Résiliation immédiate: Délai de réaction de l’employeur
Aides de travail appropriées
La résiliation immédiate, une mesure exceptionnelle
Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. D’après la jurisprudence, les faits invoqués par la partie qui résilie doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat du travailleur ou l’abandon abrupt du poste par ce dernier. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner une résiliation immédiate que s’il a été répété malgré un avertissement.
Par manquement du travailleur, on entend la violation d’une obligation découlant du contrat, par exemple l’obligation de loyauté ou de discrétion (art. 321a al. 1 et 4 CO), ou de son devoir de fidélité. Les infractions que le travailleur perpètre à l’occasion de son travail, telles qu’un vol commis au préjudice de l’employeur, d’autres collaborateurs ou de clients, constituent des motifs classiques de résiliation immédiate.
Selon la jurisprudence, la notion de justes motifs implique que l’employeur ne laisse pas s’écouler un laps indûment prolongé avant de prononcer la résiliation immédiate des rapports de travail. En présence d’un juste motif, le congé doit être signifié immédiatement. A défaut, on peut admettre que le respect du délai de résiliation ordinaire est raisonnablement exigible, subjectivement, de celui qui résilie ; le droit de résilier sans délai est alors périmé.
Délai de réaction de l’employeur
Il faut apprécier d’après les circonstances de chaque cas le délai dans lequel on peut équitablement attendre de l’ayant droit qu’il décide s’il veut faire usage de son droit à la résiliation immédiate et abrupte du contrat.
En règle générale, un délai de deux à trois jours ouvrables est considéré comme approprié pour réfléchir et rechercher un conseil juridique.
Une attente plus longue n’est admissible que si elle apparaît compréhensible et justifiée au regard des contraintes pratiques de la vie quotidienne et économique.
Un report de quelques jours est acceptable lorsque, pour une personne morale, la compétence appartient à un organe de plusieurs personnes et que la formation de sa volonté est donc plus difficile, ou lorsque des représentants des travailleurs doivent être entendus.
Délai d'investigation nécessaire?
Une distinction doit également être opérée entre les situations de fait claires et les cas où des investigations sont d’abord nécessaires.
Si les investigations ont pour but de permettre d’abord d’évaluer l’ampleur du manquement, le délai de réflexion devra succéder à celui d’investigation. Si le soupçon pesant sur le travailleur est clair et que l’employeur peut déjà, pendant la mise en évidence des faits, réfléchir à sa décision pour le cas où le soupçon se confirmerait, il n’est pas justifié de lui accorder ensuite un délai de réflexion supplémentaire pour signifier la résiliation immédiate. En présence d’un soupçon concret et important pour lequel l’employeur envisage de mettre abruptement fin aux rapports de travail, on doit exiger qu’il prenne sans retard toutes les mesures que l’on peut attendre de lui pour élucider la situation.
Il appartient à la partie qui se prévaut de justes motifs de résiliation immédiate d’en établir l’existence (art. 8 CC). Le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l’équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l’importance des manquements.
Résiliation immédiate, jurisprudence
En l’espèce, l’appelante a licencié l’intimée avec effet immédiat le 6 juin 2007, au motif que l’intimée achetait des cigarettes hors taxe auprès de diplomates pour les revendre pour son propre compte aux clients de l’appelante et dans les locaux de cette dernière.
La question de savoir si de tels faits sont suffisamment établis peut à ce stade rester indécise.
Devant le Tribunal, les représentants de l’appelante ont en effet admis que c’était à la mi-avril 2007 qu’ils avaient appris d’un tiers que l’intimée se livrait à un trafic de cigarettes détaxées dans leur station-service. Force est ainsi de constater que plus d’un mois et demi s’est écoulé entre le moment où l’appelante a appris le motif de licenciement de l’intimée et celui où elle lui a effectivement notifié ce licenciement. L’appelante justifie l’écoulement d’un tel délai par la nécessité de procéder à une enquête interne afin de vérifier les soupçons portant sur son employée, ajoutant qu’elle n’aurait finalement acquis la certitude que de tels soupçons étaient fondés que lorsque l’intimée a admis vendre des cigarettes détaxées lors de l’entretien du 6 juin 2007.
En l’occurrence, s’il est légitime que l’appelante ait pu ressentir la nécessité de procéder à des investigations avant de licencier l’intimée, rien n’indique cependant que l’appelante ait effectivement mis à profit le laps de temps en question pour enquêter sur le comportement de son employée. Ainsi, l’appelante ne démontre pas avoir effectivement procédé à des investigations longues et difficiles afin de vérifier le bien-fondé des soupçons pesant sur l’intimée.
Dans le cas de d’espèce, un délai de plus d’un mois et demi paraît de surcroit excessif pour procéder à de telles investigations. Menées de façon diligente, celles-ci n’auraient de toute évidence pas dû excéder quelques jours. Aucun délai supplémentaire ne peut par ailleurs être accordé à l’appelante au titre du délai de réflexion nécessaire après avoir obtenu confirmation de la véracité des accusations portées contre l’intimée.
En tolérant pendant plus d’un mois et demi que l’intimée puisse continuer à vendre des cigarettes détaxées, alors qu’elle était informée de telles accusations et qu’elle avait la possibilité d’en vérifier le bien-fondé, l’appelante a manifesté que ce motif ne rendait pas insupportable pour elle la continuation des rapports de travail avec l’intimée. On ne voit notamment pas ce qui empêchait l’appelante, le 6 juin 2007, de donner à son employée un congé ordinaire, tout en lui intimant l’ordre de cesser son commerce illicite.