Gestion de conflits: Les obligations de l'employeur

Dans le cadre d’une relation de travail – comme dans toute relation humaine – les conflits ne peuvent jamais être totalement évités. Mais quels sont les droits et (obligations d’agir) des employeurs face aux situations de gestion des conflits sur le lieu de travail ? Tout dépend de la nature du conflit, et une gestion ciblée est souvent requise.

31/03/2025 De: Jeannine Dehmelt, Marc Ph. Prinz
Gestion de conflits

Manquements aux obligations des salariés

Dans une relation de travail, le salarié est tenu non seulement à une obligation de travail, mais aussi à un devoir de loyauté (art. 321a CO). Un conflit au travail survient souvent lorsqu’un salarié enfreint ces obligations. Les violations typiques du devoir de loyauté incluent :

  • des comportements illicites ou inappropriés envers l’employeur, ses clients ou collègues,
  • l’atteinte à la réputation de l’entreprise,
  • une activité parallèle pour un tiers,
  • ou la violation d’obligations de confidentialité.

Lorsqu’un manquement est avéré (voir plus bas), plusieurs options s’offrent à l’employeur. En règle générale, celui-ci prend des mesures disciplinaires, allant de :

  • la remontrance (simple reproche sans conséquences juridiques),
  • à l’avertissement, qui comporte une menace de sanction en cas de récidive,
  • jusqu’au licenciement (éventuellement immédiat).

L’avertissement doit désigner clairement le comportement fautif, avertir des conséquences en cas de récidive (souvent un licenciement immédiat), et être formulé explicitement par écrit pour servir de preuve. Le salarié doit comprendre que le comportement n’est plus toléré.

Une résiliation du contrat peut aussi être prononcée directement. Pour qu’un licenciement immédiat soit justifié, le comportement fautif doit être d’une gravité telle qu’on ne peut plus exiger de l’employeur qu’il poursuive la relation de travail (art. 337 CO). Cela s’applique notamment en cas d’infraction pénale ou de violation particulièrement grave du devoir de loyauté. La résiliation immédiate doit être notifié sans délai. À défaut, il est considéré comme injustifié, et le salarié peut prétendre à :

  • un dommage-intérêt équivalent au salaire durant le délai de résiliation ordinaire,
  • et une indemnité pouvant aller jusqu’à six mois de salaire (art. 337c CO).

Si le manquement au devoir de travail ou de loyauté entraîne un dommage, l’employeur peut, dans certains cas, retenir le salaire ou le compenser avec le dommage subi (en tenant compte du minimum vital, art. 323b CO).

Conflits entre collègues ou avec un supérieur

Des conflits peuvent aussi surgir entre collaborateurs ou entre un salarié et son supérieur. Ceux-ci vont de simples tensions à des cas de harcèlement moral (mobbing) ou de pression hiérarchique abusive (bossing).

Selon l’art. 328 CO, l’employeur a l’obligation de protéger la personnalité du salarié, y compris en cas de conflit. Il doit donc prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour résoudre le différend. Ces mesures peuvent inclure :

  • des entretiens internes ou externes,
  • des démarches de médiation,
  • du coaching,
  • l’instauration de règles de comportement ou d’objectifs,
  • l’émission de directives,
  • des mutations internes,
  • des adaptations des processus de travail,
  • des avertissements,
  • ou, en dernier recours, un licenciement.

Même si la liberté de résiliation prévaut en Suisse, il faut faire preuve de prudence en cas de licenciement dans une situation conflictuelle. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un licenciement est abusif si l’employeur n’a pas pris, au préalable, toutes les mesures raisonnables et proportionnées pour désamorcer le conflit – sauf si ces mesures sont manifestement vouées à l’échec.

Ces mesures peuvent être disciplinaires ou de médiation, selon le contexte. L’essentiel est qu’elles soient adaptées à la gestion des conflits en question, et qu’elles visent sincèrement à améliorer la situation.

Un licenciement immédiat reste exceptionnel, même dans le cas de tensions entre collègues ou avec la hiérarchie.

Gestion des conflits sur le lieu de travail et enquêtes internes

Face à cela, toute entreprise devrait disposer d’un dispositif de gestion des conflits efficace – tant sur le plan de la performance que de la prévention. Il est recommandé :

  • d’évaluer régulièrement les prestations et le comportement des salariés,
  • de documenter ces évaluations,
  • de consigner par écrit les éventuelles mesures disciplinaires,
  • ainsi que les entretiens menés à ce sujet.

En cas de conflit entre collaborateurs ou avec un supérieur, l’employeur doit d’abord tenter d’apaiser la situation, avant d’envisager un licenciement.

Quel que soit le type de conflit, la clarification des faits joue un rôle central dans la gestion des conflits. De plus en plus d’employeurs procèdent à des enquêtes internes, qui peuvent aller :

  • de simples auditions de collaborateurs,
  • à l’analyse et la sécurisation de fichiers électroniques (par ex. des e-mails).

Il convient ici de respecter strictement les règles en matière de droit du travail et de protection des données.

Les enquêtes doivent être menées par un service indépendant. En cas de conflits circonscrits (ne concernant pas la direction), ce rôle revient généralement aux RH ou au service juridique. Les collaborateurs doivent aussi pouvoir s’adresser à ces services en cas de doute sur un manquement ou un conflit.

Lors des entretiens, il faut rappeler au salarié :

  • son obligation de dire la vérité sur des faits professionnels (devoir de loyauté),
  • mais aussi son droit à ne pas s’auto-incriminer.

À défaut, ses déclarations pourraient être inexploitables dans un éventuel procès. Le Tribunal fédéral a toutefois précisé récemment qu’une enquête interne ne doit pas respecter les mêmes règles que la procédure pénale.

Si l’enquête implique des données électroniques, les salariés doivent en être informés au préalable, sauf si un règlement ou une directive interne prévoit déjà un droit d’accès de l’employeur aux données professionnelles.

Cela montre l’importance pour les employeurs de définir clairement leurs procédures internes, afin de pouvoir réagir rapidement et adéquatement en cas de conflit.

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