Utilisation des médias sociaux: Une problématique récurrente au travail
Aides de travail appropriées
Bases juridiques concernant l’utilisation des médias sociaux
Même si les frontières entre vie privée et vie publique ont tendance à devenir floues ou deviennent de plus en plus perméables sur les réseaux sociaux, il convient toujours de se poser la question de savoir si l'utilisation des médias sociaux se fait, en définitive, dans le cadre du travail ou à titre privé.
Du point de vue du droit du travail, les prescriptions de l'employeur doivent notamment tenir compte de son droit de donner des instructions. En contrepartie, il doit protéger ses employés en vertu de son devoir d'assistance. Si les employés peuvent en principe invoquer leur liberté personnelle ou leur sphère privée, ils doivent néanmoins, en raison de leur devoir de loyauté envers l'employeur, préserver en toute bonne foi les intérêts légitimes de ce dernier, et ce même lorsqu'ils utilisent les médias sociaux.
Droit de l’employeur de donner des directives
Si le contrat de travail ne contient pas de dispositions relatives à l'utilisation des réseaux sociaux, un employeur peut édicter - de manière unilatérale - des directives sur l'utilisation des médias sociaux en vertu de son droit de donner des instructions conformément à l'article 321d du Code suisse des obligations (CO). Cela peut par exemple se faire dans le cadre d'un règlement correspondant. Cette dernière solution est préférable à une réglementation directement intégrée aux conditions générales d'engagement, celles-ci faisant partie intégrante du contrat de travail et ne pouvant donc être adaptées qu'avec l'accord de l'employé (ou par le biais d'un congé-modification).
Si certains outils de travail (par exemple, l'ordinateur portable de l'employeur) ou le réseau de l'entreprise sont utilisés pour accéder aux médias sociaux, l'employeur peut interdire complètement cette pratique; il peut en effet décider de l'utilisation des moyens techniques mis à disposition par l'entreprise. L'utilisation d'appareils mobiles privés pendant les heures de travail peut pareillement être interdite pour des raisons internes.
En l'absence de directive correspondante, une utilisation limitée des médias sociaux est en principe autorisée tant que la prestation de travail n'est pas diminuée. Il est souvent difficile d'évaluer s'il y a diminution de la prestation. En règle générale, on considère qu'une utilisation occasionnelle de quelques minutes (comme pour les conversations téléphoniques privées) est autorisée pour un taux d'occupation complet. Il faut également tenir compte de l'importance que revêt pour l'employeur l'entretien de ses contacts dans les médias sociaux. Selon le secteur d'activité concerné (par exemple le marketing), cette utilisation peut être plus conséquente ou revêtir une plus grande importance stratégique.
En ce qui concerne l'utilisation des médias sociaux dans la sphère privée, l'employeur ne peut pas imposer de règles limitant la liberté personnelle de l'employé: il doit en effet respecter sa sphère privée. Il convient toutefois de noter que certaines actions effectuées alors que l’employé jouit de son temps libre peuvent néanmoins avoir une influence certaine sur le lieu de travail, comme le montreront les exemples ci-dessous. En conséquence, un employeur peut exiger, en tant qu'émanation du devoir de loyauté auquel un employé est astreint, que celui-ci s'abstienne de tout comportement nuisant à la réputation de l'entreprise.
Lors de l'évaluation des contributions dans les médias sociaux, il faut toujours tâcher de savoir si la publication s'est faite sur un compte public ou via un profil privé. Le principe est que plus un profil est privé, plus les obstacles à la défense des intérêts de l'employeur sont importants. Il convient également de tenir compte de la position ou de la fonction de l'employé concerné au sein de l'entreprise. Plus sa position est importante, plus le comportement qu'il adopte dans le cadre de sa sphère privée est susceptible de jouer un rôle conséquent.
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Protection de la personnalité du travailleur
En vertu de l'article 328 CO, l'employeur a un devoir d'assistance envers ses employés. Il est donc tenu de protéger la personnalité du travailleur et de prendre les mesures nécessaires et appropriées à cet effet. En outre, l'employeur ne peut traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où elles portent sur les aptitudes de ce dernier à remplir son emploi ou sont nécessaires à l'exécution du contrat de travail (cf. art. 328b CO). Il s'agit là d'une concrétisation du principe de proportionnalité énoncé à l'article 6, alinéa 2 de la Loi fédérale sur la protection des données (LPD) touchant aux rapports de travail.
