Télétravail à l’étranger: Conséquences pour les assurances sociales et la fiscalité

Le télétravail demeure un sujet majeur en tant que forme de travail. Il existe de nombreux aspects à prendre en compte comme la protection des données ou l'indemnisation des collaborateurs et l'organisation d'exploitation en tant que telle. Cet article précise les questions portant sur le télétravail à l'étranger, diverses pierres d'achoppement devant être prises en considération en matière fiscale et de technique d'assurances sociales.

06/03/2025 De: Cyrill Habegger
Télétravail à l’étranger

Les concepts de «Home Office», «remote work» et assimilés existent depuis longtemps. Mais de nombreuses entreprises préfèrent que leurs collaborateurs se retrouvent au même lieu de travail et y accomplissent leurs tâches. Lorsque le Conseil fédéral a décrété, pendant la pandémie de covid, qu'il fallait travailler en Home Office et que le télétravail a même été rendu obligatoire par la suite, les entreprises et leur département RH ont dû se confronter définitivement à cette thématique.

À la fin de la pandémie, les postes de travail à domicile étaient bien équipés, l'infrastructure informatique et les autres fonctionnent et les entreprises comme les collaborateurs ont constaté que le télétravail présentait certains avantages. Il n'est donc pas étonnant que de nombreuses entreprises veuillent continuer à proposer le télétravail. Pour les départements RH, cela signifie de clarifier différents points et quelques aspects supplémentaires au cas où les collaborateurs accomplissent leur travail depuis un bureau à domicile situé à l'étranger.

Les grandes pierres d’achoppement en cas de télétravail à l’étranger

Les principales difficultés qui attendent ceux qui permettent aux collaborateurs de travailler à domicile depuis l'étranger concernent les domaines des impôts et des assurances sociales. Si on arrive à y faire face en termes logistiques et contractuels, il est difficile de garantir que les impôts et les assurances sociales seront décomptés correctement. Où se situe le problème ?

Assurances sociales

Dans le domaine des assurances sociales, la situation est réglementée «simplement», en tout cas si l'activité se situe en télétravail dans l'UE/AELE: si l'on travaille «principalement», c'est-à-dire 25% et plus dans un État de résidence, quel que soit le siège de l'entreprise. Voir également la table relative aux règles d'assujettissement selon l'ordonnance UE 883/2004.

Autrement dit, si une collaboratrice qui travaille à 100% passe en moyenne 2 jours par semaine en télétravail en France et 3 jours au siège de l'employeur en Suisse, il faut décompter les assurances sociales en France dans son État de domicile. En dehors des frais administratifs, cela est relativement coûteux du fait des cotisations élevées prélevées par le système français d'assurances sociales. Il en va de manière analogue pour les autres États de l'UE/AELE: si les collaborateurs y effectuent leurs travaux, le risque, en tant qu'employeur suisse, est de devoir y décompter les assurances sociales.1

Quiconque planifie autoriser le télétravail sur une plus longue période devrait fixer de manière anticipée les règles applicables. Le fait de recevoir tout à coup une lettre des assurances sociales françaises (URSSAF) indiquant qu'on ne décompte pas correctement en France plusieurs collaborateurs n'est pas forcément la chose que l'on souhaite voir se produire.

Même par rapport aux pays en dehors de l'UE/AELE, ce point doit rester présent à l'esprit. Typiquement, des assurances sociales sont dues dans l'État de l'activité, ce qui fait que l'employeur suisse doit décompter, le cas échéant, dans les États dans lesquels ses collaborateurs travaillent en Home Office ou même depuis leur résidence secondaire.

«Grâce» au COVID, ces règles d'assujettissement ont été quelque peu assouplies depuis le 1er juillet 2023. La Suisse et certains États de l'UE et de l'AELE ont signé un accord multilatéral.

L'accord prévoit que les personnes qui travaillent dans l'État où se trouve également le siège de leur employeur peuvent effectuer jusqu'à 50% de télétravail transfrontalier (maximum 49,9% du temps de travail) dans leur État de résidence, principalement en utilisant des moyens informatiques, et que la compétence pour les assurances sociales reste dans l'État du siège de l'employeur. Cette exception n'est applicable qu'aux situations concernant deux États qui ont signé l'accord.2 La Suisse et tous les pays voisins ont signé l'accord. Par conséquent, la collaboratrice de l'exemple précédent, bien qu'elle travaille plus de 25% mais moins de 50% en télétravail en France, pourrait désormais – sur demande – être également affiliée à l'assurance sociale suisse.

Impôts

En dehors des assurances sociales, les impôts constituent également une grande thématique en matière de travail à l'étranger. Pour simplifier, la règle de base est que si l'on habite à l'étranger, mais que l'on travaille pour un employeur suisse, on doit verser ici l'impôt anticipé. Si et quand l'impôt est aussi dû ans un autre État n'est généralement pas le problème de l'employeur suisse. Il existe certaines exceptions sur la base de dispositions spécifiques concernant les frontaliers.

