Le certificat médical: Une preuve absolue de l'incapacité?

Le certificat médical étant établi par un médecin, il ne devrait pas pouvoir être remis en cause par l’employeur, qui n’a pas les compétences médicales nécessaires pour substituer son avis à celui du médecin.

21/03/2022 De: Pierre Matile
Le certificat médical

En ce sens, le certificat médical, en tant qu’il est établi par un médecin, bénéfice d’une certaine confiance, pour ne pas dire d’une présomption d’exactitude.

Remise en cause du certificat médical

Néanmoins, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le certificat médical est un moyen de preuve comme un autre et n’est donc pas absolu. Sa remise en cause par l’employeur suppose toutefois des raisons sérieuses. Celles-ci peuvent provenir du comportement du collaborateur, de circonstances particulières, notamment le moment où il est demandé, ou de tout autres faits qui permettent à l’employeur de douter de la véracité du certificat médical. C’est particulièrement le cas si:

  • les certificats médicaux sont incomplets, imprécis, illisibles, incohérents ou en contradiction avec les déclarations du collaborateur ;
  • les certificats médicaux sont contradictoires, ce qui est le cas notamment lorsque les conclusions du médecin sur l’incapacité de travail ne sont pas les mêmes selon le destinataire du certificat médical (p. ex. celui destiné à l’employeur, à l’assureur perte de gain, à l’assurance-chômage ou à l’assurance-invalidité) ;
  • le certificat est rétroactif sur une trop longue période ou qu’il atteste de symptômes remontant à plusieurs mois, ou dont la remise est trop tardive (étant précisé que l’appréciation se fait selon l’ensemble des circonstances) ;
  • le certificat médical est basé uniquement sur les déclarations du collaborateur, notamment en cas d’atteintes psychiques ce qui est fréquent lors de conflits interpersonnels ;
  • le certificat médical contient des observations de nature juridique et non médicale ; il en va ainsi notamment d’un certificat médical qui atteste d’un mobbing, qui est une notion juridique. De plus, dans un tel cas, le médecin se base souvent uniquement sur les dires de son patient et n’est pas en mesure de les vérifier;
  • le certificat médical est délivré par téléphone, sans que le médecin ait vu ou connaisse le patient ;
  • la chronologie des faits, notamment lorsque le certificat médical est délivré juste après un licenciement (« arrêt de travail réactionnel ») ou alors que le collaborateur s’attend à recevoir un licenciement ; il en va de même d’un certificat médical délivré (rétroactivement) pour une date à laquelle le collaborateur travaillait, car l’incapacité de travail est en contradiction avec les faits;
  • le collaborateur est régulièrement absent, a fortiori lorsque lesdites absences tombent de façon récurrente à certaines dates, en particulier avant ou après le week-end, juste avant ou après des jours fériés, avant ou après des périodes de vacances scolaires ;
  • la maladie est invoquée juste après le refus de l’employeur d’accorder des vacances à une certaine date ;
  • le comportement et les activités du collaborateur sont incompatibles avec l’incapacité de travail invoquée. L’exemple classique est celui du collaborateur qui, alors qu’il est en incapacité de travail en raison d’une douleur au genou, est surpris en train de réparer un toit, de faire du sport ou de travailler ailleurs ;
  • plusieurs certificats médicaux sont délivrés successivement par divers médecins, avec des spécialités différentes, le collaborateur pratiquant alors probablement du « tourisme médical » ;
  • le certificat médical n’est pas délivré par un médecin de la spécialité concernée par l’affection, même si en tant que tel, cela ne représente pas une preuve de l’inexactitude du certificat médical. Selon l’affection en cause, il peut néanmoins apparaître certains doutes. Ainsi, en cas d’atteintes psychiques, où le risque d’abus est plus élevé, il convient de se montrer plus prudent, en ce sens qu’un certificat médical délivré par un psychiatre peut être exigé ;
  • le certificat médical est délivré par une permanence ou émane d’un médecin reconnu pour sa complaisance ;
  • le certificat médical est délivré par un médecin qui a un lien de parenté avec le collaborateur ou qui est proche de ce dernier ;
  • le certificat médical est établi à l’étranger ; celui-ci devra alors être examiné avec prudence compte tenu des risques d’abus, même si, en tant que tel, il n’est pas dénué de valeur probante ;
  • le certificat médical implique des conséquences d’une grande ampleur ;

En revanche, le fait que le certificat médical ait été établit par le médecin traitant du collaborateur, avec lequel un certain rapport de confiance existe, ne saurait à lui seul lui enlever sa force probante.

Il faut également conseiller à l’employeur d’être attentif aux certificats médicaux qui sont antidatés, c’est-à-dire ceux qui sont datés d’une date antérieure à celle de son établissement, car de tels certificats sont généralement considérés comme des certificats de complaisance, punissables en vertu de l’art. 318 CP.

Force probante du certificat médical

Le certificat médical, bien qu’établi par un médecin, n’est pas une preuve absolue de l’incapacité de travail du collaborateur. En définitive, sa force probante concrète dépend des éléments suivants:

  • de la qualité du document et de son contenu : le certificat est-il lisible, compréhensif, complet, correctement daté, sans contradiction interne ou avec un autre certificat ;
  • de son auteur : sa formation, son expérience, sa spécialité et sa réputation ;
  • du contexte : chronologie des faits, circonstances, existence d’un litige avec l’employeur ou un assureur, conséquences du certificat, comportement du patient etc.
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