Contrat de détachement: Conditions cadres

Le bon déroulement d'un détachement dépend d’une définition claire du cadre juridique. Voici ce à quoi il faut faire attention lorsqu’on rédige des contrats de détachement.

28/03/2024 De: Roger Hischier
Contrat de détachement

Lorsqu'un employeur suisse envoie un collaborateur à l'étranger pour une durée limitée, on parle généralement de détachement. Il existe en outre d'autres formes de missions à l'étranger qui, selon le but poursuivi, requièrent des solutions différentes. Il sera toutefois question ici essentiellement de la forme contractuelle d'un détachement au sens décrit ci-dessus. 

Étant donné qu'un détachement comporte des interfaces au niveau du droit du travail avec au moins deux États, des dispositions supplémentaires ou différentes sont nécessaires par rapport au contrat de travail valable uniquement dans un pays spécifique. Ces dispositions peuvent être consignées soit dans un avenant au contrat existant, soit dans un contrat de détachement séparé qui remplace le contrat de travail en vigueur. En cas de détachement régulier, il est recommandé, afin de réduire la charge administrative, d'édicter des directives de détachement et d'y faire référence dans le contrat en question en les déclarant comme en faisant partie intégrante. 

On règlera notamment les points suivants dans un contrat de détachement:

Partenaires contractuels

Bien que cela semble aller de soi, il arrive régulièrement que des désignations imprécises ou erronées soient utilisées dans la pratique. On notera en particulier que si la raison sociale et l'adresse de l'employeur ne sont pas mentionnées correctement, cela peut entraîner des problèmes de compétence et de légitimation en cas de litige devant le tribunal.

Préambule

Il est recommandé de mentionner dans le préambule, à l'intention des tiers non concernés, l'historique et les motivations du détachement. En revanche, les droits et obligations contractuels d'une partie ne doivent pas y figurer.

Objet et portée du contrat

Lorsqu'un collaborateur souhaite travailler à l'étranger, il a besoin d'un permis de séjour et de travail. Si ce permis n'est pas ou plus disponible, l'employé est de fait empêché d’exercer son activité. Sans disposition contractuelle, c'est en principe l'employeur qui doit supporter les conséquences de cette impossibilité dite subjective. Il est donc recommandé de lier la validité du contrat de détachement à l'existence de ces autorisations. Une clause correspondante pourrait se présenter comme suit:

Formulation type: «Sous réserve de l'octroi et du maintien de l'autorisation de séjour et de travail sur le lieu de la mission au travailleur détaché, le présent contrat de détachement est valable pour la durée de la mission à l'étranger».

Comme le prévoit cette clause, le contrat de détachement doit être valable aussi longtemps que le travailleur se trouve à l'étranger. Si ce dernier revient dans l'entreprise nationale avant ou après la fin prévue du détachement, le contrat de travail initial doit - selon les dispositions contractuelles - reprendre automatiquement effet; sauf si le contrat de détachement est résilié sans préavis pour des raisons imputables au travailleur.

Fonction et subordination

En raison notamment de l'éloignement géographique, il est important que le contrat de détachement règle précisément la fonction et surtout les compétences du collaborateur. Si tel n’est pas le cas, il peut arriver que la personne détachée exécute mal son travail ou outrepasse ses compétences sans s'en rendre compte. Il est donc également recommandé de désigner une personne à laquelle le travailleur détaché est subordonné et à laquelle il rend compte régulièrement de ses activités. Cette personne devrait également discuter périodiquement avec le travailleur détaché de son plan de carrière et de l'évolution de son salaire.

Validité temporelle et territoriale

Le contrat devrait également préciser la durée prévue du détachement et si une prolongation est éventuellement possible. En ce qui concerne l'indication de la durée, le contrat de détachement devrait toutefois impérativement faire précéder la date de fin prévue du mot «probablement», afin que le travailleur ne puisse pas se prévaloir d'une durée contractuelle fixe en cas de fin anticipée du détachement par l'employeur. Dans l'intérêt des deux parties, il convient de fixer un moment avant la fin prévue du détachement (par exemple 6 mois avant), au cours duquel les parties pourront discuter d'une éventuelle prolongation du détachement ou des modalités du voyage de retour.

