Données RH: Quels sont les délais de conservation des données des collaborateurs?

Dans le cadre d'une relation de travail, l'employeur traite diverses données RH concernant ses collaborateurs. La question de savoir si ces données peuvent ou doivent être conservées, et ce pendant combien de temps, est souvent peu claire et pas toujours facile à trancher.

25/11/2024 De: Jeannine Dehmelt, Marc Ph. Prinz
Données RH

Bases juridiques

Loi sur la protection des données et art. 328b CO

Les données (RH) susmentionnées sont des données personnelles au sens de la loi sur la protection des données («LPD» ; cf. art. 5 LPD). Dans certaines circonstances, il s'agit même de données sensibles au sens de l'article 5, let. c LPD. Sont notamment concernées les données relatives à la santé, à la sphère intime ou à l'appartenance raciale, les données génétiques qui identifient clairement une personne physique ainsi que certaines données relatives à d’éventuelles poursuites et sanctions administratives ou pénales. En font également partie les données relatives à la religion ou aux convictions philosophiques, politiques, syndicales ainsi qu'aux éventuelles mesures d'aide sociale perçues par les (futurs) collaborateurs.

Les principes généraux de traitement des données s'appliquent à la relation de travail. En conséquence, tout traitement de données doit être effectué de bonne foi, de manière licite, proportionnée, correcte et sûre, conforme au but indiqué lors de la collecte des données (art. 6 et 8 LPD) et en conformité avec toutes les autres dispositions relatives à la protection des données (p. ex. concernant la sécurité des données [art. 7 et ss. LPD]).

En vertu de l'article 328b du Code suisse des obligations («CO»), l'employeur ne peut en outre collecter et traiter des données concernant les (futurs) collaborateurs que dans la mesure où elles portent sur les aptitudes de ces derniers à remplir leur fonction ou sont nécessaires à l'exécution du contrat de travail (art. 328b CO). De notre point de vue, ce principe n'est toutefois pas absolu et connaît d’autres motifs justificatifs (art. 31 LPD), ce que le Tribunal fédéral a par ailleurs confirmé dans un arrêt récent. Un traitement de données plus poussé peut donc être justifié, notamment avec le consentement explicite des collaborateurs ou en cas d'intérêts prépondérants de l'employeur ou de tiers.

Sur la base de ces principes généraux de traitement, les données ne peuvent en principe être traitées et conservées que pendant la durée appropriée à la finalité pour laquelle elles sont traitées et justifiée par rapport à la personne concernée, c'est-à-dire proportionnée. La LPD ne prévoit pas de délais de conservation spécifiques pour les données (RH) et il convient en principe de toujours procéder cas par cas.

Par conséquent, il est presque impossible d'affirmer, à titre général et contraignant, comment procéder en matière de durée de conservation des données RH. Nous sommes toutefois d'avis qu'il est judicieux de se pencher avec attention sur les délais de prescription et de conservation applicables en vigueur en droit civil (comme point de départ).

Délais de conservation dans la nouvelle loi sur la protection des données

La durée de conservation des données (RH) a également gagné en importance avec la révision de la LPD, entrée en vigueur le 1er septembre 2023. L'art. 12 al. 2 LPD stipule que la liste des activités de traitement du responsable doit notamment contenir la durée de conservation des données personnelles ou les critères de détermination de cette durée. La durée de conservation doit donc être fixée soit directement (p. ex. cinq ans), soit indirectement au moyen des critères qui la déterminent (p. ex. les délais de conservation prévus par le droit des sociétés, l'intérêt à l'administration des preuves). De même, le droit d'accès comprend désormais la durée de conservation des données personnelles ou, si cela n'est pas possible, les critères de fixation de cette durée (art. 25, al. 2, let. d, LPD).

Les plus importantes dispositions en matière de prescription

Conformément à l'art. 127 CO, toutes les créances se prescrivent par dix ans, à moins que le droit civil fédéral n'en dispose autrement. En conséquence, le droit du collaborateur à l'établissement ou à la rectification d'un certificat de travail se prescrit par dix ans à compter de la fin des rapports de travail. C'est ce qu'a confirmé le Tribunal fédéral dans un arrêt rendu à la fin décembre 2020.

L'art. 128 al. 3 CO dit que les créances résultant des rapports de travail des collaborateurs se prescrivent par cinq ans. Cette disposition se réfère aux créances financières des (anciens) salariés, p. ex. les créances de salaire, celles relatives aux indemnités de vacances ou encore à l'indemnisation d'heures supplémentaires. Le délai de prescription commence à courir à partir du moment où la créance devient exigible (art. 130 CO).

Dans le cadre de l'obligation de tenir une comptabilité et de présenter des comptes (art. 957 ss CO), un délai de conservation de dix ans s'applique aux livres et aux pièces comptables ainsi qu'au rapport de gestion et de révision (art. 958f CO). Le délai commence à courir à la fin de chaque exercice. En outre, selon la nature des données traitées, certains délais de prescription supplémentaires relevant notamment du droit fiscal ou des assurances sociales doivent être pris en compte.

