Droit d’auteur: Qui possède les droit des œuvres créées dans le cadre du travail?

La plupart des employeurs partent du principe que tous les résultats de travail créés par les employés leur appartiennent. La situation juridique est toutefois plus complexe en ce qui concerne les oeuvres protégées par le droit d’auteur. Nous indiquons ce à quoi il faut faire attention en matière de droits d’auteur dans les rapports de travail.

22/10/2024 De: Sara Ledergerber, André Lerch
Droit d’auteur

De quoi s’agit-il en matière de droit d’auteur? 

Indiqués, mais avec l’aide de leur collaboratrice. Est-il admissible que cette collaboratrice ne soit pas mentionnée comme auteure? Si un photographe salarié prend une photo du président américain lors d’un événement public qui est ensuite vendue à des milliers d’exemplaires sous forme de poster, à qui appartiennent les droits sur la photographie? À l’employeur du photographe ou à l’employé lui-même? Le droit d’auteur régit ce genre de questions. 

Le droit d’auteur fait partie du droit des biens immatériels. Il s’agit de la protection de la propriété intellectuelle (incorporelle). Outre le droit d’auteur qui protège les oeuvres littéraires et artistiques, le droit des brevets qui se consacre à la protection des inventions est également important dans le droit du travail. 

Quelles sont les oeuvres protégées par le droit d’auteur? 

Les oeuvres au sens du droit d’auteur sont des créations intellectuelles dans le domaine de l’art et de la littérature, les termes «art et littérature» étant définis de manière très large. Il s’agit notamment de textes littéraires de toutes sortes, du roman au traité scientifique en passant par les textes publicitaires, les oeuvres visuelles comme les photographies et les films, la musique, les oeuvres à contenu scientifique ou technique comme les dessins, les plans et les cartes, les oeuvres architecturales, etc. 

Pour qu’une oeuvre bénéficie de la protection du droit d’auteur, elle doit présenter un «caractère individuel», c’est-à-dire posséder un certain degré d’individualité ou d’originalité. La question de savoir s’il existe un tel caractère individuel doit être examinée au cas par cas. Ainsi, tous les textes rédigés par des collaborateurs ne sont pas protégés par le droit d’auteur. Il peut être parfois difficile de distinguer une oeuvre à caractère individuel d’une oeuvre indigne de protection sans caractère individuel. Le Tribunal fédéral a par exemple reconnu un caractère individuel à un « Guide Orange» (liste de produits dangereux) rédigé par des collaborateurs des pompiers de Genève. 

Que régit le droit d’auteur? 

Le droit d’auteur régit les droits personnels et les droits d’utilisation des oeuvres protégées par le droit d’auteur. Ces derniers sont transmissibles, mais pas les droits personnels d’auteur. 

En ce qui concerne les droits d’utilisation, il s’agit, pour simplifier, de déterminer qui a le droit d’exploiter une oeuvre, c’est-à-dire qui peut l’utiliser, la diffuser et la distribuer à des fins commerciales. 

Les droits personnels d’auteur sont le droit d’être nommé en tant qu’auteur et le droit à l’intégrité de l’oeuvre (protection contre la dénaturation). 

Absence de dispositions légales dans les rapports de travail 

Dans le domaine du droit des brevets, il existe des dispositions légales spécifiques qui déterminent dans quelles circonstances les inventions des collaborateurs appartiennent à l’employeur. À l’exception de la réglementation relative aux logiciels, dont les droits d’auteur reviennent à l’employeur de par la loi, le droit d’auteur ne connaît pas de telles dispositions légales pour les oeuvres créées par les collaborateurs dans le cadre des rapports de travail. 

Le droit d’auteur est régi par le principe du créateur selon lequel les droits d’auteur sur l’oeuvre reviennent en premier lieu au créateur de l’oeuvre. Ce principe va de pair avec le principe applicable par ailleurs dans le droit du travail et selon lequel le collaborateur doit remettre immédiatement à l’employeur tout ce qu’il produit dans l’exercice de son activité. 

En d’autres termes, dans le contexte d’une relation de travail, les droits d’auteur naissent d’abord chez l’employé qui crée l’oeuvre et non directement chez l’employeur. La question qui se pose alors est de savoir dans quelle mesure les droits sont transférés à l’employeur sur la base du contrat de travail existant. Si aucun accord n’a été conclu dans le contrat de travail concernant le transfert des droits d’auteur, il n’est pas clair dans quelle mesure un transfert a lieu. En principe, il convient de clarifier ce que les parties voulaient en ce qui concerne l’oeuvre concrète. Si aucune volonté concordante des parties ne peut être établie, la théorie dite du transfert de but entre en jeu.

