Culture de l'erreur: Un instrument de gestion

Dans le monde des affaires d'aujourd'hui, pour le moins mouvant, il est essentiel d’instaurer une culture qui accepte les erreurs et en tire des enseignements. L'époque actuelle exige en effet une culture qui ne se voile pas la face quand on commet des erreurs, et qui ne se contente pas de croire que les chefs ou les experts doivent tout savoir et qui évite de parler des échecs. Les informations en temps réel et le feedback des clients sont indispensables dans ce contexte, et ignorer les erreurs peut être dangereux alors que le marché évolue rapidement. Le partage et l'échange ouverts des enseignements tirés des erreurs sont donc indispensables à l'amélioration continue et à l'adaptabilité.

12/08/2024 De: Romeo Ruh
Culture de l'erreur

Considérons par exemple l'approche du leadership «ambidextre» à travers l'exemple de Porsche Motorsport1. Cette approche reconnaît que différents degrés d'acceptation de l'erreur sont nécessaires dans différentes situations de leadership:

Gestion orientée vers les résultats (sur le circuit): Dans le monde risqué de la course automobile, la précision est la priorité absolue. Les dirigeants se concentrent donc sur la prévention des erreurs et le respect des règles, condition sine qua non pour garantir l'efficacité, la qualité et la sécurité. Il est indispensable ici que les rôles de direction soient clairement définis clairs et qu’il y ait un feedback direct. L'accent est mis sur la réalisation des objectifs et le résultat souhaité, le suivi de la réalisation des objectifs, l'établissement de processus routiniers ainsi que la promotion de la discipline et la conscience de l’importance de la qualité.

Gestion exploratoire (développement d’un véhicule): Les «projets» innovants tels que le développement de nouveaux véhicules nécessitent une approche différente. Il est essentiel dans ce cas de responsabiliser les équipes, de leur laisser une bonne marge de manoeuvre et de développer leurs compétences. Établir une culture qui favorise l’expérimentation et l'ouverture encourage la créativité et la volonté de tester de nouvelles solutions. On montrera donc ici l'exemple d'un leadership partagé et on créera une culture de tolérance à l'erreur et d'apprentissage.

Les types de leadership et les exigences varieront selon les contextes. Alors que les environnements axés sur les résultats, comme les circuits de course, mettent l'accent sur la précision, l'efficacité et la sécurité, les projets innovants, comme le développement de nouveaux véhicules, nécessitent un leadership exploratoire caractérisé par l'ouverture, la créativité et l'acceptation des erreurs.

Ces différentes approches de la gestion montrent clairement qu’à chaque situation correspond une solution spécifique. Pas de solution unique donc et nécessité de développer une culture de l'erreur agile, qui permet de s'adapter à différents contextes. Dans le monde aussi disruptif qu’est celui des affaires, une telle culture offre des avantages considérables:

Promotion de l’innovation: elle crée un environnement dans lequel les collaborateurs sont encouragés à explorer de nouvelles idées, même si le succès n'est pas garanti.

Accélération de l’adaptation: elle permet aux organisations d'apprendre rapidement et de s'adapter efficacement à l'évolution des conditions.

Amélioration de la sécurité psychologique: elle encourage une communication ouverte et permet aux collaborateurs d'exprimer leurs idées et leurs préoccupations sans crainte de conséquences négatives.

Promotion de l’amélioration continue: elle apprend rapidement de ses erreurs et permet d'améliorer constamment la collaboration, les processus, les produits et les méthodes de travail.

Les différents niveaux de la culture de l’erreur

Une culture de l'erreur efficace repose sur trois niveaux: l'organisation, l'équipe et l'individu. Chaque niveau contribue à sa manière au développement et à la promotion de cette culture. 

Niveau de l’organisation: Ce niveau est défini par la raison d'être de l'entreprise, les valeurs, les attitudes et la vision. Les organisations qui considèrent les erreurs comme faisant partie du processus de croissance favorisent un environnement qui fait la part belle à l’apprentissage continu. La vision et l'apprentissage jouent un rôle crucial à cet égard, puisqu’elles renforcent les valeurs et les comportements qui soutiennent une culture positive de l'erreur.

Niveau de l’équipe: Au niveau de l'équipe, la sécurité psychologique, les mécanismes de feedback, la transparence et l'amélioration continue sont essentiels. Une culture dans laquelle les membres de l'équipe en question peuvent échanger des idées et apprendre en toute sécurité est favorisée par ces facteurs. La sécurité psychologique, qui renforce la confiance et l'ouverture au sein de l'équipe, est particulièrement importante à cet égard. En outre, une forte centration sur le client et la création continue de valeur qui en découle contribuent à l'efficacité et à l'efficience des équipes.

