Le délai de congé: Sans obligation de travailler
Aides de travail appropriées
Lorsque les rapports de travail sont résiliés de manière ordinaire, c’est-à-dire en tenant compte des délais de résiliation contractuels légaux, l’employeur éprouve parfois le besoin de libérer sur-le-champ le travailleur de ses obligations professionnelles. Cela signifie que l’employeur renonce volontairement aux prestations de travail que l’employé est censé fournir mais qu’il doit néanmoins continuer de lui verser son salaire et cela jusqu’à échéance du délai de résiliation ordinaire. En agissant de la sorte, l’employeur veut ainsi empêcher que le travailleur concerné continue d’avoir des contacts avec ses clients/partenaires commerciaux. Cela a surtout son importance lorsque le travailleur veut passer à la concurrence ou s’établir à son compte et ainsi concurrencer son employeur. Somme toute, il est vrai que tous les travailleurs ne sont pas astreints à une prohibition de concurrence postcontractuelle…
Il peut aussi quelquefois arriver que les travailleurs expriment le souhait d’être libérés de leurs obligations professionnelles pendant le délai de résiliation, par exemple lorsque ladite résiliation est prononcée pour des raisons personnelles, rendant ainsi malaisée la poursuite de leur travail avec les autres collaborateurs ou avec leur supérieur. Dans ce cas, une libération est concevable mais uniquement possible avec l’assentiment de l’employeur. En effet, le travailleur n’a aucun droit d’être libéré de son travail pendant le délai de résiliation.
Il convient de distinguer libération et résiliation avec effet immédiat
Il convient en effet de différencier libération des obligations professionnelles et licenciement avec effet immédiat. En fait, dans les deux cas, les travailleurs cessent leur activité d’un jour à l’autre mais, d’un point de vue juridique, il s’agit de deux choses bien distinctes.
Le licenciement avec effet immédiat est légal lorsque de justes motifs sont invoqués. Un juste motif existe notamment lorsque la continuation des rapports de travail ne peut plus être raisonnablement exigée (cf. art. 337 CO). La résiliation avec effet immédiat met fin aux rapports de travail étant donné qu’elle est prononcée sans être assortie d’un délai de résiliation. Quant à savoir si une résiliation immédiate est, en fin de compte, justifiée ou non, cela ne joue aucun rôle en ce qui concerne la fin des rapports de travail. Lorsqu’un licenciement immédiat est prononcé, les rapports de travail prennent fin immédiatement mais il existe toutefois une possibilité de faire valoir un droit au dédommagement qui, en règle générale, est revendiqué devant les tribunaux.
La libération des obligations professionnelles n’entre en ligne de compte que lorsque les rapports de travail sont résiliés de manière ordinaire. En théorie, les travailleurs devraient poursuivre leurs tâches durant le délai de résiliation. Cependant, l’employeur peut, d’un jour à l’autre, libérer le travailleur de ses obligations et notifier à ce dernier qu’il n’a plus besoin de venir travailler. De nombreux employeurs optent – surtout lorsque le délai de résiliation est court – pour une résiliation ordinaire assortie d’une mise en disponibilité au lieu de prononcer un licenciement avec effet immédiat. Cette dernière manière de procéder recèle, dans la pratique, un risque (de procès) non négligeable et débouche souvent sur le versement d’indemnités parce qu’un juge a constaté qu’il n’existait en fait aucun juste motif pour prononcer un licenciement immédiat.
Quelle forme une libération doit-elle revêtir ?
Le Code des obligations ne règle pas explicitement la question de la libération des obligations professionnelles. Pour cette raison, on ne peut tirer aucune règle de la loi en la matière. Si l’on s’en réfère à la jurisprudence et à la doctrine, la prononciation d’une libération des obligations professionnelles découle du droit de donner des directives de l’employeur au sens de l’art. 321d CO. Mais ici aussi, on ne trouve aucune réglementation particulière quant à la forme que l’on doit observer.
A des fins de preuve, il est fortement recommandé de régler par écrit la question de la libération et d’en préciser les conditions cadres par le biais d’un accord. Si un tel accord est convenu, il doit être signé par les deux parties. Si le contrat de travail prévoit que des modifications/compléments du contrat nécessitent la signature des parties, cela vaut aussi pour la mise en disponibilité du travailleur. Une libération modifie en effet les prestations prévues par le contrat de travail durant le délai de congé.
