Archivage numérique: Opportunités et défis

L’archivage numérique présente des avantages : moins de papier, plus d'efficacité. Mais sur le plan juridique, tout n'est pas si simple. Quelles sont les exigences ? Où se cachent les pièges ? Quelles sont les solutions réellement applicables ? Cet article apporte des éclaircissements et montre ce à quoi les entreprises doivent faire attention.

16/04/2025 De: Sikander von Bhicknapahari
Archivage numérique

Le mode de conservation au fil du temps 

Le CO contient depuis 1976 les premières dispositions stipulant que les documents comptables peuvent être conservés non seulement sur papier, mais aussi sur des supports d’images et de données. A l’époque, les supports utilisés pour stocker les données étaient les bandes magnétiques et les microfilms. 

L’évolution technique a nécessité une nouvelle modification de la loi le 1er juin 2002 afin de permettre l’utilisation des nouveaux supports. La nouvelle ordonnance concernant la tenue et la conservation des livres de comptes (Olico) contenait entre autres des détails sur les exigences techniques d’un tel classement. En voici les nouvelles exigences: 

  • l’art. 9 Olico pour les données numériques, p. ex. un horodatage et une signature numérique,
  • l’art. 3 Olico stipule qu’aucune modification ne peut être apportée aux données sans qu’il soit possible de le constater,
  • l’art. 8 Olico, selon lequel les accès doivent être enregistrés (cela vaut également pour les archives sur papier!). 

Type d’archivage autorisé selon l’Olico 

Si l’on considère l’art. 9 Olico dans le détail, cette disposition autorise la conservation sur des supports d’information inaltérables et modifiables. 

Le papier, les supports d’images et les supports de données inaltérables sont cités comme exemples de supports d’informations ad hoc. Le papier est sans doute le support le plus facile à utiliser pour une entreprise ou une PME. Or, se pose déjà la question de la durée de lisibilité d’un support inaltérable tel qu’un CD (un CD-RW serait modifiable). Selon l’entreprise, les données doivent être conservées plus longtemps que les dix ans que l’on mentionne généralement. Pour les immeubles optés, la TVA exige une conservation pendant 20 ans (plus cinq ans de délai de prescription). Si l’on veut faire valoir une imposition sur la marge, la durée de conservation est illimitée, c’est-à-dire jusqu’au moment où l’on a besoin du document. 

La conservation sur papier requiert un endroit protégé contre les influences néfastes et contre la consultation par des personnes non autorisées, et ce, pendant de nombreuses années. Si l’on prend l’exemple des reçus thermiques, il faut que le papier reste lisible pendant de nombreuses années. Il faut également savoir que l’espace d’archivage n’est pas gratuit. Les supports d’information modifiables peuvent être conservés si l’intégrité des informations enregistrées et le moment de l’enregistrement peuvent être prouvés de manière infalsifiable, par exemple par un procédé de signature et d’horodatage.

Archivage numérique: avantages et inconvénients

Avantage de l’archivage numérique: il nécessite nettement moins d’espace d’archivage, et le journal de bord permet de savoir sans problème qui a accédé à un fichier. 

Inconvénient: les coûts d’un archivage numérique conforme à la loi. Une signature numérique nécessite un contrat spécifique avec un prestataire de services, afin que la qualité originale d’un fichier puisse être confirmée à tout moment, même dans un avenir lointain. Il faut en outre une infrastructure qui permet d’enregistrer correctement les justificatifs courants. En sus des coûts pour l’espace d’archivage, il faut escompter désormais des coûts pour la signature ainsi que pour un lieu de stockage numérique sécurisé. Les petites entreprises devront supporter des coûts supplémentaires pour l’assistance informatique afin de satisfaire aux exigences de l’Olico. 

Obligation de conservation des pièces comptables numériques

Conformément à l'art. 958f du Code des obligations, les pièces comptables doivent être conservées pendant dix ans. Le délai commence à courir à la fin de chaque exercice. Un original signé est nécessaire pour le rapport de gestion et le rapport de révision.

