Vérification des antécédents: Quand est-t-elle admissible?
Aides de travail appropriées
Bases juridiques de protection des données pour faire une vérification des antécédents
Ces informations sont des données personnelles au sens de la loi sur la protection des données ("LPD" ; cf. art. 3 LPD). Dans la mesure où il s'agit de données relatives à la santé ou à des poursuites ou sanctions administratives ou pénales, il s'agit même de données personnelles nécessitant une protection particulière au sens de l'art. 3, let. c LPD. Il en va de même pour les données relatives aux opinions ou activités religieuses, idéologiques, politiques ou syndicales, ainsi qu'à celles relatives à la sphère intime ou à l'origine raciale ou ethnique des candidats/collaborateurs ainsi que les données biométriques identifiant une personne physique de manière univoque.
Selon les principes généraux de traitement des données également applicables à toute relation de travail, tout traitement de données doit être effectué selon les règles de la bonne foi, de manière licite, proportionnée, conforme à la finalité déclarée lors de la collecte des données, en s'assurant que les données sont exactes (art. 6 LPD) et dans le respect de toutes les autres dispositions du droit de la protection des données (par exemple en lien avec leur communication dans un pays ne disposant pas d’une législation assurant un niveau de protection adéquat).
En principe, l'employeur ne peut également faire une vérification des antécédents et traiter les données relatives aux (futurs) employés que dans la mesure où cela concerne leur aptitude à occuper le poste à pourvoir ou est nécessaire à l'exécution du contrat de travail (art. 328b CO). A notre avis, ce principe ne s'applique toutefois pas de manière absolue. Un traitement de données plus étendu peut quelquefois être justifié, notamment si l'on a obtenu le consentement (exprès) libre et éclairé du collaborateur ou en cas d'intérêts prépondérants de l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur traite des données personnelles de candidats/collaborateurs particulièrement dignes de protection, ces derniers ne doivent pas donner leur consentement du moment que les données en question concernent leur aptitude à occuper le poste à pourvoir ou sont nécessaires à l'exécution de leur contrat de travail. Si tel n'est pas le cas, les (futurs) employés doivent consentir expressément à un tel traitement de données.
En outre, le consentement est en principe également nécessaire dans la mesure où les données concernant le candidat/collaborateur doivent être transmises à un tiers (p. ex. un client) (voir également ci-après).
Dans la mesure où le consentement du candidat/(futur) collaborateur est requis, celui-ci ne consent valablement que s’il exprime librement sa volonté concernant un ou plusieurs traitements déterminés et après avoir été dûment informé. Le consentement doit être exprès lorsqu’il s’agit d’un traitement de données sensibles (cf. art. 6, al. 6 et 7 LPD). Les employés doivent donc être en particulier informés de la finalité pour laquelle les données sont collectées et traitées, des personnes qui ont accès à ces dernières ainsi que de la durée et du lieu de leur stockage. Le caractère volontaire du consentement doit être considéré de manière critique dans le contexte de la procédure de candidature et/ou de la relation de travail. En effet, il existe toujours une certaine relation de dépendance entre le (futur) employé et l'employeur. Selon cet état de fait, le candidat souhaitera ardemment obtenir le poste et l'employé pourra redouter les conséquences d'un refus en la matière. Si possible, les candidats doivent donc être informés dès le début du processus de candidature de la possibilité de vérifications de leurs antécédents.
Délits/Extrait du casier judiciaire
Si l'employeur peut obtenir des informations sur certaines infractions pénales commises par le (futur) collaborateur à partir d'Internet ou d'autres sources accessibles au public, il peut en principe s’informer de la sorte. Toutefois, il ne doit prendre de décision au détriment du candidat/collaborateur concerné que si lesdites informations sont pertinentes et en lien avec son aptitude à occuper le poste en question ou à l'exécution de son contrat de travail. C'est le cas si, par exemple, un candidat postule pour un emploi dans une banque alors qu'il est ou a été impliqué dans un scandale de corruption ayant attiré l'attention des médias.