Niveau de l’individu: Des aspects tels que la personnalité, l'attitude, le vécu, l'éducation, les expériences et les capacités marquent la culture de l'erreur au niveau individuel. L'attitude personnelle face à l'erreur est déterminante dans ce cas. Les individus qui considèrent les erreurs comme autant d’opportunités d'apprendre contribuent activement à une culture de l'erreur ouverte et enrichissante. Leurs antécédents et leurs compétences uniques renforcent les connaissances collectives et favorisent la capacité d'adaptation de l'organisation.

L'intégration de ces niveaux permet de créer une culture globale de l'erreur qui agit à tous les niveaux de l'entreprise et constitue le fondement d'une réussite durable et d'une amélioration continue. Pour favoriser la sécurité psychologique, il existe des outils spécifiques qui peuvent être utilisés en continu dans la collaboration quotidienne, à savoir:

Au-delà du leadership: Il s’agit ici d’une méthode de développement d'équipe innovante qui vise à promouvoir la confiance, à approfondir la connaissance mutuelle et à créer une orientation commune. Cette méthode s'appuie sur des ateliers, des exercices interactifs et des séances de réflexion organisées régulièrement en vue de renforcer la dynamique d'équipe et développer une profonde compréhension mutuelle. Des mesures ciblées permettent de créer une atmosphère dans laquelle les membres de l'équipe se sentent en sécurité et soutenus pour valoriser leurs forces individuelles et travailler ensemble à la réalisation des objectifs communs.

Check-ins: Avant que le travail d'équipe proprement dit ne commence, il faut créer un espace spécifique pour le bien-être personnel. Il peut s'agir de mises à jour personnelles ou d'exercices de pleine conscience afin de créer une atmosphère positive. Cette méthode simple mais efficace favorise une véritable présence et crée un environnement détendu dans lequel les membres de l'équipe se sentent à l'aise et soutenus.

Dire son estime: Il s'agit ici d'aller au-delà des mots. Les membres de l'équipe ne se contentent pas de se donner un feedback positif, mais soulignent leur estime en montrant des exemples concrets de performances réussies. Les membres de l'équipe s'encouragent mutuellement dans le cadre d'échanges réguliers, en reconnaissant les réussites concrètes et en favorisant ainsi une culture de l'estime et de la coopération.

Rétrospectives: À la fin d'un projet ou d'un sprint, des réunions d'équipe structurées permettent non seulement de célébrer les succès, mais aussi de réfléchir aux défis et aux potentiels d'amélioration concernant la collaboration et les processus de travail. Cela crée un espace pour des discussions honnêtes, encourage la volonté d'apprendre et permet de planifier des mesures concrètes de développement.

Apprendre des erreurs: La tenue d'un «journal des erreurs» est davantage qu’une simple documentation. Il s'agit en effet d'une méthode permettant de tirer des enseignements des erreurs et de développer des solutions en commun. On pourra penser à un journal électronique partagé dans lequel les membres de l'équipe partagent leurs expériences, apprennent les uns des autres et encouragent ainsi une culture ouverte de l'erreur.

«Oui, et ...» au lieu de «Oui, mais ...»: Promouvoir une culture positive du dialogue, dans laquelle les contre-arguments se transforment en questions ou idées constructives. Il s'agit ici de créer une culture dans laquelle les membres de l'équipe s'appuient les uns sur les autres plutôt que de bloquer l’émergence de nouvelles idées. Au lieu de créer une énergie négative avec des «oui, mais...», l'accent doit donc être mis sur des «oui, et...», ce qui signifie que chaque contribution est considérée à sa juste valeur et mérite considération. Cela favorise une atmosphère ouverte, dans laquelle les contre-arguments ne sont pas considérés comme une résistance, mais comme des éléments constitutifs de solutions constructives.

Feedback comportemental sous forme de critique: Les critiques deviennent des comportements concrets et observables afin de favoriser les évolutions constructives. Ici, l'accent est mis sur le développement constructif. On évitera donc de formuler des critiques vagues et on abordera les comportements spécifiques observables. Au lieu de dire: «Tu n'as pas été efficace dans ta présentation», la critique pourrait être précisée par: «Dans la présentation, j'ai remarqué que la structure n'était pas claire, ce qui a provoqué une certaine confusion chez les auditeurs». Ce type de feedback permet aux membres de l'équipe de travailler concrètement sur leurs domaines de développement et favorise l'amélioration continue au sein de l'organisation.

Le développement d'une culture de l'erreur efficace est essentiel non seulement pour le processus d'apprentissage individuel et organisationnel, mais aussi pour la réussite dans un environnement commercial en constante évolution. Une communication ouverte, la transparence, la confiance et un leadership axé sur l'apprentissage sont les piliers qui permettent de renforcer une telle culture.

Note

1 Bruch, H., Schuler, A., & Barton, L. (2022): Inspirierend-multimodale Führung Leadership zwischen Leistungsdruck, Präzision und Exploration. Zeitschrift für Führung und Organisation 6/2022: 378–386.

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