : Le salaire brut est automatiquement standardisé par Logib à 100% et sur un même temps de travail hebdomadaire pour chaque employé-e. On trouve dans les instructions de Logib (BFEG, 2020b) une spécification salariale indiquant les composantes pertinentes du salaire à inclure pour réaliser en pratique une analyse de l’égalité salariale, ainsi que la manière dont il faut en tenir compte.
- Une procédure d’analyse statistique : Logib se base sur une analyse de régression.[1] En plus d’être une méthode scientifique standard, l’analyse de régression est approuvée par le Tribunal fédéral pour traiter les discriminations salariales (ATF 130 III 145) et aussi par d’autres juridictions au niveau international.
- Un seuil de tolérance : Dans certaines entreprises, il est envisageable que l’écart salarial se justifie par d’autres facteurs objectifs et non discriminatoires que ceux de Logib. Pour en tenir compte, Logib utilise un seuil de tolérance de 5% pour l’influence du facteur sexe. Si un test statistique nous indique que ce seuil est dépassé, il y a une présomption fondée que la pratique salariale de l’entreprise analysée est systématiquement discriminatoire.
La Figure 1 présente les principales étapes que vous allez parcourir lors de la réalisation d’une analyse avec Logib. Afin de garantir une transparence maximale, le code informatique permettant à l’outil web de réaliser les calculs statistiques est open source (Chassot, 2020). Finalement, un module pour analyser l’égalité salariale dans les petites entreprises (celles de moins de 50 employé-e-s) est disponible depuis fin 2020.
Références
BFEG (2020a) Déclaration de conformité : Outil d’analyse standard (Logib). (URL)
BFEG (2020b) Outil d’analyse standard (Logib) : Instructions. Version 2020.4. (URL)
Chassot (2020) logib : Salary analysis by the Swiss federal office for gender equality. R package, version 0.1.0. (URL)