Mais, si de telles personnes ne viennent plus travailler en Suisse respectivement seulement dans une étendue réduite, le droit d'imposition se déplace de plus en plus vers l'État de résidence. La Suisse ne dispose alors plus, par principe, que d'un droit d'imposition sur les jours qui sont encore travaillés en Suisse. Ce qui peut déboucher sur une multiple charge pour les collaborateurs. En outre, il existe de nombreux États qui prévoient que les employeurs étrangers doivent retenir l'impôt à la source s'ils occupent du personnel qui est résident dans cet État et donc qui y est imposable. Cela peut signifier, pour un employeur suisse, de devoir décompter des impôts en Suisse et à l'étranger pour ces collaborateurs et requérir encore un représentant à l'étranger.

En ce qui concerne les pays voisins, il faut également tenir compte des «accords amiables», qui apportent constamment des changements pour les frontaliers et leurs employeurs. Il convient certainement de mentionner ici l'accord avec la France, car celui-ci prévoit un échange de données qui exige des employeurs une attestation détaillée. Les entreprises employant des frontaliers français sont bien avisées de garder ces sujets à l'esprit.

Rien que ces aspects ne sont pas faciles à manipuler et comportent des risques pour l'employeur. On peut imaginer qu'un employé soit accidenté pendant son télétravail à l'étranger dans une mesure telle que des prestations d'invalidité lui sont dues. Si l'AVS constate que ce collaborateur ne travaillait qu'à l'étranger et donc qu'il ne relevait pas du système suisse d'assurances sociales, elle pourrait refuser ses prestations. Simultanément, une assurance sociale étrangère peut refuser d'assurer un collaborateur accidenté (sous forme rétroactive). Dans le pire des cas, c'est l'employeur qui devra financer lui-même des prestations élevées étant donné que cette assurance est prévue dans le contrat de travail.

Outre les impôts et les assurances sociales, il existe encore bien d'autres aspects à prendre en compte lorsque l'on veut autoriser les collaborateurs à télétravailler depuis l'étranger.

ThèmeRéflexions
Impôts/assurances socialesIl faut s'assurer de la retenue correcte des impôts dans l'État correspondant. Vous trouverez plus de détails à ce sujet dans le texte. En outre, il faut prendre compte du risque de filiale d'exploitation, c'est-à-dire que l'entreprise peut être rendue responsable d'impôts sur le bénéfice à l'étranger
Droit du travailSi les collaborateurs travaillent principalement ou presque exclusivement en télétravail, il faut respecter le droit local du travail et cela créera un for au lieu usuel de travail des collaborateurs
Convention collective de travail (CCT)S'il existe une CCT ou même une CCT à force obligatoire, il faut vérifier si toutes les exigences peuvent être satisfaites lorsque les collaborateurs travaillent principalement à l'étranger en télétravail. Une pierre d'achoppement est justement ici l'assurance indemnités journalières en cas de maladie

Organisation du travail, durée du travail

«Surveillance» des collaborateurs

D'une manière générale, le thème de la saisie du temps de travail et des heures supplémentaires/insuffisance d'horaire en télétravail doit être gardé à l'esprit. Lorsque les collaborateurs travaillent en télétravail, le contrôle devient un peu plus difficile. Si les distances sont plus grandes, l'aspect du décalage horaire peut s'y ajouter sous forme de complication
Protection des donnéesUn thème éminemment important: si les collaborateurs basés à l'étranger accèdent à des données de l'entreprise et des clients, le thème de la protection des données doit se voir accorder une attention toute spécifique. Même du côté de l'informatique, il est important de réfléchir sur ses réseaux domestiques ou sur une imprimante (WLAN) privée. Ce sont ici typiquement des maillons faibles que les Hackers peuvent utiliser pour lancer leurs attaques
AssurancesL'assurance accidents professionnels, l'assurance accidents non-professionnels, l'assurance indemnités journalières en cas de maladie et les autres assurances doivent aussi être prises en compte en cas de télétravail (étranger). Le cas échéant, des adaptations sont nécessaires. La situation est encore plus complexe lorsque les collaborateurs qui travaillent depuis l'étranger ne sont plus soumis au système suisse d'assurances sociales, car d'autres assurances doivent être souscrites. Même la caisse d'assurance maladie ne peut être ignorée ici
Règlement de télétravail/contrat de travail (supplément au contrat)Il est recommandé de créer des règles claires sur qui, où, dans quelle mesure peut (ou pas) exercer en télétravail. Les points suivants peuvent par exemple être régis dans un tel règlement
Droit ou obligation de télétravaillerIl existe des différences, dans de nombreux domaines, quant à savoir si l'activité en Home Office est enjointe ou si cela découle de la demande du collaborateur. Les règles correspondantes doivent être respectées
Indemnisation, fraisLa question de savoir dans quelle mesure les collaborateurs en Home Office (doivent être) sont indemnisés de façon complémentaire et si l'indemnisation est considérée comme un revenu imposable ou comme un remboursement de frais est déjà délicat à trancher en cas de télétravail en Suisse. Une mention dans le règlement des frais pour le télétravail ou en cas de libération est recommandée. En ce qui concerne les collaborateurs en télétravail à l'étranger, les règles locales doivent en outre y être ajoutées

Notes de bas de page

1) Il faut noter ici que l'ordonnance de l'UE 883/2004 n'est valable que pour les ressortissants de l'UE et les Suisses, les règles pour les États tiers pouvant diverger. Il en va de même en ce qui concerne les conventions entre les États de l'AELE

2) Informations actuelles concernant cet "Accord-cadre": (Implications du télétravail/travail à domicile sur la sécurité sociale dans un contexte international).

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