Une libération sans réserves a-t-elle un sens ?
L’employeur devrait bien réfléchir quant à savoir s’il veut prononcer une libération sans réserves ou s’il veut fixer certaines conditions à cette dernière. Lorsque l’employeur libère sans réserves un employé de l’obligation de travailler, cela a, entre autres, les conséquences suivantes :
- Les travailleurs continuent de percevoir leur salaire durant le délai de congé et ne sont pas astreints à fournir un travail en compensation
- Les travailleurs ne doivent pas chercher un autre emploi durant le délai de résiliation
- Les heures supplémentaires et les vacances doivent être payées au terme des rapports de travail.
Pour cette raison, il est judicieux de préciser certains points dans le cadre d’une convention de libération. Les questions qui reviennent le plus souvent dans la pratique sont esquissées ci-après.
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Libération Suisse – Questions pratiques en rapport avec la libération
1. Quel salaire doit-on verser pendant la libération
Pendant la libération de l’obligation de travailler, le salaire à verser est le même que celui perçu jusqu’alors dans des conditions de travail ordinaires. Si le salaire est très fluctuant, il convient de calculer un salaire moyen sur la base des six ou douze mois antérieurs à la libération. Font aussi partie du salaire le 13e mois, les commissions, les pourboires etc... Les frais forfaitaires doivent également être payés. En revanche, les dépenses assimilables à des frais réels ne doivent plus être remboursées durant la période de libération étant donné ces dépenses n’ont effectivement plus lieu d’être.
2. Une libération partielle est-elle possible ?
En règle générale, les employeurs renoncent totalement aux prestations de travail de l’employé. Il est toutefois envisageable que les travailleurs restent uniquement à disposition sur demande ou jusqu’à l’achèvement d’un projet. Dans ce cas, les travailleurs ne peuvent pas disposer librement de leur temps et il ne leur sera pas possible de rechercher un nouvel emploi durant le délai de congé. Il est recommandé que les parties règlent la question de savoir si la libération de l’obligation de travailler sera entière ou partielle.
3. Compensation des heures supplémentaires
Le travailleur ne peut pas décider unilatéralement de la compensation de ses heures supplémentaires. Ladite compensation, durant la période de libération, requiert également l’assentiment de l’employeur.
Lorsqu’il n’existe aucun accord contractuel stipulant que les heures supplémentaires sont directement compensées par la libération en elle-même, les travailleurs peuvent insister en vue d’obtenir le paiement de leurs heures supplémentaires au terme de leurs rapports de travail. De plus, selon l’art.321c CO, l'employeur est tenu de rétribuer les heures de travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en versant le salaire normal majoré de 25% pour autant que les parties n’aient pas convenu par écrit de clauses dérogatoires.
4. Compensation des vacances
On pose régulièrement la question de savoir si (toutes) les vacances peuvent être compensées par la libération de l’obligation de travailler. Les tribunaux ont eu à se prononcer à maintes reprises sur cette question. Dans l’ATF 128 III 282 cons. 4, le Tribunal fédéral considère qu’un solde de vacances – même sans que l’employeur n’ait donné de directives explicites à ce propos, à savoir que les vacances restantes sont à prendre durant la période de libération – n’est pas soumis à compensation lorsque la période de libération dépasse de manière significative le droit aux vacances restant. Ceci trouve sa justification dans le devoir de fidélité incombant au travailleur. Il est malgré tout recommandé de réglementer la prise de vacances.
Lorsque les travailleurs doivent mettre à profit la période de libération pour rechercher un nouvel emploi, la prise de vacances n’entre pas en ligne de compte. On peut toutefois se demander si les vacances peuvent être compensées lorsqu’il s’agit d’une libération dans le cadre de laquelle il incombe au travailleur de rester disponible sur demande. Les jours de travail ne pouvant pas être compensés doivent être payés à la fin des rapports de travail.
