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Épuisement professionnel: Les obligations de l'employeur

Le monde du travail est de plus en plus efficace et évolue rapidement. Parallèlement, les travailleurs sont souvent joignables partout et à tout moment. Les employeurs sont tenus de protéger leurs employés contre les risques qu’un stress excessif représente pour la santé de ces derniers. S’ils ne le font pas, ils s’exposent alors à certaines conséquences juridiques.

11/06/2024 De: Gian Geel, Marc Ph. Prinz
Épuisement professionnel

Notion et causes du burnout 

Un burnout («syndrome d’épuisement professionnel ») désigne dans le langage populaire un état dans lequel une personne est soumise à un stress permanent (le plus souvent professionnel) à tel point qu’un état d’épuisement physique et émotionnel s’installe et que les performances en sont nettement réduites. D’un point de vue médical, le burnout ne constitue pas une maladie en soi, mais il se traduit généralement par une incapacité de travail à moyen ou long terme. Très souvent, le burnout va de pair avec une maladie dépressive et est parfois aussi appelé dépression d’épuisement. 

Les causes possibles d’un burnout sont des charges physiques ou psychiques persistantes ou le stress au travail, par exemple: 

  • un grand nombre d’heures supplémentaires 
  • une forte intensité de travail (plus particulièrement la pression temporelle) 
  • une trop grande disponibilité et travail pendant les loisirs (p. ex. le soir, le dimanche, les vacances) 
  • insécurité de l’emploi et rémunération fluctuante 
  • comportement incorrect d’autrui (par ex. mobbing, mauvaise ambiance de travail) 
  • interruptions permanentes
  • facteurs physiques (par exemple, bruit intense, chaleur, efforts ou fumée)

Devoir d’assistance 

Dans le cadre de son devoir d’assistance (art. 328 CO), l’employeur doit prendre dûment en considération la santé de ses employés. Il doit en particulier prendre les mesures nécessaires et appropriées pouvant raisonnablement être exigées de sa part en vue de protéger la santé de ses employés. 

Le coût de la mise en oeuvre des mesures doit être raisonnable et économiquement justifiable par rapport à leur utilité. Le risque pour la santé, la nature et la taille de l’entreprise ainsi que sa capacité économique doivent être soigneusement jaugés. 

D’une manière générale, l’employeur doit tout d’abord veiller à ce que les prescriptions du droit du travail en matière de protection de la santé soient respectées. Les prescriptions concernant le temps de travail maximal, les heures supplémentaires, les pauses, les temps de repos ainsi que les interdictions générales de travailler la nuit, les dimanches et les jours fériés sont ici particulièrement pertinentes.

Dans la réalité, il y a souvent un décalage entre ces prescriptions héritées du passé et le monde d’aujourd’hui, avec ses formes de travail flexibles, le travail à domicile et la possibilité d’être joint à tout moment via son téléphone intelligent. Il s’agit ici de trouver un équilibre sain entre les exigences du travail, l’autonomie partiellement accordée aux travailleurs de travailler aux heures qui leur conviennent et les prescriptions du droit du travail. Les employeurs devraient communiquer clairement à leurs employés qu’ils ne doivent pas être joignables en permanence et qu’ils ne doivent pas travailler le dimanche ou pendant les vacances, par exemple. Les travailleurs trop zélés devraient par conséquent être protégés d’eux-mêmes par des directives idoines. 

Si certains indices laissent à penser que la santé d’un travailleur est affectée par l’activité qu’il exerce, l’employeur doit, selon l’art 3, al. 3 OLT 3 (Ordonnance 3 relative à la loi sur le travail), procéder à un examen de médecine du travail. En fonction des résultats de cette évaluation, des contre-mesures individuelles appropriées doivent être prises, comme par exemple: 

  • Entretiens avec les collaborateurs 
  • Réduction des heures supplémentaires 
  • Amélioration de l’organisation du travail 
  • Coaching 
  • Création de postes supplémentaires 

Il va de soi que l’employeur ne peut réagir que s’il est au courant ou devrait être au courant de la surcharge de travail ou de l’atteinte à la santé du travailleur concerné. En vertu de l’obligation de fidélité (art. 321a CO), l’employé a donc au moins l’obligation d’informer l’employeur de toute atteinte à la santé ou de toute charge excessive et durable ayant une incidence sur le travail qu’il effectue. 

