Contrat de résiliation: Rupture amiable du contrat de travail

Un contrat de résiliation valable est la solution la plus claire et la plus juridiquement sûre qui soit lorsqu’il s’agit de se séparer de certains collaborateurs. Il existe pourtant des pierres d’achoppement de taille lorsque l’on souhaite y recourir.

16/12/2024 De: Angela Hensch
Contrat de resiliation

La liberté contractuelle permet, entre autres, de mettre un terme à un contrat de travail par le biais d’un contrat de résiliation bilatérale en lieu et place d’une résiliation unilatérale. On peut en effet régler, par ce moyen, le terme des rapports de travail et les modalités y relatives.  Etant donné qu’il n’existe aucun texte de loi explicite concernant la convention qui nous intéresse, les conditions nécessaires à sa validité doivent être puisées dans la pratique juridique et la littérature spécialisée. 

La protection contre le congé n’est pas en vigueur dans le contrat de résiliation

Ce qu’il faut retenir d’une manière centrale, c’est qu’un contrat de résiliation met, d’un commun accord, fin à un rapport de travail dans son ensemble. Un contrat de résiliation n’est pas une résiliation et n’est, en ce sens, soumise à aucune protection contre le congé, qu’elle soit matérielle ou encore sine tempore. Les travailleurs ne peuvent donc pas, s’agissant d’une telle convention, se défendre en invoquant les motifs de licenciement abusif ou encore les délais d’interdiction usuels, tels que la maladie, un accident, une grossesse, la maternité ou encore des obligations militaires. 

Travailleur et employeur peuvent tous deux prendre l’initiative de proposer un contrat de résiliation. Les explications qui suivent se focalisent toutefois sur les motivations poussant les employeurs à adopter lesdites conventions. Bon nombre d’entreprises mettent, de nos jours, de telles conventions en place en raison de certains avantages que présentent celles-ci par rapport à une résiliation prononcée de manière unilatérale. 

Un instrument présentant de nombreux avantages

L’un des principaux avantages que présente le contrat de résiliation est le fait que le travailleur – au contraire d’une résiliation unilatérale – peut participer à l’élaboration des conditions fixées. Le contrat de résiliation est l’instrument idéal pour régler de manière consensuelle les litiges liés au départ d’une entreprise. En définitive, quand des points de dissension apparaissent et portent sur le droit aux vacances, le dédommagement du travail supplémentaire, le bonus perçu ou concernent encore le véhicule d’entreprise, on gagne toujours en clarté lorsqu’une convention de cessation de contrat a été signée. Le contrat de résiliation est gage d’une plus grande sécurité juridique qu’une résiliation unilatérale pour les deux parties au contrat. Des procès onéreux, dont les audiences sont publiques, ainsi que des atteintes à la réputation peuvent ainsi être évités. 

Parallèlement à la plus grande clarté qu’apportent ces conventions, la réduction des rapports de travail est un motif très souvent invoqué pour la mise en œuvre d’un contrat de résiliation. Ladite convention permet, en outre, de s’affranchir de la tare laissée par une résiliation tout en mentionnant dans le certificat de travail que les rapports de travail ont trouvé leur terme d’un commun accord. Il existe aussi, en outre, des plans sociaux modernes combinant résiliations et conventions de cessation de contrat. Ce procédé offre la possibilité, si cela s’avère nécessaire de manière prévisible, de prolonger les « délais de résiliation » et de libérer plus longtemps de leurs obligations professionnelles les travailleurs, leur permettant ainsi de consacrer plus de temps à la recherche d’un nouvel emploi en dehors de leur place actuelle. La mise en préretraite est, à l’heure actuelle et la plupart du temps, mise en place et réglée par le biais de conventions de cessation de contrat.  

Attention: risque de confusion 

En pratique, le contrat de résiliation est toujours et encore confondu avec certaines conventions apparentées. C’est en partie le cas, lors d’une séparation, lorsque les personnes responsables mettent en place à dessein une convention de libération ou une convention de sortie. Pour cette raison, il est important de distinguer ces différents types de conventions qui sont de même nature. 

A la différence d’un contrat de résiliation, la protection contre le congé reste active lorsque l’on a signé l’une de ces deux conventions apparentées si, au préalable, l’employeur a résilié le contrat. Alors que contrat de résiliation convient de la fin des rapports de travail, la convention de sortie ne règle que les modalités et la réalisation de la sortie. La plupart du temps, la fin des rapports de travail s’ensuit par le biais d’une résiliation, bien que la convention de sortie règle par exemple le droit aux vacances et les obligations de restitution. 

La convention de libération, pour sa part, règle les modalités de la libération dans son ensemble, et contrairement à la convention de cessation de contrat, prévoit en règle générale une résiliation préalable du contrat de travail. En fait, une convention de libération peut tout à fait être intégrée à une convention de cessation de contrat. Si, toutefois, l’on ne convient que des modalités de libération pour les deux parties, cela ne signifie pas pour autant que l’on a mis un terme aux rapports de travail d’un commun accord. 

