Organisations à but non lucratif: TVA

L’importance sociétale et économique des organisations à but non lucratif est très majeure dans un pays comme la Suisse. Du point de vue fiscal, celles-ci bénéficient d’ailleurs de certains régimes spécifiques, notamment dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée.

28/03/2022 De: Adrian Wyss, German Boschung
Organisations à but non lucratif

Nous allons présenter ci-après le champ de tension dans lequel se trouvent actuellement les associations à but non lucratif du fait de l’entrée en vigueur de la loi partiellement révisée sur la taxe sur la valeur ajoutée. Bien qu’elles ne visent pas à dégager un bénéfice, elles peuvent fournir des prestations commercialisables contre rétribution ou travailler pour le bien public dans le cadre de leur objet social. En particulier, elles ne sont généralement pas reconnues par l’Administration fédérale des contributions (ci-après AFC), car elles sont qualifiées comme satisfaisant «normalement» à un mandat contre rétribution. Corrélativement, la question se pose de savoir quelle est leur obligation en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Cette pierre d’achoppement, mais aussi d’autres, seront abordées rapidement dans ce qui suit.

Principes fondamentaux de l’obligation de taxe sur la valeur ajoutée des organisations à but non lucratif

Les associations gérées sans but lucratif et de manière honorifique ou les organisations d’utilité publique deviennent soumises à la taxe sur la valeur ajoutée à partir d’un chiffre annuel imposable de plus de CHF 150 000 alors que le seuil déterminant de chiffre d’affaires est, dans les entreprises «normales», de CHF 100 000.-.

Cette limite supérieure de chiffre d’affaires est appliquée dans la mesure où aucun bénéfice visé n’est prévu dans les statuts. Le fait qu’une association ou une autre personne morale ne vise pas systématiquement un bénéfice dépend du droit des sociétés. La recherche d’avantages monétaires ou économiques directs ou indirects en faveur des membres ne doit pas passer au premier plan. Un éventuel bénéfice dégagé doit être visé par l’atteinte des objectifs intellectuels et donc réinvesti dans l’organisation. En cas de dissolution de l’organisation, le produit de la liquidation sera affecté à un but identique ou similaire et on renoncera à une restitution aux membres. En cas d’exonération fiscale de l’impôt fédéral direct selon l’art. 56 let. g LFID, l’utilité publique sera considérée comme satisfaite dans le cas de la taxe sur la valeur ajoutée. Par contre, une exonération fiscale cantonale n’est pas suffisante. Elle sert simplement d’indice. Sans libération fiscale, ces conditions doivent être validées dans les cas individuels. Expérience faite, toute preuve correspondante est difficile dans la pratique.

En ce qui concerne le chiffre d’affaires déterminant pour l’obligation d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée, il faut noter que celle-ci comprendra, à partir du 1er janvier 2018 (entrée en vigueur de la loi partiellement révisée sur la taxe sur la valeur ajoutée, ci-après LTVArev) non seulement les revenus imposables sur le territoire national, mais aussi sur les revenus imposables à l’étranger. Cela est particulièrement important, pour les organisations non lucratives, en ce sens où les prestations de service publicitaire fournies, par exemple, pour des sponsors étrangers ou des prestations de recherche relevant de la taxe sur la valeur ajoutée fournies à des donneurs d’ordre étrangers peuvent aboutir à une obligation d’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, même si les chiffres d’affaires correspondants sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée et donc qu’aucun impôt n’est dû.

Globalement, l’Administration fédérale des impôts estime que près de 10 000 entreprises supplémentaires seront assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. Quelques associations à but non lucratif devraient en relever.

La question d’une activité entrepreneuriale

La condition de base à l’obligation d’assujettissement est l’exploitation d’une entreprise. Du point de vue de la taxe sur la valeur ajoutée, exerce une activité lucrative quiconque se présente envers l’extérieur en son propre nom, fournit des prestations dans le cadre d’une activité professionnelle ou artisanale indépendante et en tire des revenus de manière durable.

Cette définition présente souvent un problème dans la pratique lorsque les revenus ne sont pas dégagés de manière régulière, mais à des intervalles irréguliers de plus d’une année. Par exemple, parce que les bénéfices découlant d’une activité entrepreneuriale des années précédentes sont thésaurisés et servent à financer les dépenses de l’organisation à but non lucratif sur une longue période.

