Impossibilité de renoncer: Prudence requise en cas de conventions
Aides de travail appropriées
L’art. 341, al. 1 CO interdit aux travailleurs de renoncer à certaines prétentions dites impératives pendant la durée des rapports de travail et un mois après la fin de ceux-ci. Cette limite à la liberté contractuelle peut avoir quelques conséquences imprévues, notamment dans le cadre d’accords de résiliation. Les contrats de résiliation, ou contrats résolutoires, sont des accords qui mettent fin aux rapports de travail d’un commun accord, c’est-à-dire sans résiliation. Ils sont très appréciés dans la pratique, car ils visent à obtenir un accord global sur l’ensemble des droits réciproques découlant de la relation de travail, donnant ainsi aux parties l’occasion de se séparer sur un pied d’égalité et sans résiliation. Une date de fin fixe doit par exemple empêcher la prolongation des rapports de travail en raison de la maladie ou de l’accident du travailleur (art. 336c CO) et le maintien du paiement du salaire qui en découle (art. 324a CO). Les parties ne sont cependant souvent pas conscientes que cet accord peut quelquefois s’avérer illicite en raison de l’impossibilité de renoncer. Dans le pire des cas, un tel accord peut entraîner une procédure judiciaire touchant aux droits inhérents à la relation de travail, ce qu’un accord de résiliation se proposait justement d’éviter par le truchement d’un accord à l’amiable … La conséquence juridique d’une violation de l’impossibilité de renoncer est la nullité de la renonciation illicite ou de l’accord dans son ensemble. Dans ce dernier cas, l’accord est réputé n’avoir jamais été conclu et la relation de travail se poursuit en conséquence.
La protection des travailleurs comme limite à la liberté contractuelle
L’impossibilité de renoncer a pour but de protéger les travailleurs, car on part du principe que les travailleurs sont, sur le plan social et économique, le maillon le plus faible de la chaîne et qu’ils se trouvent dans un rapport de dépendance vis-à-vis de l’employeur. Afin d’éviter que les employés, par peur de perdre leur emploi ou de recevoir un mauvais certificat de travail, ne fassent des concessions désavantageuses pendant ou peu après la fin de leurs rapports de travail, la loi prévoit certains droits impératifs auxquels on ne peut pas renoncer, ou du moins pas au détriment du travailleur (art. 341, al. 1 CO).
Quels sont les droits concernés par l’impossibilité de renoncer?
L’impossibilité de renoncer concerne les droits des travailleurs découlant de dispositions impératives de la loi ou d’une éventuelle convention collective de travail applicable. La loi répartit ces dispositions en dispositions légales «absolument impératives» (art. 361 CO) et «relativement impératives» (art. 362 CO). Relativement impératives signifiant ici «auxquelles il ne peut être dérogé au détriment des travailleurs» et absolument impératives «auxquelles il ne peut être dérogé ni au détriment du travailleur ni à celui de l’employeur».Parmi les droits impératifs des travailleurs, on compte par exemple les créances salariales échues ainsi que d’autres créances à caractère salarial (bonus, etc.) pour le travail déjà effectué,1 les droits aux vacances, y compris le salaire afférent aux vacances (art. 329d CO), les droits à l’indemnisation du travail supplémentaire effectué,2 la protection temporelle contre le licenciement (licenciement pendant un délai de protection, p. ex. en cas de maladie, etc, art. 336c CO) et les droits au paiement du salaire en cas d’empêchement du travailleur (art. 324a CO), le délai de résiliation minimal (art. 335c, al. 2 CO) ou une indemnité pour congé abusif (art. 336a CO). La jurisprudence reconnaît en outre constamment une impossibilité de renoncer à l’indemnisation des heures supplémentaires déjà effectuées, auxquelles les travailleurs ne peuvent par ailleurs pas non plus renoncer ultérieurement.3 Il convient de noter que l’impossibilité de renoncer ne concerne que les créances ayant déjà pris naissance; les créances futures ne sont pas concernées par celle-ci. Si la clause d’un contrat de résiliation comprend la renonciation à des droits futurs du travailleur, comme la renonciation aux délais de protection contre le congé prévus à l’art. 336c CO, une telle clause est admissible, pour autant qu’elle ne vise pas à contourner la loi.4 On part du principe qu’il y a bel et bien contournement de la loi lorsque le but de l’accord de résiliation est manifestement de contourner la protection contre le congé ou les délais de protection applicables en la matière.
