Exigences formelles en matière de TVA: Attention en Allemagne et dans l'UE

Les entreprises suisses font généralement face, dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée, à une administration fiscale pragmatique qui s’en tient, dans leur activité commerciale, plutôt au sens qu’à des indications purement formelles. Trois exemples récents de la jurisprudence allemande indiquent que les entreprises ne doivent attendre que peu de compréhension en cas d’erreurs formelles dès qu’elles se déplacent dans l’espace européen (en termes de taxe sur la valeur ajoutée). L’Allemagne, partenaire commercial important des entreprises suisses, en constitue un bon exemple. Dans ce contexte, les pays de l’Est et du Sud de l’UE ne sont pas en reste par rapport à leur voisin du Nord. Les conséquences peuvent être une imposition d’environ 20% au vu du taux européen moyen dans l’espace de l’UE.

08/04/2024 De: Christoph Drexl
Exigences formelles en matière de TVA

Factures «correctes» au plan de la taxe sur la valeur ajoutée et droit à la déduction de l’impôt préalable

Dans le premier cas présenté ici à titre d'exemple (Bundesfinanzhof, arrêt du 7.7.2022, V R 33/20), il s'agissait de la question de la rectification rétroactive de la facture. Il convient de noter que, conformément aux dispositions du droit européen, le droit à la déduction de la taxe en amont naît au moment de la fourniture de la prestation et à hauteur de la taxe due - le fait que la taxe ait également été payée n'est pas déterminant (contrairement à la Suisse). Toutefois, la condition préalable à l'exercice du droit à la déduction de l'impôt préalable est la possession d'une facture en bonne et due forme.

Selon l'administration fiscale allemande et la jurisprudence, une facture ne peut être rectifiée rétroactivement que si le document à rectifier contient cinq caractéristiques essentielles (émetteur de la facture, destinataire de la prestation, description de la prestation, rémunération et TVA indiquées séparément). Si l'un de ces éléments fait défaut, il s'agit déjà d'une facture au sens de la TVA. Jusqu'à présent, la qualification de facture au sens de la TVA n'était pas affectée par des erreurs de contenu (la facture n'était alors pas correcte, mais constituait au moins un document de facturation pouvant être corrigé rétroactivement). Dans le cas présent, le prestataire a conclu à tort que le destinataire de la prestation était établi à l'étranger et que la prestation n'était donc pas soumise à la TVA en Allemagne. Elle a donc facturé la prestation avec "TVA 0%". Dans le cadre d'un contrôle fiscal, il s'est avéré plus tard que la bénéficiaire de la prestation était établie en Allemagne et qu'elle aurait dû être facturée avec la TVA allemande.

Selon le tribunal, le document était toutefois tellement erroné, faute de taxe indiquée séparément, qu'il ne constituait plus une facture et que la rectification n'avait pas d'effet rétroactif sur la déduction de la taxe en amont.

Preuve des conditions d’une fourniture intracommunautaire exonérée d’impôt I

Dans le même jugement (22.07.2015, V R 23/14), la CFF a été confrontée aux conditions dans lesquelles est applicable la preuve que les marchandises avaient réellement quitté le territoire souverain d’un État membre dans le cadre d’une livraison intracommunautaire exonérée et qu’elles étaient entrées dans le territoire souverain d’un autre État membre. Et de nouveau, la question fut posée d’une détermination correcte, respectivement suffisante du lieu. 

Dans le cas présent, l’acheteur avait confirmé au vendeur, par écrit, lors de l’enlèvement de la marchandise: «Le véhicule sera livré le … par mes soins dans le pays de destination qu’est l’Espagne ». Mais, pour les autorités fiscales allemandes, ceci n’était pas suffisamment précis parce que le lieu concret de destination (!) n’avait pas été cité et qu’il ne pouvait pas être assimilé sans autre à l’adresse de l’entreprise du client. 

Preuve des conditions d’une fourniture intracommunautaire exonérée d’impôt II 

De même, dans un jugement présenté ici brièvement (jugement CFF du 19.03.2015, V R 14/14), la CFF s’est confrontée aux conditions de preuve des livraisons intracommunautaires. Et de nouveau, la décision fut prise en défaveur de l’assujetti. L’objet du litige portait sur la question de savoir si le plaignant avait réussi à démontrer que toutes les conditions d’une livraison intracommunautaire avaient été remplies. En particulier, la question si une déclaration de témoin pouvait suffire en tant que moyen suffisant de preuve afin de confirmer le respect des conditions de livraisons intracommunautaires au moment de la livraison. L’instance préalable a nié cet état de fait et a considéré que la preuve n’avait pas été apportée. 

La CFF partage ce point de vue. Le législateur a décidé que la preuve doit être fournie par des éléments comptables et des pièces correspondants. C’est seulement dans des cas exceptionnels dans lesquels la preuve formelle ne peut pas être fournie ou pas de manière raisonnable que le principe de proportionnalité est applicable selon lequel la preuve peut être fournie d’une autre manière. Étant donné qu’un tel cas exceptionnel n’a pas été constaté dans le cas présent, la CFF a confirmé l’absence d’exonération fiscale pour la livraison intracommunautaire qui faisait l’objet du litige. 

Conclusion 

Les exemples démontrent les exigences élevées que pose l’administration fiscale allemande (mais aussi les administrations fiscales dans les autres pays de l’UE) aux entreprises lorsqu’il s’agit de reconsidérer le substrat fiscal d’un État membre. La «bonne nouvelle» pour les entreprises, c’est que des mesures peuvent être prises (et le doivent d’ailleurs), car les conditions formelles sont clairement indiquées dans les lois correspondantes. Il est donc recommandé aux entreprises qui font du commerce dans l’espace de l’UE et qui y fournissent ou retirent des prestations de créer sous forme anticipée des processus, des contrôles et/ou des check-lists internes qui garantissent que, par exemple, les factures reçues soient (aussi) contrôlées en termes d’exactitude formelle et que, dans les factures émises, les éventuelles prestations exonérées disposent de toutes les preuves requises dans la forme requise.

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