Gestion de la résilience: Gérer le stress

Une gestion axée sur la santé est une exigence qui, dans les entreprises, ne se limite pas à la sollicitude. En ces temps de ressources humaines limitées, la présence, la forme et la résistance des collaborateurs sont de plus en plus importantes, y compris sur le plan économique. On attend des cadres qu’ils créent des conditions favorables pour leurs collaborateurs et qu’ils interviennent en cas d’absentéisme et de baisse des performances.

27/08/2024 De: Matthias K. Hettl
Gérer le stress

La psychologie du travail et de l’organi­ sation a beaucoup contribué à l’identi­ fication du stress au travail et à l’orien­ tation vers une organisation du travail respectueuse de la santé. Mais les res­ ponsables qui s’y efforcent sont parfois confrontés à des difficultés. 

Souvent, ils n’ont pas la possibilité d’aménager les conditions de travail de manière à ce qu’elles résistent vraiment à un regard critique. De nombreux supérieurs hiérarchiques constatent aussi clairement que certains, souvent eux­mêmes, restent en bonne santé lorsqu’ils sont soumis à une forte pres­ sion, tandis que d’autres, malgré des conditions confortables, craquent à la moindre sollicitation.

L’homme debout

Pourquoi certains sont­ils des «hommes debout» robustes et résistants qui, après une crise, renaissent de leurs cendres tel un phénix, alors que d’autres sont malades alors que les conditions sont bonnes? Pourquoi certaines personnes changent­elles de stratégie lorsqu’elles rencontrent des problèmes, alors que tant d’autres, comme s’en étonnait Einstein, n’apprennent rien, même des expériences les plus difficiles? De quoi avez­vous besoin pour développer la «résilience», c’est­à­dire les qualités que l’on associe à l’image du «petit homme debout»? Pour les cadres, la question se pose de savoir comment concilier les exigences d’une organisation du travail respec­ tueuse de la santé et le développement de la «résilience», surtout en période de pression croissante et de diminution des certitudes. La ligne de crête consiste à développer la capacité de résistance in­ dividuelle sans adhérer à la thèse selon laquelle celui qui ne peut pas supporter le stress en porte en fin de compte lui- même la responsabilité. Le concept de résilience est indissociable de l’estime et de l’orientation vers des solutions, des attitudes qui facilitent cet exercice d’équilibriste.

Renforcer la résilience

Le terme de résilience est issu de la physique et désigne la propriété d’un matériau à revenir rapidement à son état initial après avoir subi une contrainte. En tant que qualité humaine, il désigne la robustesse psychique qui permet de mieux supporter le stress et de se réta­ blir rapidement après une crise ou un revers. La recherche systématique sur la rési­ lience a été stimulée par la question de savoir ce qui rend les enfants résistants sur le plan psychique. Un concept étroi­ tement lié et parfois utilisé comme sy­ nonyme est celui du «sens de la cohé­ rence» (sense of coherence), issu de la recherche en salutogenèse. Ce concept issu de la recherche sur la santé et le stress a fortement influencé la psycho­ logie du travail et de l’organisation. Il caractérise les conditions qui aident les personnes à surmonter les facteurs de stress et à maintenir leur propre san­ té. Le sentiment de cohérence qui en résulte est une orientation globale qui «... exprime la mesure dans laquelle on a un sentiment de confiance permanent et dynamique, que son environnement interne et externe est prévisible et qu’il y a une forte probabilité que les choses se déroulent comme on peut raisonnable­ ment s’y attendre» (Antonovsky, 1997).

Salutogenèse et cohérence

Dans la recherche sur la résilience, on se pose également la question de savoir pourquoi certaines personnes restent en bonne santé ou se remettent relati­ vement facilement de troubles malgré des contraintes et des risques marqués, alors que d’autres sont particulière­ ment vulnérables, tombent malades ou s’effondrent dans des conditions com­ parables. Alors que le terme de rési­ lience fait l’objet d’une vaste littérature, la notion de sens de la cohérence a été conceptualisée par Antonovsky. Les facteurs que l’on trouve dans les études sur la résilience en tant que champ de chevauchement (Coutu, 2003) pré­ sentent des parallèles évidents avec le concept de «sens de la cohérence». Les conclusions de la recherche en sa­ lutogenèse sur le sens de la cohérence suggèrent aux cadres de se considé­ rer eux­mêmes comme une sorte de «condition de travail» pour les collabo­ rateurs. Les trois aspects principaux du sens de la cohérence invitent à orga­ niser le travail et sa propre communi­ cation de manière compréhensible, à transmettre aux collaborateurs le sens et la signification des projets et à veiller à ce que le travail soit gérable en termes de quantité et de qualité. Le soutien social est considéré comme un facteur important qui facilite considérablement la gestion du stress.

