Influenceur: Conseils juridiques en vue d’une collaboration réussie

Le marketing d'influence est aujourd'hui une méthode publicitaire fréquemment utilisée, y compris en Suisse. Les influenceurs classiques disposent de comptes sur les médias sociaux, comme X ou Instagram, qui est devenu une plateforme commerciale très populaire. Ils commercialisent sur ces pages des produits destinés à leur groupe cible pour le compte de propriétaires de marques. Le métier d'"influenceur" est le rêve de nombreux jeunes, mais dans la pratique, c'est un métier difficile exigeant une présence médiatique constante.

07/08/2024 De: Regula Heinzelmann
Influenceur

Règles pour une publicité loyale

Les principes de la Commission Suisse pour la Loyauté (CSL) pour une publicité loyale (édition actuelle 2023) doivent aussi être impérativement respectés par les influenceurs. Le marketing d'influence fait partie de la communication dite commerciale.

Selon les principes de la CSL, on entend par communication commerciale toute mesure dont le but principal est d'influencer systématiquement un certain nombre de personnes pour qu'elles concluent un acte juridique. En font partie toutes les formes de relations publiques, dont le marketing d'influence.

Les influenceurs sont tenus de désigner clairement une publicité comme telle. Les jeunes en particulier, pour qui le marketing d'influence fait partie de la vie quotidienne, détectent rapidement si telle ou telle contribution est une publicité ou non et réagissent négativement aux tentatives de duperie.

La communication commerciale, quelle que soit sa forme ou le média utilisé, est déloyale si elle n'est pas clairement identifiable en tant que telle et si elle n'est pas clairement séparée du reste du contenu. La publicité dans les médias qui publient simultanément des informations et des opinions doit être conçue et identifiée de manière à ce qu'elle soit clairement reconnaissable en tant qu’intervention rémunérée.

La publicité doit également être reconnaissable lorsqu'une personne utilise un blog ou un compte d'utilisateur (account), un profil ou une forme similaire dans un média social ou met elle-même à disposition une plateforme pour effectuer ou permettre une communication commerciale pour des tiers.

Les personnes recevant des prestations de parrainage, des rémunérations ou prestations en nature comparables doivent rendre publique leur relation avec le mandant. La représentation ou la mention de produits ainsi que d'entreprises et de noms de marques dans des articles rédactionnels en échange d'une rémunération ou de contreparties similaires (les «placements de produit») est réputée déloyale dans la mesure où l'identité du mandant effectif n'apparaît pas de manière transparente aux yeux du public.

Le sponsoring d'articles rédactionnels est déloyal dans la mesure où il n'est pas possible pour le public de savoir quelles parties de la publication sont sponsorisées et qui est à l'origine du sponsoring.

Les communications commerciales sont considérées comme déloyales,

  • lorsqu'une personne, une entreprise ou une organisation donne une image plus avantageuse d'elle-même ou d'autrui en communiquant des représentations, déclarations ou informations inexactes ou trompeuses.
  • si elles dénigrent, rabaissent ou exposent délibérément au mépris du public, de manière inutile et excessive, une personne ou un groupe de personnes, une entreprise, une organisation, une activité industrielle ou commerciale, une branche professionnelle ou un produit.
  • lorsqu'elles mettent en avant, pour certains produits, certaines caractéristiques qui sont de toute façon applicables, habituelles ou nécessaires pour la plupart de ces produits.

Important: est considéré comme déloyal d'utiliser de manière trompeuse, dans la communication commerciale, des images de corps humain et de parties du corps humain traitées par ordinateur afin de faire croire à un effet ou à un résultat qui ne peut pas être obtenu.

Toute communication commerciale portant sur des produits et méthodes de soins, d'hygiène corporels et de bien-peut être considérée comme déloyale si elle ne remplit pas les conditions suivantes :

Le produit ou la méthode doit être clairement décrit et ne doit pas contenir d'allégations donnant l'impression d'avoir un effet curatif ou de prévention d'une maladie, un effet analgésique ou soporifique.

Il ne faut pas donner l'impression que l'utilisation de ces produits et méthodes permet d'éliminer durablement les rides de la peau, la calvitie, les taches de pigmentation, de raffermir ou d'agrandir les bustes et de supprimer durablement le processus de vieillissement de la peau ainsi que de corriger les malformations anatomiques ou d'autres faits irréversibles.

L'affirmation selon laquelle un produit provoque une perte de poids permanente sans contrôle alimentaire et sans exercice physique simultané est considérée comme déloyale, de même que la promotion de produits et de méthodes permettant de développer et d'entretenir une musculature sans entraînement physique permanent.

Les personnes ou situations avant et après le traitement ne peuvent être reproduites que si elles sont représentées dans les mêmes conditions de position, d'échelle et de présentation, de décor, d'angle de prise de vue, d'éclairage et autres. Il est également interdit d'utiliser des moyens techniques ou autres pour modifier défavorablement l'image avant le traitement ou pour embellir la reproduction après celui-ci .

Toute communication commerciale pour les produits du tabac, les cigarettes électroniques, les produits à base de nicotine à usage oral et les boissons alcoolisées s'adressant spécifiquement aux jeunes de moins de 18 ans (adolescents) est interdite.

