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Travail indépendant du lieu: Ce dont les employeurs devraient tenir compte

Dans de nombreuses professions, il est techniquement possible de travailler indépendamment du lieu où l’on se trouve. Toutefois, une fois que les frontières nationales sont franchies, le cadre juridique devient de plus en plus complexe.

09/09/2024 De: Tabea Gutmann, Irène Suter-Sieber
Travail indépendant du lieu

Travail indépendant du lieu

Dans cet article, nous répondons aux questions suivantes : à quoi les employeurs doivent-ils faire attention dans un tel contexte, quels sont les facteurs décisifs en la matière et comment peuvent-ils permettre à leurs collaborateurs de travailler de manière flexible, notamment dans le cadre du travail indépendant du lieu, même au-delà des frontières nationales, en toute sécurité juridique?

Exigences générales de droit public

Le cadre juridique d’une activité salariée n’est pas uniquement déterminé par le contrat de travail et les règlements applicables. Les dispositions de droit public revêtent également une importance considérable. Celles-ci vont généralement de l’interdiction de principe du travail de nuit, du dimanche et des jours fériés à la saisie du temps de travail, en passant par les durées maximales de travail et les temps de repos minimaux. En Suisse, ces prescriptions figurent dans la loi sur le travail et dans les ordonnances y relatives.

Comme il s’agit de dispositions de droit public, le principe de territorialité s’applique. Au sens littéral, cela signifie que le champ d’application de la loi suisse sur le travail s’arrête à la frontière nationale et que le droit public du travail applicable est celui sur le territoire duquel se trouve le travailleur. Une solution conforme au droit à tous égards exigerait donc qu’un employeur connaisse les dispositions de droit public en vigueur sur chaque lieu de travail étranger de ses collaborateurs, qu’il mette ces dernières en oeuvre et qu’il contrôle qu’elles soient appliquées.

CONSEIL PRATIQUE pour le Travail indépendant du lieu
Dans la réalité, il arrive souvent que les spécificités d’un pays passent inaperçues lors d’une activité occasionnelle à l’étranger. Si l’employeur n’est pas en mesure d’identifier et de tenir compte des particularités locales au moyen d’efforts raisonnables, nous lui conseillons au moins d’appliquer les règles suisses à l’étranger, au sens d’un standard minimum, afin de minimiser les risques encourus.

Aspects de droit des assurances sociales

Le principe de territorialité mentionné précédemment s’applique également au domaine des assurances sociales. Cela signifie en principe que le droit des assurances sociales de l’Etat sur le territoire duquel le travail est effectué s’applique. Si les employeurs souhaitent employer des collaborateurs à l’étranger de manière durable (p. ex. dans le cadre d’un télétravail) hors détachement, ces collaborateurs seront alors soumis au droit étranger des assurances sociales. Les employeurs doivent se familiariser avec les conditions locales et – en fonction des obligations que leur impose la législation du lieu en matière d’assurances sociales – enregistrer leurs collaborateurs auprès des institutions d’assurances sociales concernées. En cas d’activité temporaire à l’étranger, le principe de territorialité est toutefois nuance pour des raisons de praticabilité. Les conventions de sécurité sociale constituent la base de ce principe:

a) Télétravail dans l’UE/AELE 

Environ 7,3% de tous les employés en Suisse (jusqu’à un quart dans certaines régions) résident dans des pays limitrophes et traversent quotidiennement la frontière en tant que frontaliers. Dans le cadre des relations entretenues entre la Suisse, l’UE et les Etats de l’AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège), les règles européennes de coordination en matière de sécurité sociale s’appliquent, à savoir le règlement (CE) n° 883/2004 (ciaprès règlement de base) et le règlement d’application (CE) n° 987/2009, à condition que le travailleur ait la nationalité suisse ou celle d’un Etat membre de l’UE ou de l’AELE.

Principe: règle des 25% 

Selon l’art. 13, al. 1, let. a du règlement de base, une personne salariée est soumise au système de sécurité sociale de l’État de résidence si elle y exerce une partie substantielle de son activité. Est considérée comme essentielle une activité équivalant à 25% du temps de travail sur une période de douze mois. Si un frontalier travaille plus de 25% de son temps à domicile, il devra donc être assuré dans son pays de résidence.