Conseil aux employeurs
En l’absence de réglementation légale sur les droits d’auteur dans les rapports de travail, il est important pour les employeurs d’inclure dans le contrat de travail une disposition contractuelle sur le transfert des droits d’utilisation des oeuvres protégées par le droit d’auteur. Une telle réglementation est surtout recommandée pour les collaborateurs exerçant une activité créative, comme les journalistes, les graphistes, les architectes, etc.

Théorie du transfert du but 

La théorie de la cession des droits d’auteur à des fins déterminées signifie que les droits d’auteur sur une oeuvre ne sont cédés par le créateur au mandant que dans la mesure requise par le but du contrat. Pour le droit du travail, cela signifie ce qui suit: si une employée est amenée à créer une oeuvre dans l’exercice de son activité professionnelle et dans l’accomplissement de ses obligations contractuelles (oeuvres dites obligatoires ou de service), les droits d’utilisation de l’oeuvre sont transférés à l’employeur sans qu’il soit nécessaire de prévoir un accord contractuel ou une rémunération supplémentaire. Selon les circonstances, il peut toutefois y avoir des incertitudes quant à l’étendue du transfert des droits d’utilisation; en particulier, le droit de modifier/compléter l’oeuvre est également transféré. 

Si une oeuvre n’est pas créée par l’employé dans l’exercice de ses obligations contractuelles ou pendant l’exercice de ses fonctions, la situation juridique concernant les droits d’auteur n’est pas non plus claire. Une partie de la doctrine plaide pour que, dans la mesure où l’employeur aurait l’utilité d’une telle oeuvre (c’est-à-dire que celle-ci entrerait dans son champ d’activité), il existerait une obligation pour le collaborateur de céder les droits d’utilisation de l’oeuvre à l’employeur contre une indemnisation appropriée. 

Dans ce contexte, il est extrêmement important, surtout dans les rapports de travail avec des collaborateurs exerçant une activité créative comme les journalistes, les graphistes, les architectes, etc. d’inclure dans le contrat de travail une réglementation contractuelle concernant le transfert des droits d’auteur. 

Droit d’être cité comme auteur 

Pour revenir à la question posée en introduction, il convient de retenir ce qui suit: si une collaboratrice des deux avocats cités comme auteurs avait effectivement co-rédigé le présent texte, les droits d’utilisation de ce texte auraient certes été transférés aux auteurs en raison de leur qualité d’employeur. À cet égard, le droit d’être nommée comme co-auteure serait resté à la collaboratrice. En invoquant l’art. 9 al. 1 de la loi sur le droit d’auteur, la collaboratrice pourrait donc exiger d’être citée comme co-auteure.

Décision Bob Marley II 

Le deuxième exemple de la photo d’un président américain s’inspire du cas judiciaire connu en Suisse sous le nom de «Bob Marley II» et basé sur les faits suivants. 

Le photographe salarié M. Messerli a pris une photo de Bob Marley lors d’un concert à Santa Barbara en Californie. La photo a ensuite été reprise par de l’employeur du photographe pour un reportage sur le musicien à l’occasion de son décès. Des années plus tard, l’employeur a été racheté par une autre société qui a utilisé avec succès la photo de Bob Marley conservée dans les archives pour la production de posters. Par la suite, le photographe a fait valoir que les droits d’utilisation de la photo lui appartenaient étant donné qu’il avait pris la photo pendant son temps libre et pas dans l’exercice de ses fonctions pour son employeur de l’époque. Le tribunal a finalement pu laisser en suspens la question de savoir si la photo avait été prise pendant le temps libre ou dans l’exercice des obligations contractuelles, car il a estimé que le photographe avait transféré tous les droits d’utilisation de l’image à l’employeur en remettant la photo sans réserve aux archives de l’employeur. 

Pour l’exemple cité en introduction, cela signifie qu’il faut d’abord clarifier dans quel cadre la photo a été prise. Si la photo n’a pas été prise explicitement dans l’exercice de l’activité professionnelle, la situation juridique reste floue en l’absence d’une réglementation contractuelle claire des droits d’auteur.

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