Licenciement Suisse: Protection accrue des employés seniors

La plupart des personnes travaillant dans les ressources humaines sont tôt ou tard confrontées à la question du licenciement suisse des salariés âgés. Des questions se posent, par exemple: à partir de quel âge une personne est-elle considérée comme un «salarié âgé»? Et dans quelles circonstances un licenciement est-il abusif ? Les tribunaux soulignent que chaque cas doit être examiné individuellement. L'article fournit une classification juridique et offre un aperçu de la jurisprudence, conclusion incluse.

31/03/2025 De: Roy Levy
Licenciement Suisse

Licenciement Suisse: Problématique des collaborateurs âgés

Le problème qui se pose lors du licenciement de collaborateurs âgés est simple à expliquer. Les collaborateurs plus âgés ont souvent plus de mal à trouver un nouvel emploi que les plus jeunes et sont donc beaucoup plus longtemps au chômage. Selon une étude réalisée en 2020 par le Secrétariat d'État à l'économie (SECO)¹, la durée moyenne de perception des indemnités de chômage était de 8,3 mois pour les 55-62 ans et de 12 mois pour les 63-64 ans. Chez les chômeurs plus jeunes, la durée moyenne de perception des indemnités journalières est de 6,1 à 7,1 mois.

Un autre diagramme de cette étude montre combien de chômeurs de longue durée (plus d'un an de chômage) il y a dans les différentes catégories d'âge. On constate ici que l'on enregistre déjà une augmentation de 4,5 % chez les 55-59 ans (de 17,7 % à 23,2 %). L'augmentation est encore plus marquée chez les chômeurs de plus de 60 ans. Plus d'un tiers (36,2 %) des plus de 60 ans sont au chômage depuis plus d'un an. Le tribunal fédéral a également reconnu ce problème et a donc pris une décision de principe en 2005, selon laquelle les employés proches de la retraite et ayant travaillé de nombreuses années pour le même employeur doivent bénéficier d'un devoir d'assistance accru et l'employeur doit faire preuve de prudence dans l'exercice de son droit de licenciement. Cela a incité de nombreux employés licenciés plus âgés à intenter des actions en justice, qui seront analysées ci-dessous.

Il convient tout d'abord de déterminer le cadre juridique du licenciement suisse dans lequel tout cela se déroule.

Classification juridique

Quand une personne est-elle considérée comme un collaborateur âgé ? La loi ne donne pas d'indication directe sur l'âge à partir duquel une personne est considérée comme un collaborateur âgé, mais elle donne tout de même quelques indications:

Le Code des obligations mentionne une indemnité de départ après 20 ans de service et à partir de 50 ans, mais celle-ci a perdu de son importance en raison de l'obligation de cotiser à une caisse de retraite (art. 339b, al. 1 CO). La loi sur l'assurance chômage prévoit que les chômeurs de plus de 55 ans reçoivent 520 indemnités journalières au lieu de 260 ou 400 (art. 27, al. 2, LACI). En outre, la loi sur la prévoyance professionnelle (art. 47a LPP) stipule que les employés licenciés âgés d'au moins 58 ans peuvent rester affiliés à la caisse de retraite de leur employeur à leurs propres frais (l'avantage est qu'ils peuvent alors percevoir une pension, ce qui n'est pas possible dans la plupart des institutions supplétives). De plus, certaines conventions collectives de travail (CCT) prévoient des dispositions spéciales pour les salariés âgés. Dans le secteur du bâtiment, par exemple, il est possible de prendre une retraite flexible à partir de 60 ans. Et la CCT de l'industrie des machines, des équipements électriques et des métaux (MEM) prévoit même des dispositions spéciales pour les salariés de plus de 55 ans avant de pouvoir les licencier (art. 25.5).

Le droit de licenciement suisse libéral 

Par rapport à nos pays voisins, nous avons en Suisse un droit de licenciement extrêmement libéral et favorable aux employeurs. Il est régi par le principe de la liberté de licenciement, qui stipule qu'aucun motif n'est nécessaire pour prononcer un licenciement. Tant que le délai de préavis convenu est respecté, l'employeur comme l'employé peuvent licencier l'autre sans raison. Le licenciement ne doit être justifié (par écrit) que si l'autre partie l'exige. En principe, tous les salariés sont traités de la même manière par la loi. Il n'y a donc pas de règles de licenciement différentes selon que l'on est jeune ou vieux, homme ou femme, cadre ou non-cadre, peu ou très qualifié, que l'on a des enfants à charge ou que l'on vit dans un foyer dit DINK (Double Income No Kids). Les règles de licenciement sont les mêmes pour tous, conformément à la loi. Cependant, la liberté de licenciement n'est pas absolue. Elle est limitée dans le temps et dans son objet.