Responsabilité en matière de stress 

Si l’employeur ne remplit pas son devoir d’assistance, il peut, dans certaines circonstances, être tenu pour responsable des dommages qui en résultent. Cela concerne en premier lieu l’employé en faisant les frais, mais aussi, le cas échéant, certaines actions récursoires des assurances sollicitées en raison de la maladie occasionnée. Pour que cette responsabilité soit engagée en cas de stress, les quatre conditions suivantes doivent être remplies de manière cumulative: 

  • Dommage 
  • Violation du contrat (infraction au devoir d’assistance) 
  • Faute de l’employeur 
  • Lien de causalité naturelle et adéquate 

Tout d’abord, le travailleur concerné doit subir un dommage, c’est-à-dire, au sens matériel du terme, une perte de patrimoine involontaire. C’est le cas lorsque les symptômes de stress sont si graves qu’ils prennent valeur de maladie et entraînent des frais de traitement. On peut tout aussi bien, en la matière, envisager des postes de dommage tels que la perte de revenus ou la difficulté d’avancement professionnel. Une indemnité pour préjudice moral peut également entrer en ligne de compte.

La violation du contrat consiste en un manquement de l’employeur à son devoir d’assistance. Il convient de distinguer la faute intentionnelle de celle due à la négligence de l’employeur, qui peut être considérée comme telle si l’employeur connaissait ou aurait dû connaître le danger pour la santé et a manqué d’un degré moyen de diligence à cet égard. Si l’employé n’informe pas l’employeur de la charge de travail excessive ou de la maladie, on peut y voir une faute concomitante réduisant la responsabilité de l’employeur. 

Enfin, il doit exister un lien de causalité naturelle et adéquate entre le dommage et la violation du contrat. Le premier signifie que la violation du contrat ne peut pas être supprimée sans que le dommage ne disparaisse. Le lien de causalité est adéquat lorsque la situation de stress au travail est susceptible, selon le cours normal des choses et l’expérience générale de la vie, de provoquer la maladie ou le dommage qui en résulte. Hormis la faute, qui est présumée jusqu’à preuve du contraire, le travailleur demandeur doit établir que toutes les conditions de la responsabilité en matière de stress ont été réunies, ce qui est généralement considéré comme un exercice relativement ardu. Par conséquent, cette voie de droit est plutôt négligée en raison d’obstacles procéduraux élevés. 

Résiliation abusive 

En revanche, dans la pratique judiciaire, il est beaucoup plus fréquent de faire valoir avec succès un licenciement abusif, ce qui peut conduire au paiement par l’employeur d’une indemnité légale à l’employé pouvant aller jusqu’à six mois de salaire (art. 336 ss. CO). 

En principe, la liberté de licenciement s’applique en Suisse tant que l’employeur ne prononce pas de licenciement en invoquant un motif réputé abusif. En cas de maladie, la protection des employés contre le licenciement se limite en principe à la période de protection prévue par le droit du travail (art. 336c CO), pendant laquelle tout licenciement prononcé est réputé nul. Un licenciement prononcé en raison d’une maladie entravant la prestation de travail après l’expiration du délai de protection est donc en principe admissible. 

Il en va toutefois autrement lorsque la maladie a été causée par une violation du devoir d’assistance de l’employeur. Si une telle maladie joue un rôle décisif dans la décision de licenciement, le lien de causalité nécessaire entre un motif abusif et le licenciement est établi et il y a dès lors licenciement abusif. Le facteur décisif est que l’employeur sache que la maladie a été causée par son manquement au devoir d’assistance. Le fardeau de la preuve de toutes les conditions du licenciement abusif mentionnées ci-dessus incombe à l’employé, le degré de preuve indiquant une forte probabilité étant jugé suffisant. 

Même en cas de maladie imputable à l’employeur, il n’est pas possible que l’employeur ne puisse plus jamais résilier le contrat de travail pour cette raison. Le devoir d’assistance devrait être respecté et le licenciement autorisé selon le point de vue défendu ici, à condition que le droit de licencier soit exercé avec ménagement (en règle générale après l’échec de toutes les mesures de réintégration raisonnablement envisageables). 

Résumé 

Au vu de la forte augmentation des cas de burnout, les employeurs seraient bien avisés de prendre des mesures préventives et réactives afin de remplir leur devoir d’assistance. S’ils ne le font pas, ils risquent, outre les répercussions sur les employés concernés et les risques de responsabilité cités, de perdre une partie de leur savoir-faire, de surcharger d’autres collaborateurs (effet domino) et de voir ainsi leur productivité diminuer.

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