Planification de la prévoyance: De nouvelles voies pour la jeune génération en Suisse

Les jeunes Suisses sont confrontés à un dilemme en ce qui concerne leur prévoyance: malgré leurs connaissances financières, ils hésitent à se lancer dans la prévoyance vieillesse et les investissements privés. Des entreprises innovantes sont désormais requises pour vaincre cette réticence et convaincre la jeune génération d’opter pour une planification active en matière de prévoyance.

23/07/2024 De: Luca Bornhauser, Silvia Kljajic-Canale
Planification de la prévoyance

Prévoir ou manquer le coche: les jeunes Suisses et le dilemme de la prévoyance vieillesse

Le système traditionnel des trois piliers est, en Suisse, confronté à de nouveaux défis lorsqu’il s’agit de convaincre la jeune génération d’opter pour la prévoyance vieillesse privée. Il existe une nette lacune dans la conscience des jeunes Suisses quant à la nécessité de commencer tôt à se constituer une prévoyance privée. Malgré un taux de connaissances financières relativement élevées chez les jeunes Suisses, de récentes études montrent une réticence certaine à investir en ce domaine. Ce comportement est souvent marqué par la peur de pertes financières, le manque de confiance ou un certain désintérêt. Ce phénomène est encore renforcé par l’environnement actuel des taux d’intérêt, les incertitudes globales et le scepticisme général vis-à-vis de la place financière. Les jeunes Suisses ont donc tendance, lorsqu’ils cherchent une solution de prévoyance, à adopter un comportement d’épargne plus conservateur.

Le rôle des entreprises dans le contexte de la prévoyance privée peut être décisif et se voit souvent sous-estimé. Actuellement, la promotion et la transmission des connaissances relatives au troisième pilier sont principalement entre les mains du secteur privé. Les banques et les assurances, principaux protagonistes en ce domaine, doivent relever la gageure de ne pas uniquement vendre des produits, mais aussi d’effectuer un travail de formation en la matière. Cette nécessité est d’autant plus pressante que le système éducatif suisse n’aborde que rarement le thème de la prévoyance privée et, lorsqu’il le fait, sans la profondeur requise. Une communication efficace et la capacité d’aller chercher les jeunes là où ils se trouvent - en particulier à une époque où les possessions matérielles et la comparaison de ces dernières via les médias sociaux déterminent de plus en plus leur sentiment d’estime de soi - deviennent une tâche centrale des fournisseurs de solutions de prévoyance, mais aussi des entreprises dans leur rôle d’employeur.

Compte tenu des changements démographiques et de la baisse du taux d’activité, la Suisse doit non seulement relever le défi de sensibiliser les jeunes à l’importance de la prévoyance vieillesse, mais aussi leur montrer comment assurer au mieux leur retraite malgré leurs tendances consuméristes et le scepticisme qu’ils affichent à l’égard du système financier actuel. Pour combler ce fossé, il faut adopter des approches innovantes en matière d’éducation et de communication financières dépassant de loin les méthodes traditionnelles et s’adressant aux besoins et aux préoccupations spécifiques de la jeune génération.

Dans ce contexte, les entreprises doivent développer des stratégies innovantes afin d’atteindre la jeune génération, de la motiver à investir dans son avenir financier. Il ne s’agit pas seulement de transmettre une somme de connaissances, mais aussi d’instaurer un climat de confiance et de promouvoir une culture de la prévoyance financière allant au-delà de la simple épargne. Toute culture de prévoyance financière se caractérise par l’épargne, l’investissement et la planification consciente et systématique des ressources financières en vue de garantir sécurité et prospérité à long terme. Les entreprises doivent s’interroger sur la manière d’adresser des messages efficaces et bien pensés pour répondre aux préoccupations et aux réalités spécifiques des jeunes Suisses.

À une époque où la sécurité financière des personnes âgées devient de plus en plus incertaine en raison de changements démographiques palpables et d’un avenir économique flou, il est essentiel que les jeunes comprennent l’importance de commencer à planifier leur retraite à un stade précoce.