En Suisse, l'extrait officiel du casier judiciaire ne peut être délivré qu’à la demande de la personne concernée (ou, si nécessaire, uniquement à la requête des autorités). Une distinction est faite entre l'extrait privé (normal) et l'extrait privé spécial. L'extrait "normal" du casier judiciaire contient les détails de toutes les condamnations pour crimes et délits commis par des adultes jusqu'à expiration d'une période donnée. L'extrait privé spécial ne fournit d’informations que sur les jugements comprenant une interdiction d'exercer une activité professionnelle, une interdiction d'entrer en contact avec certaines personnes ou encore une interdiction de périmètre en vue de la protection de personnes mineures ou de personnes nécessitant une protection spéciale (tant qu'une telle interdiction est effective). En outre, l’extrait privé spécial ne peut être demandé que si le (futur) employeur confirme que la personne concernée exerce une activité impliquant un contact régulier avec des mineurs d’âge ou d'autres personnes nécessitant une protection spéciale.
De notre point de vue, l'employeur ne peut exiger d'un candidat qu'il fournisse/présente l'extrait de son casier judiciaire que si ce dernier occupe une position de confiance particulière et que d'éventuelles infractions pénales seraient à même d’avoir une influence directe sur la relation de travail. Le lien avec la place de travail doit donc être fort et immédiatement discernable. La doctrine rappelle volontiers la chose lorsque des cadres ou des cadres supérieurs sont concernés. Une telle relation avec le travail peut notamment exister lorsque le (futur) collaborateur en question représente l'employeur en public. Dans le cas contraire, l'employeur n'a pas le droit d'obtenir un extrait du casier judiciaire.
Même lorsque l'employeur a le droit de demander un extrait du casier judiciaire, il ne peut en principe tenir compte que des condamnations antérieures pertinentes du (futur) employé dans le cadre de la décision qu’il est appelé à prendre. Toutefois, en ce qui concerne les employés occupant une position de confiance particulière, on peut toutefois faire valoir que certains antécédents « non pertinents » peuvent également l'être quelquefois, si l’on considère que ces derniers donnent également une certaine impression quant aux aptitudes et au caractère de la personne concernée.
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Information d’ordre financier/Extrait du registre des poursuites
Il en va de même, en principe, pour les informations sur la situation financière du candidat ou de l'employé que pour les éventuelles infractions pénales/extraits de casier judiciaire. En principe, ces données ne peuvent également être demandées et traitées par l'employeur que si les informations qu’elles recèlent sont pertinentes du point de vue de l'aptitude à occuper un poste ou quant à l'exécution du contrat de travail ; elles doivent être suffisamment en lien avec la relation de travail. Cela risque notamment d'être le cas si l'employé a accès à des actifs importants de l'employeur ou de certains clients. C’est encore le cas si l'employé a accès à certaines données du fait de sa position, s'il est exposé à un risque de corruption en raison du poste qu’il occupe ou s'il représente l'employeur en public. Un tel lien peut ici aussi être admis de manière générale lorsque des cadres sont concernés.
Contrairement à l'extrait du casier judiciaire, l'employeur peut, dans certaines circonstances, demander un extrait du registre des poursuites de l'employé (un possible nouvel arrivant). C'est principalement le cas dans la mesure où l'employeur peut démontrer de manière crédible que la consultation de l'extrait du registre des poursuites du (futur) employé est faite en lien direct avec la conclusion du contrat de travail (ou est nécessaire à cet effet) et qu’elle est proportionnée. En règle générale, l'employeur ne peut donc se voir accorder l'accès à un tel document que lorsqu’il s’agit de postes de confiance particuliers (par exemple juge ou CEO).
Données médicales/Informations
Dans la mesure où les atteintes à la santé affectent l'aptitude au travail d'un collaborateur (potentiel) ou sont pertinentes pour l'exécution du contrat de travail (s’il s’avère que certains aménagements spéciaux sont requis sur son lieu de travail), ce dernier doit divulguer les informations concernées à l'employeur (ou tout au moins lui en faire part lorsque ce dernier les lui demande).
Il est également permis à l'employeur (au début de la relation de travail) d'ordonner un examen par un médecin-conseil. Toutefois, le médecin-conseil ne peut ausculter le candidat qu'à la seule fin de savoir si la santé de ce dernier le rend apte à occuper le poste en question. Le médecin informe ensuite l'employeur en ne répondant qu'à cette seule et unique question (d'autres informations sur l'état de santé de la personne examinée ne sont pas admissibles). Dans ce contexte, un test de dépistage de drogues auprès de (futurs) employés peut également être admissible. Toutefois, étant donné qu'un tel test représente une intrusion (grave) dans la personnalité, il n’a que rarement lieu (une pesée des intérêts entre les droits de la personnalité et les intérêts de l'employeur doit avoir lieu). Selon nous, les tests de dépistage de drogues peuvent être justifiés, par exemple, dans le cadre de fonctions impliquant un haut degré de responsabilité pour la santé et la sécurité de tiers (par exemple, dans le cas de conducteurs/chauffeurs/pilotes). Dans ces cas également, le médecin doit se borner à indiquer à l'employeur si le salarié concerné est apte au poste de travail ou non.