L'utilisation de témoignages, c'est-à-dire de déclarations subjectives de personnes physiques sur leur expérience avec certains produits, est déloyale si les témoignages ne se limitent pas à des indications sur le produit et  que la véracité de leur contenu et l'identité de leur auteur ne peuvent pas être établis.

L'utilisation de références et de références à des personnes est déloyale si elles ne sont pas véridiques ou si elles induisent en erreur. Toute référence à des personnes fictives doit être évitée, dans le cadre d'une communication commerciale, et ce même lorsqu'il ne peut y avoir d'ambiguïté sur le caractère purement fictionnel de la chose.

Contrat d’influenceur

Comme il n'est pas possible de garantir le succès d’une entreprise dans le cadre d'une activité d'influenceur, l’activité en question doit être considérée comme un mandat (art. 394 ss. CO). Il est préférable de conclure un tel contrat par écrit dans lequel il faudra au moins régler les points suivants.

L'offre de l'influenceur peut revêtir la forme d’une campagne indépendante et ponctuelle ou de la présentation des produits à certains intervalles, par exemple chaque jour ouvrable à une heure précise. Dans ce contexte, il convient de fixer certaines exigences dans le cadre de la présentation. Celles-ci doivent être conformes aux dispositions du droit des médias, du droit de la concurrence et du droit de la presse, ainsi qu'aux règles de loyauté de la CSL et, bien entendu, une campagne ne doit pas être offensante, raciste ou autrement pénalement répréhensible. L'influenceur doit s'abstenir de toute manipulation technique visant à en augmenter la portée.

Les influenceurs qui produisent eux-mêmes des textes, des photos, des films, etc. doivent souvent céder très largement leurs droits d'exploitation au mandant, de sorte qu'ils perdent pratiquement le droit de disposer de leurs productions. Le mandant doit s'engager à ne pas porter atteinte à l'image personnelle ou artistique ni aux droits de la personnalité de l'influenceur.

Le mandataire répond en général de la même diligence que le travailleur dans les rapports de travail (art. 398 CO), à savoir de l'exécution fidèle et soignée du mandat qui lui est confié. Il doit s'occuper personnellement du mandat, sauf s'il a été autorisé à collaborer avec des tiers. Il peut également être convenu qu'en cas de mauvaise exécution ou d'autres violations du contrat les honoraires seront réduits.

Il peut être judicieux de conclure une obligation de confidentialité prévoyant une peine conventionnelle lorsque des secrets d'affaires sont échangés. Il est recommandé que le secret soit maintenu dans la même mesure après la fin de la relation contractuelle. Il est également possible de convenir d'une limitation dans le temps, ce qui est particulièrement utile pour les produits dont la durée de vie est limitée.

Il est possible de conclure un contrat d'influenceur pour une durée déterminée. Il faut toutefois tenir compte des règles de l'article 404 CO. Le mandat peut être révoqué ou résilié à tout moment par l'une ou l'autre partie, ce droit étant considéré comme contraignant. Toutefois, si cela a lieu en temps inopportun, la partie qui se retire est tenue de réparer le dommage causé à l'autre. Ce qui est considéré comme intervenant "en temps inopportun" dépend des circonstances. Il est toutefois contraire au caractère impératif de l'art. 404 CO de définir à l'avance certains faits comme survenant en temps inopportun, par exemple la révocation du mandat sans respecter certains délais de résiliation.

Honoraires et «goodies»

Les rémunérations peuvent être calculées par publication, mais il est également possible de fixer une sorte de participation aux résultats, déterminée en fonction du nombre de clics. Les statistiques y afférentes ne sont pas disponibles pour chaque média social : pour X, on peut facilement déterminer le nombre de clics pour chaque commentaire, mais pas pour Facebook. Si le succès obtenu auprès du public doit être récompensé, un panachage de ces procédés est recommandé : un honoraire de base pour la publication en plus une rémunération pour un certain nombre de clics peut sembler judicieux. La preuve établissant que les objectifs fixés ont été atteints devrait alors être fournie par l'influenceur. En outre, il est possible de convenir d'une rémunération pour les frais de déplacement, les dépenses, les mandats conférés à des tiers ou encore pour certaines prestations spéciales fournies par l'influenceur, par exemple les photographies, les films, les graphiques, les textes, etc.

Les "goodies", c'est-à-dire la livraison de produits en échange d'un certain nombre de publications, sont également très appréciés dans les contrats d'influenceurs. Une certaine prudence est toutefois de mise du côté des influenceurs. Tout influenceur a besoin de produits pour se présenter. Les entreprises sérieuses les mettent gratuitement à disposition. S'il s'agit de choses de valeur, elles les mettent à disposition au moins à titre de prêt, une clause contractuelle correspondante étant nécessaire. Si une entreprise oblige un influenceur à acheter ses produits avant même qu’il ait la possibilité de gagner quelque chose, mieux vaut qu’il s’abstienne de toute relation avec celle-ci. Il faut faire attention à ne pas devenir la victime d'un système pyramidal, tout spécialement dans ce secteur d’activité.

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