Secrets d'affaires: Strictement confidentiel
Aides de travail appropriées
Les violations des secrets d’affaires et l’obligation de diligence et de fidélité du collaborateur
Il est, en règle générale, d’un grand intérêt pour l’employeur que ses secrets d’affaires et de fabrication ou le carnet de sa clientèle demeurent confidentiels. Il n’y a guère, au demeurant, que de cette façon que ce dernier puisse rester concurrentiel. Si un travailleur vient à quitter l’entreprise et que celui-ci a connaissance de ces données, il y a bien des risques que celui-ci les utilise au détriment de son ancien employeur au sein et au profit d’une entreprise concurrente.
Il convient de rappeler que d’une manière générale, l’art. 321a CO, le travailleur doit sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur (art. 321a al. 1 CO). Découlant de l'application du principe de la bonne foi, cette obligation impose au travailleur de s'abstenir de tout comportement susceptible de léser l'employeur dans ses intérêts légitimes. Elle comporte aussi, selon les circonstances et les responsabilités du travailleur, un devoir d'informer et de renseigner l'employeur afin que celui-ci puisse prendre toutes les mesures nécessaires au bon déroulement du travail.
L’employeur peut néanmoins couvrir ses arrières en protégeant l’exploitation de ses secrets de fabrication et d’affaires par le biais d’une clause de prohibition de concurrence. Nous avions d’ailleurs déjà eu l’occasion d’évoquer les conditions nécessaires à la validité et à l’applicabilité d’une telle clause. La violation d’une clause de non-concurrence entraîne, en général, des sanctions civiles. En revanche, la divulgation de secrets d’affaires, elle, peut avoir des conséquences pénales.
Selon les circonstances, la violation de secret d’affaires et/ou de fabrication peut également constituer une violation de la loi fédérale sur la concurrence déloyale.
Sanctions pénales – violation de la loi sur la concurrence déloyale
Aux termes de l’art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. Les art. 3 à 8 LCD concrétisent ce principe en énonçant de manière exemplative, une série de comportements déloyaux. Les actes prohibés par la LCD doivent être objectivement propre à avantager ou désavantager une entreprise dans sa lutte pour acquérir de la clientèle, ou à accroître ou diminuer ses parts de marché ainsi qu'être objectivement propre à influencer le marché et le jeu de la concurrence, indépendamment de la volonté de l'intéressé d'influencer l'activité économique de son concurrent (ATF 126 III 198 consid. 2c/aa).
Selon la jurisprudence, il faut commencer par examiner, sur la base de la clause générale, si l'on est vraiment en présence d'un comportement qui peut influer sur la concurrence. Si tel est le cas, il convient de se demander, dans l'optique de la clause générale, comment ce comportement peut avoir une influence néfaste sur la concurrence, et ce en tenant compte de la morale en affaires et de la concurrence.
L'appropriation et l'exploitation de secrets de fabrication ou d'affaires dont l'auteur a eu connaissance de manière licite, au cours de rapports de travail, ne tombent pas sous le coup des art. 3, 4, 4a ou 6 LCD (arrêt du Tribunal fédéral 6B_672/2007 du 15 avril 2008, consid. 3.2). Elles peuvent en revanche tomber sous le coup de la clause générale de l'art. 2 LCD (SUBILIA/BIGLER, Plainte pénale pour concurrence déloyale ou clause de prohibition de concurrence, in Panorama II en droit du travail, 2012, p. 211 ss.).
L’exemple suivant fournit un exemple des sanctions pénales encourues pour divulgation de secrets d’affaires : la firme A est spécialisée dans les produits chimiques. B y a été employé de 2004 à 2008 comme chimiste, directeur de production et directeur de laboratoire. Ce dernier était astreint à une rigoureuse observance des secrets de fabrication et d’affaires dont il avait connaissance et ce également une fois arrivé au terme de ses rapports de travail. Il lui était en outre interdit d’entrer au service d’une entreprise fabriquant des produits à usage industriel ou privé concurrençant ceux produits par la firme A.