Les livres comptables et les pièces justificatives peuvent être archivés sous forme électronique, à condition qu'ils correspondent aux transactions commerciales réelles et qu'ils puissent être rendus lisibles à tout moment. Des exigences supplémentaires s'appliquent au stockage numérique conformément à l'Olico.

Les supports de données non modifiables tels qu'un CD ou un DVD protégé en écriture sont autorisés, à condition qu'il soit clairement visible si les données ont été modifiées ou supprimées. Il est important que les documents puissent être vérifiés dans un délai raisonnable si nécessaire, y compris le matériel et les logiciels nécessaires.

Tous les formats de fichiers ne conviennent pas de la même manière à l'archivage à long terme. Les formats tels que PDF/A sont normalisés à cet effet et sont pris en charge par la plupart des programmes de comptabilité.

Si vous utilisez des supports de données modifiables ou le stockage en nuage, vous devez prendre des mesures supplémentaires. Il s'agit notamment des signatures numériques, des horodatages et des journaux d'accès et de modification compréhensibles. En cas de doute, l'intégrité des données n'est pas considérée comme garantie sans ces preuves. Il existe des solutions logicielles spécialisées pour répondre à ces exigences.

Signatures électroniques dans le classement numérique

L'utilisation de signatures électroniques pour la transmission et l'archivage de documents numériques est régie par l'article 122 de l'ordonnance régissant la taxe sur la valeur ajoutée (OTVA) et l'article 957a du Code des obligations (CO).

La base juridique est fournie par la loi fédérale sur la signature électronique (SCSE). Une signature électronique qualifiée, basée sur un certificat reconnu, est assimilée à une signature manuscrite (art. 14, al. 2bis CO). Pour la TVA, l'AFC n'exige toutefois pas de signature électronique qualifiée selon la SCSE. Une simple signature électronique par une personne physique n'est pas obligatoire.

Les signatures avancées ou les cachets électroniques au sens de l'article 2, lettres c et d SCSE, sont également appropriés pour prouver l'authenticité et l'intégrité d'un document.

Contrôle de la signature

En cas de traitement numérique, il est recommandé de procéder à un contrôle automatisé et systématique. Dans tous les autres cas, un contrôle adapté à la situation suffit, à condition qu'il soit effectué dans la mesure nécessaire et qu'il soit documenté.

La taille de l'échantillon doit être choisie de manière à ce que les erreurs systématiques puissent être détectées, mais pas nécessairement un grand nombre de cas similaires. Les facteurs décisifs pour la détermination sont les suivants :

  • Type de relation avec le fournisseur
  • Voie de transmission
  • Validité et admissibilité du certificat utilisé

La vérification de la signature est un instantané. Elle ne doit pas seulement être effectuée à la réception des données, mais aussi lors de l'archivage, lors d'une migration vers d'autres supports de stockage ou lors d'un contrôle régulier de la lisibilité - et ce jusqu'à la fin de la période de conservation légale. La taille de l'échantillon choisi doit être documentée.

Formats de fichiers – ce qui convient

Il est recommandé d'utiliser des formats dont le contenu est structuré et lisible par machine. Ils permettent un traitement efficace et automatisé du côté du destinataire.

D'autres formats sont autorisés si :

  • ils peuvent être correctement évalués à partir de la comptabilité financière, et
  • il est garanti qu'ils ne contiennent pas de contenu dynamique.

Facturation électronique

Lors de l'émission de factures, certaines exigences légales doivent être respectées. Une facture fournisseur ou une note de frais correctement émise et conforme aux exigences de la taxe sur la valeur ajoutée est généralement une condition préalable à la déduction de la taxe en amont. C'est pourquoi il faut toujours exiger du fournisseur une facture complète et conforme.

