Profiling et recrutement: L’entretien d'embauche, miroir aux alouettes?

«You don’t hire for skills, you hire for attitude. You can always teach skills.» Cette phrase de Simon Sinek prend tout son sens à l’aube d’une nouvelle ère où de nombreux changements nous obligent à repenser la manière de recruter: transformation digitale, développement de l’intelligence artificielle, arrivée d’une nouvelle génération sur le marché de l’emploi, crises actuelles, besoin de reconnaissance et d’appartenance, de sécurité et d’impact au niveau de l’humain. Le défi actuel pour chaque entreprise et de d’assurer que sa communauté oeuvre à un but commun, celui d’avancer dans le jeu infini qu’est la vie. Pour cela, il est capital de sélectionner les bonnes personnes qui, ensemble, sauront travailler en cohésion et bonne intelligence. Dans ces conditions, il devient essentiel de réinventer l’entretien d’embauche.

08/12/2020 De: Caroline Matteucci
Profiling et recrutement

Une responsable des ressources humaines m’avouait récemment sa frustration d’engager des gens dont les compétences étaient réelles mais qui, après une période d’essai, se révélaient être des collaborateurs passifs, pessimistes ou nocifs à l’entreprise. Alors comment identifier ces personnes?

Je lui expliquai d’abord que les personnes ayant des troubles de la personnalité ne sont pas si faciles à détecter. Et surtout, la recherche d’emploi constitue aujourd’hui un tel enjeu que les candidats y sont super entraînés. On leur explique comment se comporter, quoi répondre et quand, que dire et pourquoi. Le recruteur se trouve alors face à des clones. Il n’a plus accès à la «vraie» personnalité du candidat.

Il existe pléthore de solutions comme des tests de personnalité ou des techniques d’interviews. Mais elles omettent de prendre en compte le contexte, la gestion de la perception, le conditionnement du candidat ou encore les biais cognitifs que met en place notre cerveau. Or, il faut absolument être attentif à certains concepts et notions pour ne pas risquer d’engager un personnage fictif …

Notre cerveau fait de la résistance

La première chose à comprendre est que notre cerveau fait tout pour nous mettre en sécurité. Pour cela, il utilise quatre niveaux ou centres de décisions:

  1. Le cerveau reptilien: c’est le gardien et le moteur de notre corps physique. Il lance des signaux que les observateurs avertis peuvent remarquer, comme des signes de stress visibles telle l’augmentation du rythme cardiaque.
  2. Le cerveau limbique que je nomme «animal» est le siège de nos émotions, de notre survie. Le type de signaux observables peut être une gestuelle de fuite face à la peur. Signaux intéressants pour comprendre l’état de confort dans lequel se trouve notre interlocuteur.
  3. Le cerveau cortex: le chingo. C’est là que siègent, entre autres, notre conditionnement, nos principes, nos valeurs, nos règles, notre ego, tout ce qui fi ltre notre vision du monde en quelque sorte. Notre conditionnement nous fait dire des choses pour respecter les convenances. C’est aussi lui qui peut pratiquer la tromperie. Les signaux que vous pouvez y observer sont ceux d’une émotion contenue par exemple.
  4. Le cerveau préfrontal, que je nomme autorité intérieure, est l’endroit où se situe notre capacité à être disruptif, novateur, efficient. C’est donc le siège de notre personnalité, de notre potentiel. Lorsque votre interlocuteur s’y trouve, il vous donne des signes de grand confort, comme un hochement de tête ou encore un sourire. Vous savez à ce moment-là que vous avez accès au meilleur de lui, à son authenticité. En tant qu’humain, pour avoir accès à notre potentiel nous avons besoin de nous sentir en sécurité, au risque alors d’utiliser notre animal ou notre chingo pour nous défendre.

    Ce que doit savoir un bon recruteur

    Le rôle du recruteur est alors de mettre son interlocuteur en zone sécuritaire pour avoir accès à sa réelle personnalité. C’est à ce point précis que l’entretien d’embauche peut et doit se réinventer! Pour se faire il faut appréhender les notions suivantes:

    • Devenir un observateur averti
      Être à même de lire les signaux audio et visuels donnés par le candidat, sans se laisser infl uencer par notre propre conditionnement. Tout est langage. Simplement, par habitude, on donne plus d’importance aux mots qu’au langage non-verbal. Pourtant il devient impératif de changer de manière de faire.
    • Etablir la congruence entre les signaux
      Il faut mettre en relation les signaux audio et visuels et savoir les lire l’un en regard de l’autre. Par exemple, identifi er une phrase positive et observer un signal visuel comme une émotion de joie permet de dire que votre interlocuteur est en congruence, c’està- dire que ce qu’il pense (émotion positive) et dit est en accord avec ce qu’il montre: manifester de la joie et dire une phrase positive.