Une jurisprudence inconsistante

La jurisprudence, pour ce qui touche aux conventions de cessation de contrat, est inconsistante. Dès lors, il faut essayer de systématiser la plus récente pratique des tribunaux en la matière. Le Tribunal fédéral est en principe favorable à ce que l’on puisse, par le biais d’une convention de cessation de contrat, mettre fin à des rapports de travail en tout temps, d’un commun accord et sans tenir compte d’un quelconque délai de résiliation ou de la durée fixe d’un contrat. L’impossibilité de renoncer (art. 341, al.1 CO) interdisant au travailleur de renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d'une convention collective, ne fait pas, en principe, obstacle à la conclusion d’une convention de cessation de contrat. Une transaction appropriée est d’ailleurs nécessaire lorsque l’on renonce à des droits dans le cadre d’une convention de cessation de contrat. De ce fait, une libération des obligations professionnelles devrait, si possible, être intégrée dans une convention de cessation de contrat.

Une solution équilibrée est l’objectif à atteindre 

Le Tribunal fédéral considère que les prescriptions légales contraignantes ne devraient pas être contournées dans le cadre d’une convention de cessation de contrat. Font partie des prescriptions contraignantes les délais de résiliation, les délais de protection et le « juste motif » de mise en cas de licenciement avec effet immédiat. Une fraude à la loi est exclue lorsque les deux parties renoncent à des droits lorsqu’il s’agit d’une transaction comprenant des concessions mutuelles qui n’avantagent pas seulement l’employeur mais qui sont aussi dans l’intérêt du travailleur. C’est ce que montre le jugement suivant rendu par le Tribunal fédéral (Jugement 4A_103/2010 cons. 2.2):

«Un contrat portant sur la résiliation des rapports de travail peut être admissible dans la mesure où il n’aboutit pas à un contournement évident de la protection contre le congé prescrite de manière contraignante par la loi (ATF 119 II 449 cons. 2a, p.60 avec renvois). […] Si, d’un consentement mutuel, il doit être mis un terme aux rapports de travail, la validité d’une telle convention, du moment que celle-ci porte sur la renonciation à des droits de droit impératif, requiert que l’accord de résiliation consiste en une transaction équitable dans le cadre de laquelle les deux parties font des concessions (ATF 118 II 58 cons. 2b, p.61 avec renvois).»

La convention de cessation de contrat doit en outre toujours trouver sa justification dans les intérêts du travailleur (Jugement 4A_673/2016 cons. 4.1).

On doit toujours examiner au cas par cas si une convention de cessation de contrat est équilibrée ou non. Le tableau n°1 met en évidence les conditions nécessaires à la validité d’une convention de cessation de contrat, quoique les tribunaux ne tiennent que partiellement compte de l’art. 341, al.1 CO. On peut toutefois partir du principe, concernant les droits déjà existants - par exemple le droit aux vacances, les heures supplémentaires, le temps de travail supplémentaire – qu’une transaction équilibrée est nécessaire dans la mesure où l’on renonce à ces droits ou à des droits qui nécessitent, dans le futur, un réel compromis dans le cadre d’une convention de cessation de contrat voulue par l’employeur. 

Liste de contrôle: possible contenu d’une convention de cessation de contrat

  • Accord portant sur la date d’échéance
  • (avec effet immédiat / à une date ultérieure)
  • Activités devant être effectuées
  • Obligations de restitution
  • Libération convenue
  • Compensation respectivement dédommagement des vacances, des heures et du travail supplémentaires
  • Obligation de garder le secret/prohibition de concurrence
  • Tout autre revenu perçu (prise en compte ou renonciation à cette dernière)
  • Prétentions salariales (fixes/variables)
  • Plan d’intéressement des collaborateurs
  • Frais forfaitaires (explicites/implicites)
  • Paiements exceptionnels
  • Cadeaux pour années de service
  • Reclassement
  • Certificat de travail
  • Abandon de mandat (conseil d’administration/conseil de fondation)
  • Secret
  • Communication
  • Déclaration de solde

Les délais d’interdiction ne font pas obstacle

Un contrat de résiliation peut aussi être conclu pendant les délais d’interdiction, pour autant qu’il ne s’agisse pas de contourner la protection contre le congé ou d’autres dispositions légales contraignantes. L’employeur doit faire des compromis contrebalançant d’éventuels désavantages pour le travailleur. Par exemple, en cas de grossesse, on peut se poser la question de savoir dans quelle mesure, lors de la conclusion d’une convention de cessation de contrat, le facteur grossesse a été intégré dans la pesée des risques et si l’abandon de la protection contre le congé ainsi que la perte des allocations maternité sont dédommagés. 

La déclaration de solde est centrale

Du point de vue de la clarté, la déclaration « dégagées de toutes prétentions l’une envers l’autre » est un élément essentiel du contrat de résiliation par lequel les deux parties déclarent ne plus rien se devoir l’une à l’autre. En règle générale, elle est formulée comme suit : « Par cet accord, les parties se déclarent, dans le cadre du présent contrat de travail, dégagées de toutes prétentions l’une envers l’autre ». 