Dans la mesure où le test de dépistage des drogues repose (principalement) sur le consentement des employés, ceux-ci doivent avoir le droit de le refuser sans craindre de conséquences négatives. Sinon, à notre avis, le caractère volontaire du test n'est plus palpable.
Est-ce-qu'on peut utilisier les médias sociaux pour une vérification des antécédents?
Les recherches isolées/sporadiques sur Internet concernant l'employé (potentiellement un nouvel arrivant) sur des réseaux accessibles au public et liés au travail, tels que LinkedIn ou Xing, sont généralement admissibles.
En ce qui concerne les médias sociaux à caractère privé (par exemple Facebook, Instagram, TikTok), le lien avec le lieu de travail est (très) discutable. Dans la mesure où ces informations sont rendues accessibles au public par le candidat/l'employé, celles-ci peuvent néanmoins être prises en compte par l'employeur si le collaborateur (potentiel) démontre, par le biais de certains commentaires inappropriés ou photos inadéquates, qu'il n'est pas (plus) apte à exercer sa fonction d'un point de vue objectif, à savoir si les documents en question sont en lien direct avec sa place de travail , et que ces collaborateurs ont une position impliquant une confiance particulière. Dans le cas contraire, il est nécessaire d'obtenir le consentement des employés (potentiels) ou un intérêt prépondérant de l'employeur. Cependant, un intérêt prépondérant de l'employeur ne devrait pas exister, ou alors être très douteux, du moins pour les fonctions non-dirigeantes.
Contrôle de prestations/Références
En règle générale, les candidats énumèrent au moins dans leur CV les études et les formations pertinentes pour le poste à pourvoir et soumettent une copie de leurs certificats (par exemple, une copie de leurs diplômes universitaires) à l’employeur. S'ils ne le font pas, ce dernier peut exiger du candidat qu'il lui fournisse les documents correspondants. La vérification des informations communiquées par le candidat directement auprès de l'institut de formation n'est pas d’usage en Suisse (contrairement à ce qui se fait aux Etats-Unis, par exemple) et son admissibilité est pour le moins discutable.
En outre, les références ne peuvent être obtenues auprès d'anciens employeurs que si les candidats y ont expressément consenti, par exemple en nommant un ancien supérieur comme référence dans leur curriculum vitae/dossier de candidature. Si ce n'est pas le cas, le fait de prendre contact avec un employeur ou un ancien supérieur n’apparaissant pas dans les références du candidat en vue de se renseigner sur ce dernier n'est pas conforme au droit et porte atteinte à la personnalité du postulant.
Communication des données
Comme expliqué ci-dessus, l'employeur ne peut en principe traiter les données relatives à l'employé que dans la mesure où cela concerne l'aptitude du (futur) collaborateur à effectuer ses tâches ou si cela est nécessaire à l'exécution du contrat de travail.
La transmission de données concernant des employés à un tiers (un client, par exemple) est en principe un sujet des plus sensibles. Dans certains cas, une telle divulgation peut toujours être admissible à la condition sine qua non que la transmission soit en lien direct avec la place de travail. Cela peut être le cas, par exemple, d'un consultant opérant dans le secteur financier régulièrement déployé auprès de certains clients (ce qui ressort déjà de son contrat de travail) qui demandent en conséquence des informations sur sa situation financière ou son casier judiciaire. Cependant, étant donné qu'une telle divulgation est plutôt délicate du point de vue de la protection des données, il est recommandé que les candidats/collaborateurs en soient informés dans le cadre du processus de recrutement et en tout cas avant la signature du contrat. Si cela n'a pas été fait, le consentement des candidats/employés concernés doit être obtenu avant la transmission des données en question. Ceci s'applique en particulier si les données personnelles concernées sont particulièrement sensibles, ce qui - comme nous l’avons mentionné au début de cet article - est le cas pour les données relatives au droit pénal ou à la santé. Dans chaque cas, les employés concernés devraient avoir la possibilité de refuser la divulgation respectivement l'utilisation de ces données sans que cela n'entraîne de quelconques conséquences (au niveau du droit du travail).