Aperçu des résultats des recherches actuelles

L’étude réalisée offre un aperçu révélateur du comportement des jeunes Suisses en matière de prévoyance. Les jeunes Suisses sont de plus en plus conscients de l’importance de la prévoyance privée, mais ils ont également identifié un certain nombre d’obstacles et d’incertitudes qu’ils doivent surmonter en vue d’assurer leur sécurité financière à la retraite.

L’un des principaux résultats obtenus est que les jeunes Helvètes disposent certes de connaissances financières élevées mais qu’ils ne les transforment pas nécessairement en une planification active et ciblée de leur prévoyance. Si environ trois quarts des participants ont un niveau élevé de connaissances en matière de prévoyance et de connaissances financières, seule une petite moitié des personnes interrogées prend activement des mesures de prévoyance privée. Bien que la conscience de la nécessité d’une prévoyance privée complémentaire et bien que les connaissances correspondantes soient présentes, des facteurs tels que la complexité ressentie en matière de produits financiers, la méfiance à l’égard des institutions financières, le manque d’intérêt pour le sujet, le souhait d’un conseil neutre et une incertitude générale quant à leur propre avenir financier font que de nombreux jeunes adultes hésitent à entreprendre des démarches concrètes. Cet écart entre la théorie et la pratique indique qu’il existe une lacune qui doit être comblée par des stratégies appropriées afin d’encourager une planification de la prévoyance.

La recherche montre également que l’inclinaison à se constituer une prévoyance privée dépend fortement de la situation de vie individuelle, du niveau de formation et du revenu. La planification de la prévoyance augmente avec l’âge, à titre d’exemple. De plus, certaines différences entre les sexes ont été identifiées, les hommes ayant tendance à être mieux informés que les femmes. De manière surprenante, les gymnasiens se situent au bas de l’échelle de la planification de la prévoyance, par exemple par rapport aux apprentis en formation professionnelle pratique, ce qui pourrait indiquer un manque d’information dans le système éducatif. En revanche, l’activité professionnelle, un revenu ainsi qu’un degré de formation plus élevés sont en corrélation positive avec une réflexion plus active sur les thèmes de la prévoyance et une probabilité plus élevée de prendre des mesures de prévoyance supplémentaires. Il est évident que l’expérience pratique et les ressources financières à disposition jouent ici un rôle important. Un autre aspect majeur est un changement dans la conception du travail et de la carrière chez les jeunes actifs. Des carrières plus flexibles, des changements d’emploi plus fréquents et des phases d’indépendance de plus en plus communes exigent de nouveaux modèles de prévoyance qui tiennent compte de cette nouvelle réalité du travail. Les systèmes de prévoyance traditionnels et rigides ne correspondent souvent plus aux besoins et aux attentes des jeunes générations, qui recherchent des solutions plus flexibles et plus individualisées.

Ces conclusions ont un impact non négligeable pour les entreprises. Il apparaît clairement que les employeurs peuvent jouer un rôle clé dans la promotion de la prise de conscience et du comportement à adopter en matière de prévoyance. En mettant à disposition des informations ciblées, en soutenant les mesures de planification et en adaptant les offres de prévoyance d’entreprise aux besoins des jeunes travailleurs, les entreprises sont en mesure d’apporter une contribution essentielle à la sécurité financière de leurs collaborateurs tout en augmentant leur attractivité en tant qu’employeur.

Recommandations d’action stratégique

Les résultats forensiques obtenus permettent de formuler certaines recommandations concrètes pour les entreprises dans leur rôle d’employeur. Ces recommandations doivent aider les entreprises à promouvoir une culture de la prévoyance financière et à répondre aux besoins de tous leurs collaborateurs, y compris ceux de la jeune génération.

Promouvoir la sensibilisation et la formation

Les entreprises devraient proposer régulièrement des programmes d’information et de formation abordant le thème de la prévoyance privée. Cela peut inclure des ateliers, des séminaires, des cours en ligne et d’autres mesures similaires. Ceux-ci devraient avoir pour objectif de sensibiliser les intéressés à l’importance de la prévoyance privée et de fournir aux collaborateurs des informations sur les différentes possibilités concrètement envisageables en matière de prévoyance. Une attention particulière devrait être accordée à la transmission de connaissances concernant des modèles de prévoyance flexibles, adaptés aux différents parcours de vie et de carrière des jeunes actifs. En fournissant des informations pertinentes et pratiques, les entreprises peuvent contribuer à réduire la complexité du sujet et à faciliter l’accès des jeunes à la planification de leur propre prévoyance.