Conséquence de l’arrêté du Tribunal fédéral du 29 août 2016, l’Administration fédérale des contributions a dû abandonner sa règle utilisée dans la pratique de 25% / 75%. Cet arrêté précise qu’une activité commerciale est avérée indépendamment des montants absolus de chiffre d’affaires (autrement dit, plus de CHF 150 000.- de chiffre d’affaires imposable) seulement si plus de 25% des revenus totaux sont obtenus à partir de revenus imposables (donc, par exemple, pas par des dons ou d’autres subventions).

Avec la suppression de ce critère quantitatif, l’AFC a repris plusieurs centaines d’associations à but non lucratif dans un délai de quelques mois au 1.1.2017.

Cela débouche généralement sur un effet négatif en ce sens où les organisations à but non lucratif ne peuvent pas répercuter la TVA du fait de l’absence de conventions contractuelles correspondantes et doivent donc la prendre à leur charge.

La question de l’activité entrepreneuriale a donc reçu une réponse définitive dans la pratique sur la base de cet arrêté du Tribunal fédéral. D’une manière générale, tout dépassement de la limite du chiffre d’affaires doit être considérée comme une activité entrepreneuriale.

En particulier, les organisations à but non lucratif qui sont assujetties sur la base de la décision du Tribunal fédéral sont désormais confrontées au défi d’appliquer la taxe sur la valeur ajoutée sur certaines prestations. Sur la base de nos expériences pratiques, il faut partir du principe qu’il n’existe aucune possibilité de transfert de la taxe sur la valeur ajoutée incombant du fait de l’absence de clause correspondante sur la TVA dans la plupart des contrats et que celle-ci reste une charge définitive au sein des organisations à but non lucratif.

D’une manière générale, il faut recommander d’intégrer des clauses de TVA dans tous les contrats selon lesquelles une éventuelle TVA pourra également être transférée au client ultérieurement en complément au prix net.

Prestations entre personnes proches et en étroite relation

A partir du 1er janvier 2018, la loi TVA partiellement révisée va aggraver la règle actuellement existante selon laquelle, entre personnes proches, les prestations devront être facturées «at arm’s length», autrement dit, au prix de tiers indépendants. Ce qui est nouveau sous le concept de relation étroite envers un sujet relevant de la TVA, c’est que ce ne sera plus simplement la participation en capital d’au moins 20% du capital social qui sera appliquée, mais une relation économique, contractuelle ou personnelle particulièrement étroite avec des fondations ou des associations.

Dans les faits, il n’existe aucune indication sur ce qu’il faut comprendre sous ces nouveaux concepts juridiques qui restent sujet à des interprétations encore multiples. Des références seront faites par rapport au cas individuel en question.

Il faut donc craindre que la pratique actuelle de l’Administration fédérale des contributions va assujettir également à la TVA les prestations vendues au prix de tiers indépendants entre organisations à but non lucratif regroupées au sein d’une organisation faitière. Il faut s’attendre à ce que, sur la base de cette disposition, la conséquence soit une augmentation de l’obligation d’assujettissement de la taxe sur la valeur ajoutée des organisations à but non lucratif. Il faut recommander ici aussi de vérifier et de documenter les éventuelles relations de prestation dans les délais avant l’entrée en vigueur de la TVA partiellement révisée par rapport à ses conséquences fiscales.

Possibilités typiques de financement des organisations à but non lucratif et appréciation en termes de la taxe sur la valeur ajoutée

Dans la pratique, le financement des organisations à but non lucratif survient via des dons, des cotisations des membres, des subventions en tout genre ainsi que, en partie, des activités de parrainage. En ce qui concerne leurs conséquences en termes de taxe sur la valeur ajoutée, il faut faire la distinction entre ce qui suit:

En présence de don, le donateur ne s’attend à aucune contre-prestation de la part du bénéficiaire. Il ne relève donc pas de la TVA au titre de ce que l’on appelle une non-rétribution et il n’ouvre pas le droit à la déduction de l’impôt préalable. Les cotisations de membres passifs ainsi que les cotisations de donateurs aux associations ou aux organisation d’utilité publique sont assimilées aux dons. A partir du 1er janvier 2018, les cotisations de donateurs seront considérées comme des dons lorsque l’organisation d’utilité publique octroiera volontairement des avantages à ses donateurs dans le cadre de son objet statutaire, autrement dit, sans droit légal en la matière. Une citation unique ou multiple sous une forme que l’on appelle neutre du cotisant dans une publication ne change rien à la propriété de donateur. En relève également la mention supplémentaire, mais exclusive, de l’activité professionnelle ou entrepreneuriale du donateur. Toutefois, la mise en relation avec le site Internet du cotisant sera considérée comme une prestation publicitaire imposable.