      Lorsqu’il se produit le contraire, c’està- dire un signal audio négatif et un signal visuel positif (comme par exemple dire «Je suis très triste» avec un vrai sourire), c’est ce que l’on nomme en profi ling un «point-clé». Cela doit nous alerter et nous faire réagir. Est-ce mon attitude qui a produit cela (gestion de la perception)? Est-ce que la pensée de mon interlocuteur n’était pas claire? A-t-il eu l’intention consciente ou inconsciente de me tromper?

      Afin de revenir sur ces points clés, il est nécessaire d’aborder d’autres techniques d’interview que le questionnement, puisque celui-ci s’adresse au cerveau dit «trompeur»: le cortex. Pour ce faire, nous avons mis au point une technique permettant de récolter des signaux dits «authentiques» provenant de la gestuelle, du corps. Cette technique s’appelle la «Validation Incongruence Practice».
    • Gérer sa perception (management perception)
      Notre attitude va infl uencer celle de l’autre. Par exemple: si vous avez un comportement agressif, ne vous étonnez pas que votre candidat l’ait aussi, par un réfl exe de défense. Par votre statut de recruteur, vous détenez, à ce moment-là, un certain pouvoir, une certaine autorité qui va également infl uencer votre interlocuteur. Une des manières de sortir de cette situation est d’en prendre conscience et de mettre votre vis-à-vis en situation de confort. Et souvenez-vous, l’attitude du candidat peut changer la vôtre.
    • Contourner et identifier les biais cognitifs
      Notre superbe interface cerveau peut nous jouer des tours. Dans le but de nous mettre «en sécurité», elle met en place des biais cognitifs. Celui du recrutement, par exemple, fait que même les recruteurs les plus aguerris fi nissent par n’engager que des gens qui leur ressemblent, diminuant ainsi la diversité dans les équipes. Ou encore celui de confirmation, qui nous fait voir la vie selon notre réalité et non celle de l’autre. Par exemple: si un candidat, lorsqu’il pénètre dans votre bureau, ne vous plaît pas, votre cerveau va rechercher tous les signaux qui confirment cette impression. Il serait alors pertinent de changer de recruteur pour avoir la chance de «lire» votre interlocuteur grâce et au-delà des mots et non pas à travers votre biais cognitif.

    Recruter, aujourd’hui et demain

    Embaucher en l’an 2020 est un défi, celui de comprendre que nous n’avons raison que dans notre propre monde et que vouloir savoir à la place de l’autre est inutile et inefficient.

    Pour avoir accès à la réelle personnalité du candidat, il est de la responsabilité du recruteur de le mettre en confort et en sécurité. Celui-ci doit également être attentif aux points énoncés ci-dessus.

    C’est un grand changement de paradigme: ne plus vouloir avoir raison à la place de l’autre, mais se dépouiller devant lui de nos principes, de nos filtres, de nos croyances afi n de lui donner la possibilité d’être totalement lui-même, et le découvrir dans ses propres schémas cognitifs, ses Soft Skills, son potentiel.

    Oui, mais comment faire? Plusieurs possibilités s’offrent à vous:

    • continuer à développer votre neuroplasticité en apprenant tous les jours, en vous fixant de nouveaux challenges;
    • rester sceptique vis-à-vis de soi, de ce que l’on a appris, de notre interface cerveau et celle de notre interlocuteur;
    • devenir un observateur averti, conscient des différents freins;
    • rester humble face à l’humain qui est bien plus complexe qu’une recette de cuisine!

    Au début de cet article, nous avons parlé du tournant digital. L’intelligence artifi cielle peut devenir une opportunité à exploiter dans le domaine du recrutement, si elle permet, entre autres, les interactions des deux parties, si elle est à même de lire les signaux de votre interlocuteur en vous laissant adopter la bonne stratégie de communication et si elle ne met pas l’humain dans une «box» sans qu’il ait une chance de pouvoir s’expliquer, s’expliquer et de se sentir en sécurité afi n d’avoir accès à son potentiel non conditionné.

    Chez CM Profiling, nous sommes convaincus que l’intelligence artificielle éthique peut améliorer les entretiens de recrutement. En parallèle à nos formations, nous avons développé Cryfe «Authentic Behavior», votre software personnel à l’analyse de l’authenticité. N’hésitez pas à nous adresser vos feedbacks, vos commentaires, nous nous tenons à votre disposition.

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