Assurance perte de gain: À quoi l’employeur doit-il veiller?
Aides de travail appropriées
L’art. 324a al. 4 CO aménage toutefois la possibilité pour les parties, de convenir d’un régime dérogatoire. Pour être valable, les conditions suivantes doivent être réunies:
- Exigence de forme: l’accord doit être intégré dans un contrat-type de travail, une CCT ou être convenu par écrit. Il s’agit d’une forme écrite qualifiée, de sorte que l’ensemble des points essentiels doivent être indiqués (notamment pourcentage du salaire assuré, risques couverts, durée des prestations, modalités de financement des primes, délai d’attente);
- Prestations équivalentes: le Tribunal fédéral admet que le régime conventionnel dérogatoire peut être considéré équivalent dès lors que l’employeur a contracté une assurance maladie perte de gain qui couvre au moins le 80% du salaire pendant une durée de 720 jours, dont les primes sont prises en charge par moitié par l’employeur. Un délai de carence de 2 à 3 jours est admis.
La conclusion par l’employeur d’une assurance maladie perte de gain offrant des prestations équivalentes et le respect par l’employeur de ses obligations envers l’assureur entraîne sa libération de toute obligation envers le collaborateur.
Le contrat d’assurance maladie perte de gain est conclu entre l’assureur et l’employeur. Le collaborateur n’est pas partie au contrat de sorte que l’accord intervenu et les conditions générales ne le lient pas. L’employeur doit donc correctement informer le collaborateur de ses droits et obligations de manière à éviter de se retrouver dans une situation où, en cas de refus de l’assureur de prester, l’employeur doive se suppléer.
L’obligation d’information
Aux termes de l’art. 331 al. 4 CO, l’employeur donne au travailleur les renseignements nécessaires sur ses droits envers une institution de prévoyance professionnelle ou en faveur du personnel ou envers un assureur. Cette disposition prévoit un devoir d’information de l’employeur envers ses collaborateurs de manière à ce que ceux-ci puissent préserver leurs droits (CHRISTIANE BRUNNER ET AL., Commentaire du contrat de travail, 3ème éd. 2004, no 8 ad. art. 331 CO).
Le défaut d’information peut entraîner une obligation pour l’employeur de se substituer à l’assurance perte de gain et ce même après la fin du contrat de travail ce qui peut engendrer des coûts considérables.
A titre exemplatif, dans l’arrêt 4A.186/2010 du 3 juin 2010, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d’un employeur au versement d’un montant de CHF 48 482.80 représentant le montant des indemnités journalières perte de gain que le collaborateur aurait dû recevoir de l’assurance maladie perte de gain après la fin du contrat de travail.
Dans cette affaire, l’employeur avait conclu une assurance maladie perte de gain prévoyant le paiement d’une indemnité journalière correspondant au 93% du gain journalier, versée durant 730 jours sous déduction d’un délai d’attente de 90 jours. Les conditions générales d’assurance prévoyaient en outre que la personne assurée a le droit de continuer l’assurance à titre individuel, notamment lorsque la convention d’assurance cesse en raison de la fin des rapports de travail. Ce droit doit être exercé sous peine de déchéance par écrit dans les 30 jours qui suivent l’extinction du contrat ou la sortie du cercle des personnes assurées.
Le collaborateur s’est trouvé en incapacité de travail dès le 31 octobre 2003. Son contrat a été résilié par l’employeur le 28 avril 2004 pour le 30 juin 2004.
Par courrier du 29 avril 2004, l’employeur informait le collaborateur de la possibilité qui lui était offerte de s’affilier à titre individuel auprès de l’assureur collectif de l’employeur. Le collaborateur a fait valoir son droit de libre passage le 29 août uniquement, de sorte qu’il a été refusé pour cause de tardiveté.
Le collaborateur a ouvert action contre l’employeur pour violation de l’art. 331 al. 4 CO considérant que l’employeur avait omis d’indiquer le délai dans lequel la demande d’affiliation à titre individuel devait être retournée.