Si la citation neutre du donateur ne survient pas dans le cadre d’une publication, une prestation de publication peut être avérée. Une telle publication souhaite associer le nom du donateur ou de la manifestation. Cela accroît le degré de notoriété du donateur et renforce positivement son image dans la mesure où il est fait référence à son engagement envers un public déterminé. Cela doit être clairement identifiable pour le public et passer au premier plan. Mais, s’il s’agit d’une publicité en faveur d’une entreprise, d’une organisation ou de produits, il s’agira d’une prestation publicitaire assujettie. La remise gratuite de produits à l’organisateur que celui-ci va redistribuer gratuitement aux participants ou au public est par contre une prestation de divulgation sans publicité supplémentaire du point de vue de l’Administration fédérale des contributions. Il en va de même lorsque le donateur remet à disposition de l’organisateur des produits gratuitement (par exemple des véhicules). Si une organisation à but non lucratif fournit des prestations de publication ou si elles sont fournies pour elle, la contribution en argent qui a été reçue sera exclue de la TVA.

Dans les autres cas, il s’agira généralement d’une prestation imposable de publication resp. d’une prestation de service publicitaire. La délimitation juridique entre une prestation de service publicitaire imposable et une prestation de publication non imposable est souvent flexible et elle ouvre de grandes difficultés dans la pratique. Les publications de l’Administration fédérale des contributions avec les exemples qui y figurent ne traitent pas tous les cas existants dans la pratique.

Les parrainages en nature y sont courants. Dans ce contexte, une entreprise remet à une organisation des produits ou des prestations de travail. Celle-ci compensera l’entreprise par le biais d’annonces, d’affiches ou de messages par haut-parleur. De tels parrainages constituent des opérations de compensation en termes de taxe sur la valeur ajoutée. Ceux-ci doivent être représentés sous forme brute, à la fois en termes comptables, mais aussi de justificatifs. Dans la pratique, elles ne sont que rarement documentées ou enregistrées – puisqu’il n’y a pas de flux monétaire. Lorsque l’une des parties n’est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, cela peut déboucher sur des reprises sensibles chez la contrepartie en cas de contrôle TVA. Ceci du fait que, techniquement, elle aura opéré la déduction de l’impôt préalable sur une charge de la part d’une entreprise qui ne relève pas de la taxe sur la valeur ajoutée.

Comme on peut le voir dans les explications précédentes, la délimitation des genres individuels de revenus n’est pas d’une grande facilité et elle peut déboucher sur de grandes difficultés. Ce qui fait qu’une demande écrite auprès de l’Administration fédérale des contributions pourra être souvent recommandée lorsque les montants en jeu seront importants.

Résumé et conclusion

La situation en termes de taxe sur la valeur ajoutée des organisations à but non lucratif est complexe depuis leur introduction en 1995. A partir du 1er janvier 2018, des défis supplémentaires peuvent survenir pour les fondations et les associations qui entretiennent des relations économiques, contractuelles et personnelles particulièrement étroites envers les bénéficiaires des prestations. Cela notamment lorsque les prestations fournies ne sont pas déclarées au prix de tiers indépendants dans le décompte de TVA resp. au plus tard lorsque le prix de tiers indépendant devra être démontré dans les faits devant l’Administration fédérale des contributions dans le cade d’un contrôle. Seule l’aggravation mentionnée peut déclencher nouvellement l’obligation d’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée chez de nombreuses organisations à but non lucratif, notamment du fait que ce ne sera plus seulement le chiffre d’affaires imposable sur le plan national, mais le chiffre d’affaires imposable au niveau mondial qui sera déterminant à cet effet. la manière dont cette nouvelle disposition de décompte au prix de tiers indépendant sera réellement déployée dans la pratique par l’Administration fédérale des contributions reste encore à établir.

Pour réaliser correctement les délimitations légales complexes entre les cotisations et des dons/des membres passifs ou des cotisations de donateurs avec une éventuelle publication neutre de remerciement, d’une part, et les prestations de publication exclues de la TVA par des organisations d’utilité publique resp. les prestations imposables de publication resp. de prestations publicitaires d’autre part, une demande écrite auprès de l’AFC est recommandée. Il en va de même, au demeurant, par rapport à la délimitation entre prestations imposables et obtention de subventions.

Si une organisation à but non lucratif est déjà assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et si elle bénéficie d’un droit intégral à la déduction de l’impôt préalable, les recettes imposables de l’activité entrepreneuriale doivent survenir constamment afin d’éviter une éventuelle radiation par les autorités de l’obligation d’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée.

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