X. a travaillé de 1990 à 2000 et à nouveau de 2003 à 2004 au sein de la firme A en tant que collaborateur du service externe. Après avoir été embauché par une autre entreprise, il décide de se mettre à son compte en 2006. Il fonde, fin 2006, une société simple proposant en partie les mêmes produits que la firme A. Il demande ensuite à B si celui-ci peut lui être utile alors qu’il se met à son compte. B promet ensuite à X de l’aider, dans la mesure du possible. B n’attendait et ne recevait aucune indemnisation de la part de X pour les conseils qu’il lui prodiguait, d’autant plus qu’au commencement, la société de X ne connaissait pas véritablement un franc succès.
En avril 2014, la deuxième chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne jugeait B. pour violation du secret de fabrication et du secret d’affaires (de fin octobre 2006 à 2007) au détriment de la firme A, confirmant ainsi la décision rendue en première instance.
X. a pareillement été reconnu coupable de violation du secret de fabrication et d’affaires au détriment de la firme A pour avoir tiré profit d’un acte de prévarication ainsi que pour infraction à la Loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD) pour incitation au non-respect d’un contrat au détriment de la même firme.
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Clause de prohibition de faire concurrence
L’employeur peut se protéger de la divulgation des secrets d’affaires et de fabrication par le biais d’une clause de prohibition de concurrence.
En vertu de l’art. 340 CO, « le travailleur qui a l’exercice des droits civils peut s’engager par écrit envers l’employeur à s’abstenir après la fin du contrat de lui faire concurrence de quelque manière que ce soit, notamment d’exploiter pour son propre compte une entreprise concurrente, d’y travailler ou de s’y intéresser. La prohibition de faire concurrence n’est valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d’avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d’affaires de l’employeur et si l’utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l’employeur un préjudice sensible ». Par secrets d’affaires, on entend des connaissances spécifiques que l’employeur veut tenir secrètes et qui touchent soit à des questions techniques ou financières, soit à l’organisation de l’entreprise ; les connaissances qui peuvent être acquises dans toutes les entreprises de la même branche constituent l’expérience professionnelle du travailleur et ne sont pas visées. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 138 III 67), une clause de prohibition de faire concurrence fondée sur la connaissance de la clientèle ne se justifie que si le collaborateur, en raison de sa connaissance des clients et de leurs habitudes, peut aisément offrir des prestations similaires à celles de l’employeur et ainsi détourner la clientèle de celui-ci.
Un lien de causalité naturel et adéquat doit en outre exister entre les connaissances acquises et la possibilité qu’elles causent un préjudice sensible à l’employeur. Par ailleurs, la prohibition de faire concurrence doit être limitée convenablement quant au lieu, au temps et au genre d'affaires, de façon à ne pas compromettre l'avenir économique du travailleur contrairement à l’équité (art. 340a al. 1 CO). Elle cesse enfin si le travailleur résilie le contrat pour un motif justifié imputable à l’employeur (art. 340c CO).
Ainsi, pour être valable, les conditions suivantes doivent être remplies :
- Clause convenue par écrit et signée par le travailleur
- Les rapports de travail permettent au travailleur d’avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d’affaires
- L’utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l’employeur un préjudice sensible
- La clause doit être limitée quant au lieu, au temps et au genre d’affaires
- Le travailleur doit avoir l’exercice des droits civils.
Dans un arrêt du 2 avril 2019 (ATF 4A_210/2018), le Tribunal fédéral a rappelé qu’une clause de non-concurrence ne déploie aucun effet si elle ne contient pas de limites quant au lieu, au temps et au genre d’affaires (ou si ces limites ne peuvent pas être déterminée selon les principe de la confiance. Ces limites sont ainsi des éléments essentiels à la validité de la clause, qui doivent être convenus par écrit. Dans ce même arrêt, le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence et considère qu’une clause prévoyant une interdiction d’exercer « toute activité concurrente » respecte l’obligation de fixer la limite quant au genre d’affaires.