Exception au principe: la règle des 49,9% 

En raison d’un important besoin pratique de solutions plus flexibles, la Suisse ainsi que certains autres Etats de l’UE/AELE ont conclu, sur la base de l’art. 16 du règlement de base, un accord-cadre d’une durée initiale de cinq ans visant à faciliter de telles activités de télétravail transfrontalières.1 Les frontaliers employés par un employeur suisse peuvent donc effectuer jusqu’à 49,9% du temps de travail total depuis l’Allemagne, l’Autriche, la France, l’Italie ou le Liechtenstein, sans que leur assujettissement aux assurances sociales ne change pour autant.

Pour pouvoir bénéficier de cette réglementation spéciale, les employeurs doivent demander à leur caisse de compensation AVS, en principe à l’avance, une attestation A1 pour chaque travailleur frontalier. Les frontaliers doivent remplir certaines conditions, notamment: 

  • Si le frontalier travaille pour plusieurs employeurs, tous les employeurs doivent avoir leur siège dans le même Etat.
  • Le travailleur frontalier ne doit pas exercer habituellement une activité dans un autre Etat que celui dans lequel il réside et où se trouve son employeur.
  • En plus de l’activité de télétravail, aucune autre activité ne peut être exercée de manière habituelle dans l’État de résidence (par exemple, une activité indépendante accessoire). 

 

Si un seul de ces critères n’est pas rempli ou si l’employeur ne demande pas d’attestation A1, le seuil général de 25% est alors applicable.

b) «Workation» UE/AELE 

Il convient de distinguer le travail mobile transfrontalier en télétravail de la situation dans laquelle les collaborateurs travaillent sur un territoire étranger sans y avoir leur domicile. Dans ce cas, les règles que nous venons d’exposer ne s’appliquent pas.

Dans ses lignes directrices du 21 juin 2023, la Commission administrative européenne a de nouveau précisé que les règles sur le détachement jusqu’à une durée maximale de 24 mois s’appliquent par analogie lorsque des collaborateurs se rendent temporairement à l’étranger, non pas à la demande de l’employeur, mais de leur propre chef, pour y travailler («workation»). Les motifs possibles de telles «Workation» sont par exemple la prise en charge de proches à l’étranger, des raisons médicales ou le travail mobile avant ou après la prise de vacances à partir d’une destination de vacances. A condition qu’une attestation A1 soit demandée à la caisse de compensation AVS compétente avant chaque «workation», les collaborateurs peuvent rester soumis au système de sécurité sociale suisse de la même manière que s’ils étaient détachés (art. 12 du règlement de base). Cela ne vaut bien entendu que dans le champ d’application du règlement de base, c’est-à-dire pour les ressortissants de l’UE/AELE et de la Suisse.

CONSEIL PRATIQUE 
Les employeurs devraient sensibiliser leurs collaborateurs au thème des assurances sociales, par exemple dans le cadre d’une politique de travail mobile, et demander à temps une attestation A1 avant chaque période de «Workation».


c) Conventions bilatérales de sécurité sociale avec des pays tiers 

En dehors du champ d’application des règles de coordination européennes susmentionnées, par exemple parce que les collaborateurs ont la nationalité d’un Etat tiers ou travaillent depuis un Etat tiers, les conditions- cadres juridiques résultent en ce cas de conventions bilatérales de sécurité sociale.

CONSEIL PRATIQUE 
La Suisse a conclu des accords de ce type avec 52 pays. Les conventions bilatérales de sécurité sociale sont très différentes les unes des autres. C’est pourquoi il est préférable que les employeurs n’inscrivent pas dans leurs règlements de garanties générales pour les travailleurs, et ce quelle que soit la destination prévue.

Après le Brexit, la Suisse a conclu avec le Royaume-Uni un accord sur la sécurité sociale qui s’inspire étroitement des réglementations de l’UE/AELE. Ici aussi, la règle des 25% s’applique au télétravail transfrontalier; quant aux «Workation», elles sont traitées de la même manière que les détachements du point de vue du droit des assurances sociales. 

En revanche, en l’absence d’un accord bilatéral ou si les collaborateurs ne sont pas couverts par un tel accord, les obligations sont régies par le droit des assurances sociales du pays concerné. En outre, il est possible, sur demande, de rester assuré à l’AVS/AI/APG et AC si le collaborateur compte cinq années consécutives d’assurance immédiatement avant l’activité à l’étranger (art. 1a, al. 3, let. a LAVS, art. 5 ss RAVS).

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