Conseil pratique: De manière générale, il est recommandé d'accorder des délais de préavis un peu plus longs pour les détachements en raison de l'importante charge administrative qu'implique le retour, en particulier lorsque le détaché emmène sa famille à l'étranger.

L'employeur peut se réserver un droit de rappel à tout moment à l'égard du travailleur détaché. Toutefois, pour respecter la parité des délais de préavis (cf. art. 335a, al. 1, CO), il doit respecter un délai de préavis d'une durée égale à celle du délai de résiliation. 

Le lieu d'affectation à l'étranger doit également être fixé dans le contrat de détachement. Celui-ci est en principe contraignant pour les deux parties. Si l'employeur souhaite étendre son droit d'instruction à cet égard, il peut par exemple recourir à la clause suivante:

Formulation type: «Le lieu d'affectation du travailleur détaché est en principe .... Le travailleur détaché est conscient que son affectation à l'étranger implique de fréquents déplacements».

Rémunération

Les parties doivent se mettre d'accord sur la forme de la rémunération du travailleur détaché. Il faut également tenir compte de la charge fiscale et des cotisations sociales. Il est recommandé de régler cette partie de l'accord dans une annexe au contrat de détachement. Ainsi, en cas de modification, il n'est pas nécessaire de modifier l'ensemble du contrat, mais seulement de remplacer l'annexe.

Autres prestations 

En cas de détachement, divers postes s'ajoutent à la rémunération proprement dite et doivent être pris en charge par l'employeur. Il s’agit par exemple des frais d'installation et de logement, des frais d'un véhicule sur place, de voyage pour un congé annuel à domicile ou de scolarité pour les enfants. Dans la pratique, la liste de ces prestations supplémentaires varie fortement selon la destination et la fonction.

Impôts 

Le sujet fiscal est en principe le travailleur dans le monde entier. Mais comme un détachement a, par définition, des points de contact avec au moins deux ordres juridiques, le risque de double imposition est bien réel. C'est pourquoi il est recommandé - dans l'intérêt du collaborateur - de clarifier précisément ce point avant le détachement. Dans la pratique, on trouve ici différentes dispositions contractuelles:

  • L'employeur laisse les questions fiscales à la charge du travailleur détaché ou lui fournit à ses frais un conseiller fiscal. 
  • Il est également possible de verser un montant fixe pour compenser la charge fiscale supplémentaire. 
  • Il existe également des dispositions plus complexes qui visent à ce que le travailleur détaché ne paie pas plus d'impôts pendant sa mission à l'étranger qu'avant son détachement, mais pas moins non plus.

Assurances (sociales)

Les personnes détachées de Suisse à l'étranger et qui y sont déjà assurées souhaitent en principe rester assurées socialement en Suisse, afin de ne pas subir de lacunes de cotisations et de réductions de prestations. C'est en principe possible, notamment dans les relations avec les pays avec lesquels la Suisse a conclu une convention de sécurité sociale. Il est toutefois fortement déconseillé de stipuler sans réserve dans le contrat de détachement que le travailleur concerné reste assujetti à la sécurité sociale suisse pendant sa mission à l'étranger; en effet, si cet assujettissement n'a pas lieu, l'employeur peut être tenu de verser des dommages-intérêts si cela entraîne une réduction des prestations, voire un refus de ces dernières. On recommandera la formulation suivante:

Formulation type: «Tant que la loi le permet, le travailleur détaché reste soumis à l'assurance sociale suisse».

Si le travailleur détaché peut en principe rester assujetti à l'assurance sociale suisse, il faudrait aussi impérativement vérifier au préalable les conditions de maintien de la prévoyance professionnelle. 

Enfin, il convient de signaler dans ce contexte que l'industrie privée de l'assurance propose divers produits pour les missions internationales des collaborateurs, qui protègent le détaché et éventuellement aussi sa famille et garantissent une aide immédiate.

