Licenciement immédiat: Ponctuel signifie sans tarder
Aides de travail appropriées
Combien de temps peut-on attendre avant de procéder à un licenciement immédiat?
Un licenciement sans préavis doit être prononcé le plus rapidement possible après avoir pris connaissance des motifs correspondants; en règle générale, dans les deux à trois jours. Si les motifs sont connus et que l'on laisse néanmoins l'employé continuer à travailler, cela permet à ce dernier de réfuter l'impossibilité de poursuivre son activité. Une prolongation d'environ une semaine est autorisée lorsque, dans le cas d'une personne morale, la compétence décisionnelle revient à un organe composé de plusieurs personnes et que la formation de la volonté est donc plus complexe ou lorsque des représentants des travailleurs doivent être consultés. Il existe toutefois des cas où des clarifications supplémentaires sont nécessaires au préalable. En raison de la présomption d'innocence, cela vaut surtout lorsqu'il s'agit d'infractions pénalement répréhensibles. Le cas échéant, le collaborateur doit être libéré de ses tâches pendant cette période (Tribunal fédéral 4A_238/2007 et 8C_294/2011).
L'essentiel en bref: Il doit y avoir «un lien temporel étroit» entre l'événement qui s'est produit et la résiliation. Si l'employeur attend trop longtemps avant de licencier avec effet immédiat, il montre par là que la poursuite des rapports de travail est tout de même acceptable. Il faut réagir en l'espace de quelques jours.
Agir rapidement en cas de licenciement immédiat par l'employeur
L'arrêt suivant du Tribunal fédéral montre bien que le motif d'un licenciement immédiat par l'employeur doit être exprimé sans délai.
Les faits
B. a été membre du conseil d'administration de A. SA du 5 octobre 2000 au 20 mars 2015. Celle-ci fait partie du groupe A., actif dans le monde entier, qui emploie près de 3000 collaborateurs et réalise un chiffre d'affaires annuel de plus de CHF 1 milliard. Le 18 février 2015, A. SA a licencié B. avec effet immédiat. Après une tentative de conciliation infructueuse, B. a porté plainte contre A. SA le 22 septembre 2015. Le tribunal de première instance a estimé que le plaignant avait bien violé son devoir de loyauté. Bien que A. SA ait eu connaissance de ce motif de résiliation depuis le 30.06.2014, elle a attendu jusqu'au 18.02.2015, soit plus de sept mois, pour le notifier au demandeur. En réagissant tardivement, la défenderesse a donc renoncé à un motif de cessation immédiate des rapports de travail, de sorte que le licenciement n'est pas justifié. Le Tribunal cantonal de Vaud a rejeté l'appel par jugement du 7 mars 2019. A. SA a fait recours auprès du Tribunal fédéral.
Extrait des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral
Selon la jurisprudence, celui qui veut résilier le contrat avec effet immédiat doit agir sur le champ, à savoir dès qu'il a connaissance d'un motif légitime de résiliation, sous peine de perdre le droit de s'en prévaloir. S'il retarde sa démarche, il laisse entendre qu'il a renoncé à la résiliation immédiate ou qu'il peut vivre avec la poursuite de la relation de travail jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat.
Les circonstances du cas d'espèce déterminent le délai dans lequel on peut raisonnablement attendre de l'intéressé qu'il prenne la décision de résilier son contrat avec effet immédiat. En général, la jurisprudence considère qu'un délai de réflexion de deux à trois jours ouvrables est suffisant pour réfléchir et se faire conseiller juridiquement. (...) Une prolongation de quelques jours peut (...) être admise si la décision doit être prise par un organe multipartite au sein d'une personne morale ou si le représentant des travailleurs doit être consulté.
Il convient en outre de faire la distinction entre les situations claires et celles qui le sont moins. Dans ce dernier cas, on tiendra compte du temps nécessaire pour clarifier les faits, un employeur (...) devant prendre immédiatement toutes les mesures qu'on peut raisonnablement attendre de lui pour clarifier les faits. Dans certains cas, il peut être nécessaire de mener des enquêtes en secret ou, selon la nature des soupçons (par exemple, le harcèlement sexuel), l'employeur doit procéder avec soin et éviter de condamner le travailleur à l'avance.
En l'espèce, en attendant plus de sept mois entre le moment où elle a eu connaissance des circonstances pouvant justifier un licenciement immédiat et le licenciement du 18 février 2015, la demanderesse a montré qu'elle pouvait vivre avec la poursuite des rapports de travail jusqu'à l'échéance normale du contrat (TF 4A_206/2019 du 29 août 2019).
