Fausse comptabilité: Répercussions en matière de droit fiscal
Aides de travail appropriées
«Fausse comptabilité» – Introduction
Le droit suisse ne connaît pas d'élément constitutif de manipulation dans la présentation des comptes. La tentative d'introduire l’incrimination de "fausse comptabilité" lors de la révision du code pénal en 1991 a de nouveau été abandonnée. D'autres questions se posent dans le domaine de la comptabilité, notamment en ce qui concerne les justificatifs et documents utilisés. Il peut s'agir, d'une part, d'un faux dans les titres classiques au sens de l'art. 251 n° 1 du code pénal et, d'autre part, d'une fausse authentification au sens de l'art. 251 n° 2 en liaison avec l‘Art. 10 CP. Quelques cas pratiques devraient permettre de faire la lumière sur certains questionnements et problèmes. L'article 325 du CP (Code pénal), qui sanctionne la tenue irrégulière de la comptabilité, traite de la thématique de la fausse comptabilité punissable. Si la comptabilité n'est pas tenue et qu'une faillite est prononcée, alors l'article 166 du Code pénal est applicable. Les deux délits présupposent l'obligation de tenir une comptabilité. Enfin, le "faux bilan" relève de l'établissement de faux documents selon l'art. 251, ch. 1. Est punissable celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre.
Fausses factures de complaisance punissables
Dans un arrêt reconnu du 24 mai 2012 (6B_571/2012), le Tribunal fédéral a apporté des précisions intéressantes sur la valeur des factures. Ce cas concernait le directeur et le responsable financier d‘une société anonyme. L‘objet de la société était la conception, la planification et l'exécution de bâtiments industriels. Une personne, sur la suggestion du directeur général, créait de fausses factures pour des livraisons et des travaux artisanaux, qui, en réalité, étaient exécutés au profit des immeubles privés du directeur. Les factures étaient adressées à tort à la société anonyme susmentionnée.
Par ailleurs, elles étaient fausses sur le plan du contenu, puisqu'elles mentionnaient d’autres éléments et articles que ceux qui étaient effectivement livrés à l'adresse privée du directeur (p. ex. outils au lieu de couverts; pièces d'équipement d'atelier au lieu de boîtes aux lettres et de chariots dévidoirs).
Une facture n'est pas considérée juridiquement comme un titre, car elle ne contient en principe que l'affirmation selon laquelle le destinataire doit à l'émetteur un montant pour une prestation. On parle ici de ce que l'on appelle une allégation partiale. Une facture devient toutefois un titre lorsqu'elle est utilisée comme justificatif dans une comptabilité commerciale. Selon l'arrêt du Tribunal fédéral mentionné, une facture dite de complaisance devient un titre dès l'établissement si l'émetteur de la facture a sciemment coopéré avec le destinataire de la facture. Si la finalité d'une facture en tant que pièce comptable peut être affirmée, l'acte non véridique quant à son contenu naît lors de son établissement et non pas seulement lors de son enregistrement dans la comptabilité du destinataire de la facture (avec référence à l'ATF 129 IV 130).
Concrétisation pénale de la comptabilité manipulée dans le cas de fraude „Erb“
Il n'est pas toujours facile de déterminer et de décider dans quelle mesure les manipulations des comptes annuels sont punissables. Dans l'affaire «Erb», le Tribunal fédéral s'est expressément penché sur cette question (ATF du 27 août 2015, 6B_462/2014). La comptabilité commerciale et ses composantes (justificatifs, livres, extraits comptables de comptes spécifiques, bilans ou comptes de résultat) sont déterminées par la loi et propres à prouver des faits ayant une importance juridique majeure. La comptabilité doit donner une image fidèle et complète de la situation économique réelle de l'entreprise. Une inscription fausse constitue une fausse constatation si elle donne une image globale erronée des comptes et est ainsi contraire aux règles et principes comptables établis pour assurer la véracité de la déclaration. Ces principes sont notamment énoncés dans les dispositions légales relatives à la comptabilité dans les art. 958a et suiv. du code des obligations, qui définissent de manière précise le contenu de certains documents.
Dans l'affaire «Erb», les personnes concernées ont établi les comptes annuels de différentes sociétés en violation des règles comptables en vigueur, dans le but de tromper les banques sur la situation réelle du patrimoine et des revenus et de prolonger des crédits existants ou d'en obtenir de nouveaux.
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Selon la pratique, la comptabilité commerciale bénéficie donc d'une crédibilité accrue en ce qui concerne les faits économiques enregistrés. Dans la procédure susmentionnée, les parties ont reconnu que les comptes annuels (en particulier les comptes spécifiques) et une grande partie des écritures de clôture incriminées ont été établis en violation des règles comptables applicables. A titre d'explication et d'excuse, il a été avancé que les écritures avaient été effectuées dans une intention manifeste d'optimisatsion fiscale et auraient notamment présenté moins de profits que ceux effectivement dégagés. Bien entendu, ces déclarations n'étaient pas recevables pour justifier la démarche réprouvée qui est fondamentalement punissable.
Fraude fiscale
Il n'est pas rare que des raisons et des motifs fiscaux conduisent à des manipulations de la comptabilité et de la présentation des comptes. Le droit fiscal sanctionne les comportements punissables en tant que fraude fiscale ou soustraction d'impôt (cf. art. 175 s. LIFD et art. 56 LHID).
En droit fiscal, les deux faits ne constituent pas une même et seule infraction. Une fraude fiscale est commise par quiconque fait délibérément usage de titres faux, falsifiés ou inexacts quant à leur contenu, tels que des livres comptables, des bilans, des comptes de résultat ou des certificats de salaire et autres attestations de tiers, dans le dessein de tromper l'administration fiscale à des fins de soustraction d‘impôt (art. 186 LIFD et art. 59 al. 1 LHID). L'acte est consommé lorsque les titres falsifiés sont soumis à l'administration fiscale dans une intention de soustraction d‘impôt.
Quiconque commet une infraction dans le domaine de la falsification de titres avec l'intention de contourner exclusivement les réglementations fiscales sera (uniquement) jugé selon le droit pénal fiscal (ATF 108 IV 27). Si un titre falsifié est utilisé dans le dessein d’une fraude fiscale et également à d'autres fins, non exclusivement fiscales, ce qui se produit régulièrement en cas de livres et comptes annuels manipulés, une condamnation est prononcée dans les deux juridictions (ATF 101 IV 53 ch. 1; ATF 122 IV 25 ch. 3c; ATF 133 IV 303, ch. 4).