Obligations générales

Autres pays, autres mœurs - il convient de tenir compte de ce fait lors de missions à l'étranger en sensibilisant le travailleur détaché au préalable. Il convient avant tout d'attirer l'attention du collaborateur sur les dispositions légales obligatoires à l'étranger, car leur non-respect peut souvent être lié à des sanctions, voire à une expulsion du pays. Si, malgré l'obligation contractuelle, le travailleur détaché ne respecte pas ces dispositions et ne peut donc pas s'acquitter de sa prestation de travail, cet empêchement est considéré comme étant de sa propre faute et l'employeur n'est en principe pas tenu de continuer à verser le salaire. Une clause correspondante pourrait par exemple être formulée comme suit:

Formulation type: «Le travailleur détaché s'engage à observer et à respecter les lois et les usages en vigueur sur le lieu d'affectation à l'étranger».

L'espionnage industriel est souvent un sujet de préoccupation, en particulier à l'étranger. C'est pourquoi il est judicieux d'attirer l'attention du travailleur détaché sur cet état de fait et sur l'obligation de confidentialité y relative.

Retour définitif

Un détachement présuppose nécessairement une garantie de réemploi de la part de l'employeur et une volonté de retour de la part du détaché. Comme il n'est pas possible de prévoir comment une entreprise évoluera à long terme, le contrat de détachement doit impérativement prévoir le cas où l'employeur ne peut plus proposer au détaché un poste équivalent dans l'entreprise d'origine à son retour. Comme la loi ne prévoit pas de garantie de réemploi, les parties sont en principe libres de régler les conséquences de l'absence de poursuite prévue des relations de travail. On peut imaginer une indemnité équivalente à un ou plusieurs mois de salaire.

Formulation type: «Si le contrat de détachement prend fin ou est résilié de manière anticipée et que l'employeur ne peut pas proposer au détaché une possibilité d'affectation chez lui correspondant à sa fonction actuelle et à ses compétences, l'employeur s'engage à verser au collaborateur concerné une indemnité équivalente à trois mois de salaire à la fin du détachement».

Cette règle devrait également s'appliquer si le travailleur détaché doit interrompre prématurément son détachement – par exemple pour des raisons familiales.

Missions transfrontalières

Réponses juridiques aux questions pratiques sur les relations de travail internationales.

Question: Quel est le tribunal compétent en cas d'expatriation?

Réponse: cela ressort du droit international privé des États concernés par la relation de travail en question. Il existe en outre des traités internationaux qui règlent les relations entre les États contractants. Par exemple, la Convention de Lugano, de laquelle tous les États membres de l'UE et la Suisse font parties, coordonne la compétence des tribunaux entre les États contractants.

Question: Quelle est la durée maximale d'un détachement?

Réponse: il est judicieux de fixer à cinq ans la limite temporelle entre un détachement et une mission à l'étranger de durée indéterminée. En effet, la plupart des conventions de sécurité sociale (p. ex. aussi l'accord sur la libre circulation des personnes) prévoient, en cas d'affectation à l'étranger pour une durée limitée, la possibilité de soumettre les collaborateurs détachés à la sécurité sociale de l'État à partir duquel ils ont été détachés pour une durée maximale de cinq ans et de les exempter pendant cette période de l'obligation d'assurance sociale dans l'État d'affectation. En droit international privé également, la mission temporaire à l'étranger bénéficie généralement d'un traitement particulier, dans la mesure où, pendant cette période, les tribunaux du siège de l'employeur national peuvent continuer à être saisis et que le droit national reste en principe également applicable.

Question: Comment coordonner le contrat de travail local et le contrat de base de détachement?

Réponse: l’existence de l'autre contrat doit être mentionnée au préalable dans les deux contrats. Il est recommandé de placer les dispositions du contrat de base du détachement au-dessus de celles du contrat de travail local - si le droit étranger local le permet - et de faire en sorte que la résiliation d'un contrat entraîne automatiquement la résiliation de l'autre.

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