Questions fréquentes sur le licenciement sans préavis par l'employeur
En cas de motifs importants, l'employeur comme l'employé peuvent résilier le contrat de travail à tout moment. C'est ce que prévoit le Code des obligations. Mais qu'entend-on par motifs importants? Les questions suivantes permettent d’apporter des réponses.
Question: peut-on licencier sans préavis un employé qui n’est pas toujours à l’heure?
Situation initiale: Un collaborateur arrive en retard au travail une fois par semaine. Nous lui avons déjà dit à plusieurs reprises que ce n'était tout simplement pas possible. En cas de récidive, nous avons l’intention de le licencier sans préavis, car toute discussion est inutile. La loi est-elle de notre côté?
Réponse: Afin de lever tout doute sur la légitimité du licenciement immédiat, il est recommandé dans un tel cas d'adresser un avertissement écrit au collaborateur et de le menacer de licenciement immédiat en cas de récidive. L'avertissement lui donne la possibilité de changer de comportement. S'il ne le fait pas, un deuxième avertissement n'est plus nécessaire et le licenciement immédiat peut être prononcé sans délai. Le fait d'arriver en retard ne rend pas nécessairement la poursuite des rapports de travail intolérable en soi, et de simples avertissements oraux n'ont pas la même force que des avertissements écrits; en cas de besoin, ils peuvent d'ailleurs difficilement être prouvés.
Question: Une bagarre justifie-t-elle des licenciements immédiats?
Situation initiale: Plusieurs collaborateurs se sont battus dans un magasin. Bilan: deux blessés hospitalisés et quatre arrestations. On a licencié sans préavis les six personnes impliquées. Cela est-il conforme à la loi?
Réponse: Lorsque des collaborateurs se bagarrent dans l'entreprise, on parle de comportement indécent ou inconvenant, et les travailleurs manquent donc à leur devoir de loyauté. Selon le degré de gravité, il peut s'agir d'un motif de licenciement immédiat.
Commentaire: Il appartient à l'employeur de décider si (en raison de l'actualité politique) un avertissement (écrit!) doit être prononcé lors du premier incident de ce type.
Question: Les insultes grossières justifient-elles un licenciement sans préavis?
Situation initiale: Un collaborateur étranger a traité notre chef de dépôt de «connard», un terme très grossier. Nous avons licencié le collaborateur avec effet immédiat. Avons-nous agi correctement?
Réponse: Cette situation est un exemple de comportement inapproprié et inconvenant de la part de l'employé. En général, ce type de comportement fait partie des motifs reconnus par les tribunaux pour justifier un licenciement immédiat, si la gravité justifie cette action radicale. Si l'on part du principe qu'un collaborateur étranger ne connaît peut-être pas la signification exacte de l'expression et qu'il l’a probablement apprise dans son environnement professionnel, il convient de relativiser: il faudra en effet interpréter différemment la situation présente en fonction du «ton» utilisé dans un environnement professionnel spécifique. Par exemple, le langage familier utilisé dans le secteur du bâtiment sera très différent de celui qui prévaut dans un cabinet médical. Il faudrait en outre vérifier si l'employé a été provoqué par le comportement de son supérieur au point que son dérapage verbal pourrait être excusable. En l'absence de données plus précises, il est recommandé dans le cas présent de ne prononcer qu'un licenciement ordinaire et non un licenciement immédiat, à moins que l'on ne préfère tout simplement oublier l'incident (voir aussi l'arrêt 4C.21/1998 du Tribunal fédéral du 18 mars 1998).
Question: Un avertissement peut-il être transformé en licenciement immédiat après 14 jours?
Situation de départ: Un collaborateur a traité son chef de «vieille savate». Nous lui avons donné un avertissement. Après 14 jours, nous avons dû prononcer un licenciement immédiat suite à l'intervention du chef. Le collaborateur veut maintenant porter plainte. A-t-il une chance de réussir?
Réponse: Dans cet exemple, nous touchons un autre problème pour justifier un licenciement immédiat: un tel licenciement doit en effet être prononcé dès que le motif grave est connu. Dans le cas présent, le collaborateur a reçu (correctement) un avertissement. L'employeur lui a ainsi clairement fait comprendre qu'il le sanctionnerait par un licenciement avec effet immédiat s’il proférait une insulte comparable. L'employeur est lié par cette première réaction. Tant que le salarié se comporte correctement, l'employeur ne peut pas transformer un avertissement en licenciement immédiat après un délai de deux semaines. Selon la pratique en vigueur, les délais de réflexion pour la réaction de l'employeur peuvent être de deux à trois jours maximum (par exemple dans les grands groupes, où le supérieur direct ne peut pas du tout prononcer de licenciement ou où un organe de décision doit être convoqué spécialement), mais certainement pas de deux semaines.