Le Tribunal des prud’hommes Zurichois en a tiré la règle empirique suivante : le temps de libération doit être au moins trois fois plus long que les vacances à prendre pour que celles-ci soient considérées comme compensées. Cette règle n’est toutefois pas appliquée de manière absolue et il convient d’examiner la chose au cas par cas.
Exemple: une collaboratrice a un délai de préavis de trois mois. Elle est libérée pour l'ensemble de cette période. Le crédit de vacances jusqu'à la fin du contrat de travail est encore de 15 jours. L'employeur informe la collaboratrice que ces 15 jours de vacances sont compensés par sa libération. Cela est possible étant donné que ces trois semaines de vacances sont compensées par douze semaines de congé, le rapport est donc de 1:4. La règle empirique de 1/3 est respectée et les jours de vacances sont considérés comme compensés. Ce n'est que si la collaboratrice pouvait faire valoir qu'elle a dû consacrer toute la période de congé à la recherche d'un emploi et qu'elle n'a donc pas pu prendre de vacances, que l'employeur doit lui payer ces dernières. Quelle que soit la règle générale, c’est en fin de compte toujours le cas particulier qui est déterminant.
5. Début d’un nouvel emploi durant le délai de congé
Si les travailleurs sont libérés sans réserves, ils peuvent déjà débuter dans leur nouvel emploi durant le délai de congé pour autant que leur nouvelle activité ne concurrence pas celle de leur ancien employeur. Il convient toutefois d’observer que, selon la jurisprudence constante, les travailleurs doivent annoncer ce qu’ils gagnent à côté. L’employeur peut toutefois renoncer à son droit de déduire du salaire qu’il verse à l’employé le salaire que celui-ci perçoit à côté.
Les travailleurs sont tenus de communiquer à l’employeur le fait qu’ils occupent une nouvelle place de travail et qu’ils perçoivent un autre salaire. Cela découle en effet du devoir de fidélité incombant aux travailleurs.
On est aussi ici et là d’avis que l’employeur peut exiger du travailleur qu’il n’occupe un nouvel emploi qu’au terme du contrat de travail. Ceci du fait que le travailleur continue de percevoir son salaire. On est d’ailleurs en droit de se poser la question de savoir si une telle interdiction peut être imposée. C’est pourquoi il vaudrait mieux convenir que les travailleurs fassent déduire le salaire réalisé ailleurs.
6. Possible prolongation des rapports de travail en cas de maladie
Malgré une libération, il est envisageable qu’un rapport de travail se prolonge au-delà de sa durée contractuelle. Cela est le cas lorsqu’un travailleur tombe malade ou est victime d’un accident durant le délai de congé assortie d’une libération de même durée. La libération n’empêche pas le délai d’interdiction. Dans pareil cas, on attend des travailleurs qu’ils informent leur employeur et qu’ils lui communiquent lorsqu’ils sont rétablis afin que celui-ci puisse recalculer la prolongation des rapports de travail due au respect du délai d’interdiction prévu par l’art. 336c CO. Dans ces circonstances, l’employeur a, le cas échéant, la possibilité de recalculer la durée restante du temps de travail ou de revenir sur la libération de l’obligation de travailler (AH130214 du 26 mai 2015).
7. Droit à l’emploi du travailleur ?
Une autre question que l’on est en droit de se poser est de savoir si les travailleurs ont, somme toute, le droit d’être libérés respectivement s’ils doivent être occupés. Il ressort majoritairement de la pratique qu’il n’existe pas de droit général à l'emploi.
Il n’y a que dans certaines catégories professionnelles que le fait de ne pas être occupé puisse représenter un (grand) désavantage pour les travailleurs. Dans ces cas-là, le droit d’exercer son activité est reconnu. Cela concerne des professions telles que les artistes, les sportifs professionnels, les chirurgiens, etc… Dans ces catégories professionnelles, on fait valoir qu’il est important de rester « dans le coup » et le fait de ne pas poursuivre son activité professionnelle peut, le cas échéant, déboucher sur une atteinte à la personnalité.
En résumé
Lors d’une libération de l’obligation de travailler, les parties au contrat devraient judicieusement régler les tenants et aboutissants qui en découlent et conclure une convention de libération signée par les deux parties.