Cette formulation pourrait laisser à penser que, par une telle déclaration, l’on renonce à toutes prétentions réciproques. Cependant, une déclaration de solde ne couvre que les prétentions des parties déclarantes dont celles-ci ont connaissance ou pour le moins qu’elles pensent envisageables. Les prétentions débordant de ce cadre ne sont ainsi pas exclues. Les droits futurs que les parties connaissent ou dont l’application paraît possible doivent être explicitement exclus de la déclaration de solde. 

Un consentement clairement exprimé

Le contrat de résiliation n’est soumis à aucune condition de forme et peut même se faire tacitement. Mais étant donné que le Tribunal fédéral pose des conditions strictes en termes de convention de cessation de contrat, le consentement doit être exprimé de manière claire et indubitable. L’approbation du travailleur concernant la renonciation à des prétentions dans le cadre de la convention de la cessation de contrat ne doit pas être prise à la légère. Un travailleur qui n’accuserait que réception d’une convention de cessation de contrat stipulant que les rapports de travail ont trouvé leur terme d’un commun accord n’est pas considérée comme une approbation suffisante en termes de droit. De même, le fait qu’un travailleur ne réagisse pas à une résiliation frappée de nullité ne mène pas à la conclusion implicite d’une convention de cessation de contrat. Il est recommandé de conclure une convention de cessation de contrat par écrit. Il est important que le consentement porte sur la date d’échéance. Par ailleurs, il convient de rendre le travailleur attentif au fait que la convention de cessation de contrat n’est pas une résiliation et que, par conséquent, les dispositions portant sur la protection contre le congé ne s’appliquent pas. 

Accorder un délai de réflexion approprié

En pratique, il n’est pas rare que l’on pratique la méthode du « à prendre ou à laisser ». On annonce à un collaborateur – tel un coup de tonnerre dans un ciel bleu – que l’on souhaite se séparer de lui et on le met au pied du mur en lui proposant soit de signer une convention de cessation de contrat soit de résilier immédiatement son contrat de travail. Ainsi, le danger que le travailleur soit mis sous pression existe bel et bien. Selon la pratique du Tribunal fédéral, une telle « attaque par surprise » conduirait le travailleur à des conventions de cessation de contrat inadmissibles du fait de leur soudaineté. Pour éviter cela, il convient d’accorder au travailleur un délai de réflexion idoine. 

Contrat de résiliation et assurance chômage

Du point de vue du travailleur, un contrat de résiliation en droit du travail semble souvent être un moindre mal qu'un licenciement par l'employeur. Toutefois, un contrat de résiliation peut avoir des conséquences en cas de chômage. C'est notamment le cas lorsque le contrat de travail prend fin à une date antérieure à celle à laquelle il aurait pu être mis fin par un licenciement ordinaire ou lorsque le contrat de résiliation a été conclu à la demande du travailleur. Si un chômage survient après la conclusion du contrat de résiliation, il en résulte régulièrement des délais d'attente chez l'employé, car le contrat de résiliation n'est pas considéré comme un licenciement de l'employeur, raison pour laquelle il y a chômage fautif (art. 30 al. 1 let. a LACI).

Il faut également tenir compte de l'art. 11 al. 3 LACI. Selon cet article, une perte de travail n'est pas imputable à la durée pour laquelle le chômeur a droit à un salaire ou à des indemnités en raison d'une résiliation anticipée des rapports de travail. Des prestations volontaires de l'employeur allant au-delà peuvent entraîner une perte de travail non imputable.

Conséquences juridiques en cas d’irrecevabilité

On ne connaît pas encore les conséquences juridiques lorsqu’un contrat de résiliation s’avère irrecevable. Le Tribunal fédéral a, dans plusieurs de ses décisions, prononcé la nullité de telles conventions, rendant ainsi ces dernières sans effets, et n’a pas mis fin aux rapports de travail. Cela a pour conséquences désagréables que les parties se retrouvent au point de départ… à savoir au même point que lorsqu’elles n’avaient pas conclu de conventions de cessation de contrat.  

On admet qu’il y a en partie fin des rapports de travail même lorsque certaines prétentions légales ont été contournées. Dans ce cas, on part du principe, en cas de convention de cessation de contrat non conforme au droit, que la fin des rapports de travail est néanmoins voulue. Dès lors, il ne s’agit plus de contester la fin des rapports de travail mais seulement de se mettre d’accord sur les effets accessoires. Par conséquent, s’il s’avère qu’il y a eu fraude à la loi, il suffit simplement d’appliquer la disposition légale qui s’impose en la matière.

Il est dès lors judicieux de conclure des conventions de cessation de contrat avec soin afin que celles-ci tiennent bon en cas d’éventuelle procédure judiciaire et qu’elles garantissent aussi, dans les faits, la sécurité juridique à laquelle on aspire.

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