Proposer un conseil individuel

Pour répondre aux besoins individuels et aux différentes situations financières de leurs collaborateurs et à leur besoin de conseils indépendants, les entreprises peuvent proposer des conseils de prévoyance individuels. Grâce à des entretiens individuels menés par des experts en prévoyance, les collaborateurs peuvent analyser leur situation personnelle en matière de prévoyance et développer des plans sur mesure. Grâce à ce type de soutien ciblé, les entreprises sont à même d’encourager leurs collaborateurs à prendre des mesures ciblées dans leur planification et de les aider à surmonter leurs inquiétudes et réticences.

Intégrer des modèles de prévoyance flexibles

Les entreprises devraient repenser la manière dont elles organisent leur prévoyance d’entreprise et envisager des modèles plus flexibles qui correspondent à la diversité des parcours professionnels des jeunes. Il s’agit par exemple de solutions qui permettent aux collaborateurs de prendre en compte le travail à temps partiel et diverses phases d’indépendance. Flexibiliser ainsi les offres de prévoyance permet d’attirer les jeunes talents et de les aider à assurer leur sécurité financière à long terme.

Faire de la prévoyance un élément de la culture d’entreprise

Les entreprises devraient également promouvoir une culture de la responsabilité financière et de la prévoyance qui fasse partie intégrante des valeurs qui sont les leurs. Cela peut se faire par une communication régulière via des canaux internes, l’intégration de thèmes de prévoyance dans les entretiens avec les collaborateurs et en reconnaissant les efforts individuels fournis en matière de prévoyance. Cela permettra de motiver davantage les collaborateurs à se préoccuper concrètement de leur avenir financier.

Mettre à profit différents partenariats et coopérations

Afin d’être en mesure de proposer un large éventail de solutions de prévoyance, les entreprises peuvent conclure différents partenariats avec divers prestataires de services financiers. En mettant en place de telles coopérations, celles-ci peuvent offrir à leurs collaborateurs des conditions attrayantes et des produits de prévoyance innovants. Un tel procédé permet entre autres de s’assurer que les solutions proposées sont spécialement adaptées aux besoins des jeunes. En collaborant avec les experts de ce secteur, l’entreprise elle-même et ses collaborateurs peuvent profiter d’un savoir-faire et de conseils précieux.

Feedback et contrôle des résultats

Enfin, il est important que les entreprises demandent régulièrement un feedback à leurs collaborateurs afin d’évaluer l’efficacité et la bonne réception des mesures de prévoyance mises en place. Un tel procédé permet en effet d’adapter et d’améliorer continuellement les stratégies mises en place.

En résumé

Un niveau élevé de connaissances financières et de prévoyance ne conduit pas nécessairement à une planification active de la prévoyance. Malgré le fait que la majorité des personnes interrogées disposent de connaissances étendues en matière financière, moins de la moitié d’entre elles prennent des mesures concrètes de prévoyance privée. Une combinaison de transmission ciblée des connaissances, l’instauration d’un climat de confiance et la prise en compte des circonstances de vie individuelles se révèle être décisive afin de sensibiliser la prochaine génération à l’importance de la planification de la prévoyance et afin d’initier ce processus.

Du point de vue de l’entreprise, une planification active et stratégique de la prévoyance n’est pas seulement un investissement dans la sécurité financière des collaborateurs, mais aussi un facteur décisif pour le développement à long terme d’une entreprise et la fidélisation de ses collaborateurs.

A propos de l’étude: Les résultats se basent sur une enquête quantitative menée auprès de 129 participants de l’espace germanophone, avec un accent sur les adolescents et jeunes adultes suisses. L’étude, intitulée «La prévoyance privée en mutation: une analyse de la planification de la prévoyance des jeunes dans la prévoyance privée pilier 3a» a été réalisée dans le cadre de la thèse de bachelor de Luca Bornhauser dans la filière de bachelor BSc économie d’entreprise en cours d’emploi de la Fernfachhochschule Schweiz (FFHS).

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