Limitation dans le temps de la liberté de licenciement

La limitation dans le temps signifie qu'il n'est pas possible de prononcer un licenciement suisse pendant certaines périodes d'interdiction. Les périodes d'interdiction typiques sont par exemple la maladie, l'accident, la grossesse et la maternité. Un licenciement prononcé pendant une période d'interdiction est nul. Un tel licenciement n'a aucun effet. C'est comme s'il n'avait jamais été prononcé.

Limitation matérielle de la liberté de licenciement

La limitation objective d'un licenciement suisse signifie qu'il ne doit pas être abusif. Un licenciement est abusif si l'un des cas énumérés à l'article 336, paragraphes 1 et 2, du Code des obligations est rempli ou s'il existe un autre motif d'une gravité similaire qui rend le licenciement abusif. Contrairement au licenciement nul, qui n'a aucun effet, le licenciement abusif reste valable, mais il peut entraîner une amende pouvant aller jusqu'à six mois de salaire. Voici quelques exemples de licenciements abusifs fréquemment rencontrés dans la pratique:

  • licenciement parce que le salarié a fait valoir de bonne foi des droits découlant de la relation de travail (licenciement de représailles)
  • licenciement en raison des caractéristiques personnelles du salarié ainsi que
  • le licenciement après l'éclatement d'un conflit, sans que l'employeur n'ait pris au préalable des mesures appropriées pour résoudre le conflit
  • Un licenciement peut également être abusif si l'employeur a manqué à son devoir d'assistance (art. 328 CO).

Et c'est là que le Tribunal fédéral a pris le relais dans son arrêt de principe de 2005 (ATF 132 III 115) et a défini pour la première fois un groupe particulier de salariés qui devraient bénéficier d'un devoir de sollicitude accru: les salariés plus âgés ayant de nombreuses années de service.

Aperçu de la jurisprudence 

Il existe une multitude de jurisprudences sur le sujet. Les décisions du Tribunal fédéral jugées importantes par l'auteur sont résumées ci-dessous.

1. Jugement du 20.12.2005, ATF 132 III 115

Cette affaire de 2005 a été la première dans laquelle le Tribunal fédéral a accordé une protection particulière (obligation d'assistance accrue) à un employé âgé ayant de nombreuses années de service. L'affaire concernait un monteur en chauffage de 63 ans ayant 44 années d'ancienneté, qui avait travaillé sans se plaindre pendant toute la durée de son contrat. Suite à un conflit avec un supérieur hiérarchique, il a été licencié, 14 mois avant l'âge normal de la retraite. La Cour fédérale a déclaré qu'un tel licenciement constituait une disproportion flagrante entre les intérêts, car l'employé ne trouverait plus de nouvel emploi. Il a jugé que le licenciement était abusif et a accordé au salarié le montant maximal de six mois de salaire. Il faut toutefois supposer que ce licenciement aurait de toute façon été abusif, même si le salarié avait été plus jeune, car il s'agissait d'un licenciement conflictuel.

2. Jugement du 2.4.2008, 4A_72/2008

Dans cette affaire, il s'agissait d'un imprimeur offset de 57 ans ayant 33 ans d'ancienneté. Le licenciement était motivé par des contraintes économiques, l'employé ne satisfaisant plus aux exigences techniques. Le caractère abusif a été nié et le Tribunal fédéral a déclaré que si au moins huit ans restaient avant la retraite, toute analogie avec l'ATF 132 III 115 mentionné était exclue. Il a en outre constaté que dans l'affaire du monteur de chauffage susmentionnée, il s'agissait de circonstances extraordinaires, voire extrêmes.

3. Arrêt du 12.11.2014, 4A_384/2014

Cette affaire concernait un gestionnaire de comptes clés âgé de 59 ans et ayant 35 ans d'ancienneté. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a défini pour la première fois quatre conditions qui doivent être remplies pour qu'un licenciement d'un employé âgé ayant de nombreuses années d'ancienneté ne soit pas abusif:

a) Information préalable de l'employé sur le licenciement prévu

b) Audition préalable du salarié, avec la possibilité de prendre position sur le licenciement et de faire des propositions pour l'éviter ou l'atténuer

c) Octroi d'une dernière chance

d) Recherche de mesures plus douces avant de prononcer le licenciement, par exemple une mutation

Comme ces conditions n'étaient pas remplies, le licenciement était abusif et le salarié s'est vu accorder une indemnité de deux mois de salaire à titre de pénalité.