Possibilités offertes dans le cadre d’un accord
L’art. 341, al. 1 CO ne prévoit qu’une impossibilité (unilatérale) de renoncer à un droit au détriment du travailleur. Il ne s’oppose cependant pas à une transaction entre l’employé et l’employeur, dans laquelle les deux parties renoncent à certaines prétentions par des concessions réciproques. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une telle transaction n’est toutefois admissible que si les prétentions respectives auxquelles l’employeur et l’employé renoncent sont au moins équivalentes. L’admissibilité de l’accord de résiliation se détermine donc selon que le contrat est marqué par une renonciation unilatérale inadmissible ou par des concessions réciproques et équivalentes étant, elles, admissibles. L’idée est que l’employeur renonce lui aussi à certaines prétentions à l’égard de l’employé et que l’on trouve ainsi un accord équilibré pour les deux parties, dans lequel les cocontractants acceptent de se faire mutuellement certaines concessions. Si la situation des employés s’en trouve améliorée, cela ne pose évidemment pas de problème. La question de savoir si les concessions sont équivalentes se détermine en fonction des circonstances inhérentes à chaque cas d’espèce. Dans la pratique, il est cependant quelquefois difficile d’évaluer s’il existe véritablement un intérêt légitime. Lors de la conclusion d’accords de résiliation, il faut en outre tenir compte du fait que, selon la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral, les concessions de la part de l’employeur doivent également être de son ressort, c’est-à-dire ressortant des pouvoirs décisionnels qu’il détient effectivement («concessions réciproques»).5 Si l’on suit cet avis, cela peut toutefois aboutir à des résultats inéquitables et contre-productifs si l’on garde le besoin de protection des travailleurs en ligne de mire. Si un travailleur quelconque peut obtenir un salaire plus élevé en changeant immédiatement d’emploi, celui-ci profite factuellement d’un raccourcissement du délai de résiliation quand bien même cette amélioration n’est pas une concession faite par son ancien employeur. Bien qu’un tel arrangement soit tout à fait dans l’intérêt de l’employé, cette situation constituerait, selon la jurisprudence en vigueur, une violation de l’art. 341, al. 1 CO et un tel accord ne serait pas valable. Il serait donc plus adéquat d’adopter l’opinion plus favorable à la pratique et en partie défendue par la littérature spécialisée, selon laquelle il incombe de se poser la question de savoir si la conclusion de l’accord de résiliation procure à l’employé, dans le cadre d’une approche holistique, des avantages qui l’emportent sur la renonciation à des droits qui lui sont en soi impérativement dus, indépendamment du fait de savoir d’où proviennent ces avantages ou s’ils ont été expressément consentis par l’employeur à titre de concession.
A retenir
L’accord de résiliation doit être justifié par les intérêts des employés. Les concessions respectives doivent être mises en balance dans le cadre d’une comparaison. Prenons le contrat de travail, apr exemple:
Concessions de l’employeur
– Paiement transactionnel ou indemnité de départ
– Libération de l’employé
Concessions de l’employé
– Renonciation (partielle) au délai de résiliation
– Renonciation à la protection contre le congé
– Renonciation à d’éventuelles indemnités en raison d’un licenciement potentiellement abusif
Les concessions réciproques doivent être équilibrées et d’une valeur à peu près égale. L’employé doit également disposer d’un délai de réflexion suffisamment long afin d’être en mesure de se positionner en toute connaissance de cause.
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