Données concernant les candidats (malheureux)

Si un candidat se voit refuser le poste, ses données doivent en principe être effacées trois ou quatre mois après la décision définitive (voir aussi l'art. 8 LEg). Il peut en aller autrement si le candidat a explicitement consenti à un délai de conservation plus long. Aujourd'hui, les candidatures se font en effet le plus souvent via des outils en ligne (automatisés). Dans le cadre de l'utilisation de ces outils, les candidats doivent être informés des données qui sont traitées, des fins auxquelles elles le sont et de leur durée de conservation. Si certaines données doivent être conservées et traitées après qu’un candidat s’est vu refuser le poste, notamment concernant de futures offres d'emploi, les candidats doivent (pouvoir) donner leur accord séparément. Dans le cadre de ces outils en ligne automatisés, il convient de respecter les dispositions de la LPD révisée relatives aux décisions individuelles automatisées (cf. art. 21 LPD).

Si, au contraire, un candidat est retenu et embauché, son dossier de candidature atterrit sur la pile des dossiers du personnel. Suite à cela, les documents qui ne sont pas pertinents (à long terme) pour la relation de travail devraient en principe être supprimés après la période d'essai pour des raisons de proportionnalité (par exemple les certificats de travail produits par d’anciens employeurs). Tous les documents attenant à la candidature devraient être détruits (au plus tard) à la fin de la relation de travail. Les postulations, elles, doivent être restituées ou détruites au plus tard au terme de la période de candidature.

Délai de conservation des données RH

Une grande partie, au moins, des données RH d'un (ancien) collaborateur se trouve dans son dossier personnel. Dans la doctrine, certains sont d'avis que l'ensemble du dossier personnel peut (ou même doit) être conservé pendant dix ans après la fin des rapports de travail. De notre point de vue, cette opinion n'est pas correcte ou du moins trop imprécise. Il faut déterminer séparément pour chaque donnée RH – données qui ne sont pas toutes (obligatoirement) classées dans le dossier personnel – combien de temps elles doivent et peuvent être conservées. C'est également le point de vue du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT).

Conservation des données salariales et des données relatives à des prétentions financières du collaborateur

Les données relatives aux documents comptables (données salariales, boni éventuels) doivent être conservées pendant dix ans. Les autres données pertinentes en rapport avec les créances financières des collaborateurs salariés ne doivent l'être que pendant cinq ans (à compter de leur échéance).

Données nécessaires à l’établissement/la rectification d’un certificat de travail

Comme nous l'avons vu précédemment, le droit d'un collaborateur à l'établissement ou à la rectification d'un certificat de travail se prescrit par dix ans à compter de la fin des rapports de travail. Par conséquent, nous estimons qu'il est recommandé, voire justifié, de conserver les données RH pertinentes en rapport avec le certificat de travail pendant dix ans après la fin des rapports de travail. Ce délai de dix ans n'est toutefois valable que dans la mesure où il ne s'agit pas d’une relation de travail de très longue date. Dans le cas d'un collaborateur de (très) longue date, les évaluations des collaborateurs concernant les premières années d'engagement ne devraient plus guère être pertinentes en ce qui concerne le certificat en question. Le PFPDT part même du principe : en règle générale, seules les deux dernières évaluations du collaborateur sont déterminantes pour l'établissement d'un certificat de travail (ce qui, à notre avis, est un peu court; nous estimons, du moins, que l'on ne peut pas l’exprimer de manière aussi générale).

Les données pertinentes dans le cadre de l'établissement ou de la rectification du certificat de travail sont les suivantes : les données relatives à la nature et à la durée des rapports de travail, la description des tâches et les données relatives au domaine de responsabilité (y compris les tâches de direction), les évaluations de la performance, des compétences et du comportement, les documents relatifs à la formation continue, certaines informations concernant d’éventuelles absences prolongées (ou d'autres événements particuliers) ainsi que les documents relatifs au départ du collaborateur.

Litiges pendants

Il est toutefois possible de déroger aux délais de conservation (généraux) susmentionnés, notamment lorsque l'(ancien) employé ou l'employeur engage une action en justice. Dans ce cas, les documents pertinents du point de vue de la procédure (les preuves éventuelles) peuvent être conservés jusqu'à la fin du litige, c'est-à-dire jusqu'à ce que le jugement rendu soit entré en force.

En bref

Il n'est pas possible de déterminer une durée de conservation générale pour toutes les données RH et/ou toutes les données classées dans le dossier personnel. Il convient plutôt de fixer les délais de conservation en fonction des différentes catégories de données. A cet égard, nous estimons qu'il est judicieux et justifié de se référer aux délais de prescription et de conservation applicables. En vertu du principe de proportionnalité, le dossier personnel devrait toutefois être régulièrement «nettoyé». De même, l'accès audit dossier devrait être limité à un cercle de personnes bien déterminé et si possible restreint.

Dans ce contexte, les entreprises peuvent s’inspirer des délais de conservation de l'encadré ci-dessous pour différentes données RH. Il ne s'agit toutefois que d'un aperçu général et il convient toujours de prendre en compte chaque cas particulier ou le type d’entreprise concernée lorsqu’il s’agit de traiter des données.

Illustration 1: Aperçu des délais de conservation des différentes données RH

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