Le Tribunal fédéral a donné raison au collaborateur. En substance, le Tribunal fédéral a rappelé que le régime ordinaire de l’assurance pour perte de gain en cas de maladie régie par la LCA est le versement des prestations jusqu’à épuisement de celles-ci lorsque le sinistre est survenu durant la période de couverture. Il est toutefois possible de déroger à ce régime par l’adoption d’un régime particulier prévoyant la cessation du paiement des indemnités d’assurance à la fin des rapports de travail (cf. aussi ATF 127 III 106 consid. 3b). Le travailleur doit toutefois pouvoir faire valoir un droit de libre passage, pour ce faire, il doit impérativement agir dans un certain délai.
En l’espèce, le collaborateur n’avait pas été informé du fait que l’assurance choisie par l’employeur dérogeait au régime ordinaire de la LCA et, partant, que le versement des indemnités cesserait à l’expiration du contrat de travail. L’employeur se devait d’informer correctement et complètement le collaborateur sur ces faits et sur les délais dans lesquels il devait agir. Ne l’ayant pas fait, l’employeur a failli à ses obligations contractuelles et se doit donc d’indemniser le collaborateur pour le dommage subi.
Omission de conclure une assurance
Si l’employeur omet de conclure l’assurance prévue contractuellement, par CCT ou par contrat-type de travail, il s’expose au risque de devoir se substituer à l’assurance maladie perte de gain en cas d’incapacité de travail. A titre exemplatif, si l’employeur promet sans restriction, de conclure une assurance perte de gain pour une durée de 720 jours, il devra indemniser le collaborateur durant cette durée et ce nonobstant la fin du contrat de travail. En effet, dans ce cas, le collaborateur peut, de bonne foi, conclure que la couverture d’assurance ne dépend pas du maintien des rapports de travail.
Il est très important de rédiger de manière adéquate la clause dérogatoire de manière à ce que l’employeur ne promette pas par le contrat de travail davantage que ce qui est prévu dans les conditions générales d’assurances.
Violation par l’employeur de ses obligations contractuelles vis-à-vis de l’assurance
Si l’employeur omet de respecter les obligations contractuelles prévues dans les CGA et que, pour ce motif, l’assurance refuse de prester ou réduit ses prestations, l’employeur pourrait devoir se substituer à l’assurance.
Tel sera par exemple le cas si l’employeur:
- assure les collaborateurs pour un salaire trop bas,
- oublie d’annoncer un collaborateur ou
- ne paie pas les primes.
Collaborateur exclu de la couverture d’assurance
Si le collaborateur est exclu de la couverture d’assurance selon les conditions générales d’assurances, on peut considérer que la conclusion d’un contrat d’assurance était impossible et, en conséquence, que l’employeur n’a pas agi fautivement, de sorte que le régime légal de base trouve application. Il convient toutefois de préciser que l’employeur devra démontrer qu’aucun assureur n’aurait couvert ce risque, moyen de preuve admis restrictivement par le Tribunal fédéral.
Il est également fréquent que certains risques soient exclus de la couverture d’assurance. L’employeur doit impérativement rendre attentif le collaborateur de ces exclusions, à défaut, il pourra être tenu pour responsable et devra indemniser le collaborateur pour les prestations non versées par l’assurance.
Si l’employeur n’a rien prévu dans le contrat de travail et n’a pas rendu attentif le collaborateur, l’on ne peut exclure le risque qu’il doive se substituer à l’assurance.
Assurance perte de gain: conclusion
- Il ressort de ce qui précède que, lorsque l’employeur conclut une assurance maladie perte de gain au profit des collaborateurs, il a un devoir d’information accru à leur égard.
- Il est également primordial que l’employeur rédige le contrat de travail de manière à ne pas promettre davantage que les prestations versées par l’assurance. Si tel est le cas, il risque de devoir se substituer à l’assurance dans le versement des prestations.
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Il est également important que l’employeur informe correctement et de façon complète le collaborateur sur:
- son droit au libre passage en cas de résiliation du contrat de travail,
- le délai qui lui est imparti pour se faire et,
- si le collaborateur est incapable de travailler à la fin des rapports contractuels, sur l’éventuelle fin du droit aux prestations en raison de la fin des rapports de travail.
- Il est également impératif que le collaborateur ait pu prendre connaissance des conditions générales d’assurance applicables.