Aux termes de l'art. 340b al. 3 CO, l'employeur peut exiger, s'il s'en est expressément réservé le droit par écrit, outre la peine conventionnelle et les dommages-intérêts supplémentaires éventuels, la cessation de la contravention, lorsque cette mesure est justifiée par l'importance des intérêts lésés ou menacés de l'employeur et par le comportement du travailleur.
Il convient de rappeler que le Tribunal peut limiter une clause de prohibition de faire concurrence si celle-ci est excessive. Pour déterminer si une clause (valable) est excessive, le Tribunal se fonde sur le critère déterminant de savoir si la prohibition compromet l’avenir économique du travailleur d’une manière qui ne peut se justifier par les intérêts de l’employeur (ATF 130 III 353).
Peine conventionnelle
En cas de violation de la, l’employeur peut exiger le paiement de la peine conventionnelle prévue par le contrat (art. 340b al. 2 CO). Si une peine conventionnelle n’est pas prévue contractuellement, l’employeur peut demander des dommages-intérêts et donc apporter la preuve du dommage ce qui peut s’avérer être un exercice compliqué. En prévoyant une peine conventionnelle dans la clause de prohibition de faire concurrence, la peine est due sans que l’employeur n’ait à apporter la preuve du dommage. La clause doit toutefois préciser si la peine est due une fois ou à chaque infraction. En effet, sauf accord contraire, le paiement de la peine libère le travailleur de la clause de non concurrence. La clause pénale est soumise aux dispositions des art. 160 ss CO.
En application de l’art. 163 al. 3 CO, le juge doit réduire le montant de la peine conventionnelle dont la quotité est excessive (ATF 133 III 43).
Dans un arrêt du 4 février 2017 (4A_468/2016), le Tribunal fédéral a jugé non excessive une peine conventionnelle arrêtée à 5 mois de salaire.
Il convient de rappeler qu’une peine conventionnelle prévue dans un contrat et qui serait due pour chaque violation du contrat durant les rapports de travail viole l’art. 321e CO. En effet, cette disposition conditionne la responsabilité du travailleur à une violation contractuelle, un dommage, une faute et une relation de causalité entre la violation et le dommage. Une peine conventionnelle ne peut ainsi pas durcir le régime de la responsabilité instauré par cette disposition. Une peine conventionnelle qui serait due indépendamment de toute faute du collaborateur et qui n’est pas subordonné à l’existence d’un dommage n’est pas conforme à l’art. 321e CO.
Il convient de distinguer la peine conventionnelle prévue pour la violation des obligations contractuelles du travailleur de celle prévue en raison d’une violation d’une clause de prohibition de faire concurrence.
Cessation de l’atteinte
Les dommages-intérêts et la peine conventionnelle visent la compensation financière, mais n’empêchent pas le travailleur de continuer d’exercer l’activité concurrente. Pour exiger la cessation de l’atteinte en sus, l’employeur doit expressément s’en réserver le droit par écrit.
Licenciement avec effet immédiat et réparation du dommage
Si le travailleur en vient à concurrencer son employeur alors qu’il travaille encore pour ce dernier, l’on est en présence d’un manquement grave au devoir de fidélité, selon l’art.321a CO. En fonction des circonstances, ce manquement peut justifier la résiliation avec effet immédiat et/ou la réparation du dommage.
Dans un arrêt 4A_287/2017 du 13 octobre 2017, le Tribunal fédéral a confirmé la résiliation immédiate du contrat de travail signifiée à un collaborateur engagé en qualité de « responsable de la société » et qui avait toléré qu’un de ses subordonnées se livre à une activité annexe durant son temps libre, activité qui concurrençait les autres fournisseurs de la société. Le Tribunal fédéral a constaté que l’activité en cause était propre à porter préjudice aux intérêts de l’employeur et qu’en vertu de son devoir de fidélité, il appartenait au collaborateur soit de porter les faits à la connaissance de l’employeur soit d’intervenir lui-même auprès de son subordonné.