Une facture doit toujours contenir les informations suivantes :

  • Nom et adresse du fournisseur ainsi que son numéro de TVA (depuis 2014 : IDE avec la mention « TVA »),
  • nom et adresse du destinataire (pour les reçus de plus de 400 CHF),
  • date de la livraison ou de la prestation (si elle ne correspond pas à la date de facturation),
  • description précise de la livraison ou de la prestation,
  • prix de la prestation ou de la livraison,
  • taux de TVA et montant de la TVA indiqués (s'ils ne sont pas inclus dans le prix),
  • signature (voir détails ci-dessous).

Signature numérique : pas obligatoire, mais utile

Pour les entreprises, il est essentiel de pouvoir prouver l'authenticité et l'intégrité des factures, qu'elles soient sur papier ou sous forme électronique. Dans le cas des factures électroniques, la signature numérique est le moyen le plus fiable de le faire. Elle protège contre les modifications ultérieures non détectables.

En l'absence de signature numérique, l'authenticité de la facture n'est pas automatiquement garantie. Néanmoins, la déduction de la TVA en amont peut être possible, à condition que d'autres pièces justificatives (par exemple, confirmations de commande, bons de livraison, preuves de paiement) documentent suffisamment l'opération. La question de savoir si ces preuves sont suffisantes doit être évaluée au cas par cas.

Il est important que la comptabilité soit conforme aux exigences de l'article 957a du Code des obligations et aux dispositions de l'ordonnance sur la tenue et la conservation des livres de comptes (Olico). Dans ce cas, les faits pertinents pour l'impôt sont généralement suffisamment documentés.

Le SCI comme instrument de preuve

Un système de contrôle interne (SCI) peut également servir de preuve, à condition qu'il soit conçu de manière à ce que le lien entre la facture électronique et la prestation réelle puisse être retracé sans faille. Le SCI doit garantir que l'origine et le contenu du document sont fiables. Il convient également de vérifier au cas par cas si le système répond à ces exigences. Tous les SCI ne remplissent pas automatiquement ces conditions, la qualité et la conception sont déterminantes.

Nouveau défi : la conservation des documents relatifs au reporting extra-financier

Un rapport sur les questions non financières rend compte des questions environnementales, sociales, relatives aux employés, du respect des droits de l'homme et de la lutte contre la corruption. Les articles 964c, 964h et 964l du Code des obligations (CO) font référence à l'obligation de conserver les documents comptables. À première vue, ce reporting non financier ne concerne que les grandes entreprises, mais lorsqu'il s'agit de documenter une chaîne d'approvisionnement, les petits fournisseurs devront également transmettre des données à leurs gros clients.

Ces grandes entreprises doivent conserver les rapports correspondants ainsi que les pièces justificatives qui les sous-tendent. On peut par exemple penser à

  • des photos satellites pour montrer l'état d'une zone autour d'une mine,
  • des images prises par des drones pour prouver la déforestation et le reboisement,
  • des certificats attestant qu'aucun travail d'enfants n'est impliqué (ce qui, selon l'indice de corruption du pays concerné, ne suffit pas à lui seul à prouver l'absence de travail d'enfants),
  • des confirmations de la part de négociants certifiés en cas de minerais susceptibles d'être issus de zones de conflit,
  • etc.

Remarque : il ne s'agit donc plus seulement de classer des pièces comptables. Les exigences en matière de conservation et de confirmation de la qualité originale des documents vont bien au-delà (format RAW pour les photos, car un fichier JPG pourrait déjà avoir été manipulé ?).

Archivage numérique : une conclusion

L'archivage numérique confronte les entreprises à plusieurs décisions : quels documents peuvent ou doivent être conservés sous forme numérique ? Quelles sont les exigences techniques et organisationnelles applicables? Et comment garantir la traçabilité et l'intégrité en toute sécurité juridique, en particulier dans le cas de supports de données modifiables ? Dans la pratique, cela signifie que les processus doivent être documentés de manière claire, que des contrôles d'accès doivent être mis en place et que des procédures de signature ou d'horodatage doivent être utilisées si nécessaire. Les exigences légales laissent volontairement une certaine marge de manœuvre, mais celle-ci doit être utilisée avec soin afin d'éviter des conflits ultérieurs avec les autorités fiscales ou d'audit.

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