Invalidation du contrat de travail: Les effets dans le temps
Aides de travail appropriées
L’erreur essentielle
Selon l’art. 23 CO, le contrat n’oblige pas celle des parties qui, au moment de conclure, était dans une erreur essentielle. En vertu de l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO, l’erreur est essentielle lorsqu’elle porte sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui se prévaut de son erreur de considérer comme des éléments nécessaires du contrat.
Pour que l’erreur soit essentielle au sens de l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO, il faut tout d’abord qu’elle porte sur un fait subjectivement essentiel: en se plaçant du point de vue de la partie qui était dans l’erreur, il faut que l’on puisse admettre que subjectivement son erreur l’a effectivement déterminée à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues. Il faut ensuite qu’il soit justifié de considérer le fait sur lequel porte l’erreur comme objectivement un élément essentiel du contrat: il faut que le cocontractant puisse se rendre compte, de bonne foi, que l’erreur de la victime porte sur un fait qui était objectivement de nature à la déterminer à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues. L’erreur essentielle peut notamment porter sur un fait futur.
La partie qui veut invalider le contrat doit avoir cru qu’un fait futur se produirait certainement, en ce sens qu’elle était sûre, au moment de la conclusion du contrat, qu’il se réaliserait, même si l’autre partie ne l’était pas, mais qu’il était reconnaissable pour cette dernière, au regard de la loyauté commerciale, que cette certitude constituait une condition du contrat et pas seulement une expectative, que l’erreur portait ainsi sur un élément essentiel du contrat pour son adverse partie. Des expectatives déçues, des attentes exagérées, des spéculations quant à un changement de pratique d’autorisation ne sauraient permettre d’invalider le contrat; la faculté d’invoquer l’erreur sur des faits futurs ne saurait vider de sa substance le principe selon lequel chaque partie doit supporter le risque de développements futurs inattendus.
Dans un arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/154/2020 du 11 août 2020, une employeuse soutenait avoir été induite en erreur sur le fait que l’employé gérait un portefeuille d’une valeur de USD 180 millions auprès de son précédent employeur et qu’il lui apporterait des clients représentant entre USD 50 et USD 80 millions de cette valeur dans les six premiers mois de son emploi auprès d’elle.
Concernant la première de ces affirmations, le seul fait que l’employé n’ait pas été en mesure de transférer tout ou partie du portefeuille concerné auprès de l’employeuse ne signifie par ailleurs pas que les indications données à celle-ci étaient nécessairement erronées. Dans ces conditions, c’est l’existence même d’une erreur qui n’est pas établie.
Concernant la seconde affirmation, il n’est pas contestable que le montant des actifs susceptibles d’être transférés constituait, sur le plan objectif, un élément que la loyauté commerciale permettait de tenir pour essentiel lors de l’engagement d’un gestionnaire tel que l’employé. Il convient donc de s’assurer que tel était effectivement le cas du point de vue des parties.
Comme l’a retenu le Tribunal, la Cour retient que l’on peut s’étonner toutefois de ce que l’employeuse n’ait pas fait expressément figurer dans le contrat de travail litigieux ses conditions relatives à la quantité d’actifs devant être apportés et au délai dans lequel ces actifs devaient être transférés si ces exigences revêtaient également pour elle un caractère subjectivement essentiel, comme elle le soutenait en procédure. Il est également curieux que l’employeuse n’ait pas spontanément mis un terme au contrat de travail litigieux, alors que les rapports de travail duraient depuis près de six mois, si des conditions qu’elle jugeait essentielles n’étaient pas réalisées. De telles abstentions de la part de l’employeuse font apparaître que l’apport à court terme d’une certaine masse de fonds à gérer par l’employé constituait davantage pour elle une expectative, plutôt qu’une condition essentielle du contrat. Par conséquent, l’existence d’une erreur subjectivement essentielle doit être niée pour ce motif déjà.
L’employeuse admet par ailleurs avoir soumis à l’employé un premier contrat subordonnant expressément toute rémunération à l’apport de nouveaux fonds à gérer, conformément aux conditions qu’elle imposerait à tous ses gestionnaires. Elle reconnaît cependant que l’employé n’a pas signé ce contrat et/ou que celui-ci aurait été remplacé par le contrat litigieux, lequel prévoit le paiement d’un salaire fixe plutôt que de commissions. Il faut en déduire qu’en acceptant de conclure avec l’employé ce dernier contrat, qui supprimait le lien entre les bénéfices directement générés par l’employé et la rémunération de celui-ci, l’employeuse a renoncé à faire de l’apport de fonds à court terme l’un des éléments essentiels de la relation. Pour sa part, l’employé pouvait de bonne foi considérer que cet apport, s’il était souhaité, ne constituait pas un tel élément aux yeux de l’employeuse, tant que ce contrat serait en vigueur. L’employeuse n’est dès lors pas non plus fondée à se prévaloir d’une erreur essentielle pour ce motif.
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