Du point de vue de la protection des données, il convient en outre de noter qu'une atteinte à la personnalité est illicite si elle n'est pas justifiée par un motif justificatif tel que le consentement de la personne lésée, par un intérêt prépondérant privé ou public ou par la loi (art. 31, al. 1, LPD). Il convient aussi de noter que le consentement d'un employé n'a qu'une efficacité limitée vis-à-vis de l'employeur, car son caractère volontaire est bien entendu limité par le lien de subordination existant.
«Screening» des médias sociaux
L'importance de ces dispositions se manifeste surtout dans le cadre de ce que l'on appelle le "screening des médias sociaux", dans le cadre duquel les publications et la présence des candidats à un emploi sur les réseaux sociaux font l'objet d'une vérification par l'employeur. Il en va de même pour la surveillance préventive des employés dans le cadre de ces mêmes médias. Seules certaines vérifications portant sur la formation, le parcours professionnel et certaines perspectives commerciales sont autorisées en ce domaine. Les données privées concernant l'origine, l'appartenance à une association, la religion, les convictions, l'état de santé, etc. sont elles, en revanche, taboues: elles ne concernent clairement pas les aptitudes requises à la bonne marche de la relation de travail envisagée.
Pour cette raison, le fait de passer au crible des candidats à un poste sur Internet et en particulier sur les réseaux sociaux sans avoir au préalable obtenu leur consentement n'est en principe pas chose autorisée. Il convient toutefois de faire une distinction entre les différents réseaux existants. Xing et LinkedIn, par exemple, se concentrent sur le domaine professionnel et sont donc moins sujets à caution que Facebook, Instagram et compagnie, qui mettent plutôt en exergue la vie privée et les faits et gestes de leurs utilisateurs. Les recherches sur Google sont particulièrement problématiques, car leurs résultats - contrairement à ceux obtenus sur les réseaux sociaux - ne sont pas contrôlables par les personnes concernées. Souvent, certaines des informations affichées sont celles qui ont été mises en ligne à l'insu et contre la volonté de la personne concernée. Et rarement à son avantage.
Abus dans les médias sociaux
Un abus dans les médias sociaux peut notamment consister en une atteinte à la réputation de l'employeur lorsqu’un collaborateur partage sur les réseaux sociaux des photos de comportements inappropriés sur le lieu de travail (un comportement peu hygiénique dans la cuisine d'un restaurant, par exemple). En outre, il faut toujours garder à l'esprit que le travailleur enfreint les obligations de confidentialité qu'il entretient vis-à-vis de son employeur s'il transmet certaines informations internes à l'entreprise (p. ex. des informations émanant du département forensique de cette dernière).
Les contenus peu réfléchis et par trop spontanés partagés sur les médias sociaux peuvent aussi avoir diverses conséquences désagréables pour les travailleurs. Des commentaires déshonorants ou racistes comporte à n’en point douter leur lot de désagréments. Un employé a été licencié pour avoir écrit sur Twitter qu'il faudrait peut-être une nouvelle "Nuit de Cristal", cette fois-ci pour les mosquées, ce qui a été considéré comme une discrimination raciale par le Tribunal fédéral. Le fait que des employés se plaignent de leur employeur, de leurs supérieurs ou d'autres collaborateurs sur les réseaux sociaux peut également poser problème (cela peut en effet être assimilé à du cybermobbing). Enfin, le partage de photos relevant de la sphère privée peut quelquefois être délicat, comme le montre l'exemple d'un enseignant primaire zurichois qui a téléchargé sur Instagram des instantanés érotiques de ses vacances à la plage.
Sanctions
En cas d'abus sur les médias sociaux ou de leur utilisation excessive par un employé, l'employeur dispose des sanctions habituelles prévues par le droit du travail. Celles-ci vont de l'avertissement (écrit) au licenciement avec une éventuelle obligation de verser des dommages et intérêts en passant par le blocage des médias sociaux. Un licenciement avec effet immédiat n'est justifié que dans les cas graves. Si l'utilisation des médias sociaux est jugée excessive ou devient à proprement parler démesurée, une réduction de salaire est également envisageable.