4. Arrêt du 2.6.2021, 4A_44/2021

Dans cette affaire, il s'agissait d'un PDG et membre du conseil d'administration âgé de 60 ans ayant 37 ans d'ancienneté. Après que les première et deuxième instances aient qualifié le licenciement d'abusif, car les quatre conditions susmentionnées n'avaient pas été respectées, le Tribunal fédéral a relativisé ces quatre conditions et a estimé qu'elles étaient un peu trop apodictiques. Il est important de toujours prendre en compte les circonstances de chaque cas et de peser les intérêts en jeu. Dans le cas présent, en raison de la fonction de la salariée, il n'était pas envisageable de prendre une autre mesure que le licenciement. Le licenciement n'était donc pas abusif.

5. Arrêt du 1.2.2022, 4A_390/2021

Dans cette affaire, il s'agissait d'une assistante de direction âgée de 63 ans ayant 23 ans d'ancienneté. Après une incapacité de travail de six mois, l'employeur a prononcé le licenciement (après l'expiration de la période de protection), bien qu'il ait été indiqué par écrit trois semaines auparavant qu'il ne la licencierait pas. Le Tribunal fédéral a établi les principes suivants:

  • Après l'expiration du délai de protection, il est possible de licencier une employée en incapacité de travail.
  • Il n'y a aucune obligation en droit privé d'entendre ou d'avertir l'autre partie avant de procéder au licenciement.
  • L'employeur n'est pas tenu de soumettre le licenciement à un examen de proportionnalité au préalable, c'est-à-dire qu'il n'est pas nécessaire de prendre d'abord des mesures moins radicales.
  • Les conséquences économiques du licenciement ne constituent pas un motif de licenciement abusif (par exemple, une pension moins élevée), mais tout au plus une raison d'augmenter l'indemnité.

Dans cette décision, le Tribunal fédéral a donc de nouveau relativisé les quatre conditions et a déclaré qu'il n'y avait aucune obligation d'entendre ou d'avertir le salarié avant de le licencier, ni d'obligation pour l'employeur de soumettre le licenciement à un examen de proportionnalité préalable. En conséquence, le Tribunal fédéral a nié le caractère abusif du licenciement.

6. Arrêt du 18.1.2023, 4A_307/2022

Dans cette affaire, il s'agissait d'une assistante de 62 ans travaillant à l'ONU à Genève depuis 39 ans. C'était une employée loyale et irréprochable qui avait passé toute sa carrière professionnelle chez le même employeur. Le licenciement est survenu de manière abrupte, sans avertissement préalable et a pris l'employée par surprise. L'employeur n'a pas voulu indiquer la raison du licenciement dans un premier temps. Il a ensuite prétendu que la raison était des retards et des absences injustifiées, alors que la véritable raison était une réduction des effectifs. La Cour fédérale a confirmé le caractère abusif du licenciement et a accordé à l'employée une indemnité de pénalité équivalente à quatre mois de salaire.

Conclusion sur le licenciement des salariés âgés

L'évolution de la jurisprudence au cours des 18 dernières années permet de tirer les enseignements suivants, qu'un employeur prudent devrait essayer de respecter lors du licenciement de salariés âgés. Cela ne signifie pas pour autant que le licenciement de salariés âgés est automatiquement abusif si ces enseignements ne sont pas respectés:

  • La prudence est de mise lors du licenciement suisse de salariés âgés d'environ 55 ans et plus
  • Toujours essayer de résoudre les conflits sur le lieu de travail avant de prendre des mesures
  • Rechercher d'abord des solutions plus douces et les documenter
  • Informer et consulter le salarié suffisamment tôt au sujet du licenciement envisagé
  • Ne pas prendre le salarié au dépourvu avec le licenciement
  • Mieux vaut avertir une fois de trop
  • Avant de licencier, il faut procéder à une pesée des intérêts aussi objective que possible.
  • Mais attention: même les salariés plus âgés ayant de nombreuses années de service ne sont pas à l'abri d'un licenciement.

Sources et références:

Dans cet article, la forme masculine est utilisée par souci de simplicité. Elle désigne toujours les deux sexes.

1) Secrétariat d'État à l'économie (SECO): Indicateurs de la situation des travailleurs âgés sur le marché du travail suisse. Bases pour la conférence nationale du 15 novembre 2021.

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