Résultats du coping et de l’adaptation

La recherche sur la résilience met da­ vantage l’accent sur le fait que la santé se construit à partir de la répétition des succès de coping et de maîtrise. La rési­ lience ne se développe donc pas préci­ sément là où les meilleures conditions existent, mais dans le «malgré tout».  Cela ne peut évidemment pas être un argument pour ne pas s’efforcer de créer des conditions salutogènes favo­ rables. Cela signifie simplement que l’être humain peut grandir face aux défis – c’est après la crise que l’on sait s’il le fait. La résilience est donc difficilement mesurable en tant que «potentiel» et devient rapidement un terme générique lorsque, par exemple, des candidats s’attribuent cette qualité dans le cadre de leur auto­promotion. Les conditions préalables à la résilience peuvent être développées, mais pas directement dans des cadres artificiels – comme une formation. Des séminaires et des offres de réflexion peuvent toutefois aider les cadres à identifier les facteurs importants pour la résilience et à déve­ lopper ces qualités chez eux et chez leurs collaborateurs. La résilience, en tant que capacité à gérer le stress et les processus de chan­ gement, est une contribution directe à «l’employabilité». En tant que qualité des cadres, la résilience est considérée comme un aspect important du «lea­ dership». Les connaissances acquises sur le thème de la résilience permettent de «concentrer» la question de la santé et de la gestion de la vie sur les périodes difficiles. Et lorsque la crise survient, il est trop tard pour la prévention. Il faut plutôt se demander ce qui peut encore être fait pour sauver ce qui peut l’être dans des circonstances peu favorables ou même extrêmement probléma­ tiques. Or, le concept de résilience sug­ gère que même dans des situations très difficiles, la résistance peut s’accroître précisément parce qu’elle est sollicitée. Si l’on associe les concepts de salutoge­ nèse et de résilience à un modèle psy­ chologique général de régulation interne des actions, il est possible de développer un instrument de travail cohérent et plausible qui relie les concepts entre eux et offre des suggestions concrètes pour la pratique.

Niveaux logiques

Le modèle pragmatique des niveaux logiques de Dilts semble être un schéma d’organisation particulièrement appro­ prié pour déduire des approches de tra­ vail pour la direction, le conseil, l’auto­ coaching et la psychothérapie. Le modèle hiérarchique des niveaux logiques ordonne, conformément au principe de la théorie des systèmes, l’individu sous toutes ses formes en tant qu’orienté vers une unité supé­ rieure. L’unité considérée (personne, équipe, organisation) peut être décrite (uniquement) par rapport à un système de référence et constitue, en tant que «position», la base sur laquelle les ni­ veaux inférieurs, tels que les attitudes et les comportements, peuvent être compris. Ces niveaux subordonnés sont plus for­ tement influencés par les niveaux supé­ rieurs que l’inverse. Dans le cadre de l’identité (multiple) déterminée par les appartenances, des schémas cognitifs sont mobilisés, qui conduisent à l’acti­ vation ou à l’acquisition de capacités.

 

Résilience – ce que les dirigeants peuvent faire

Perception de l’environnement: promouvoir le réalisme – c’est comme ça!

Le réalisme est différent de l’optimisme: les personnes résilientes ne font pas de chichi concernant les aspects de la réalité qui comptent pour la «survie». Si elles ne se font pas d’illusions, elles savent distinguer ce qui dépend d’elles de ce qui n’en dépend pas. Pour redonner le moral à une «foule démora­ lisée», il pourra certainement être utile de faire preuve d’un peu d’optimisme en adoptant une attitude du type «ça va aller», mais cela ne peut se faire sans un certain niveau de réalisme, indispensable pour élaborer des stra­ tégies et envisager des actions. Et être réaliste ne signifie de loin pas exagérer les risques. Les «modèles de stress» qui sont sou­ vent cités dans la recherche, à savoir l’agitation, la dramatisation et la plainte, ne correspondent pas vraiment au ta­ bleau: les réalistes affichent en effet rarement ce genre d’attitude. Être réa­ liste signifie également savoir regarder autour de soi et comparer. Celui qui profite d’une excellente cantine mais se plaint constamment de la nourriture ou qui, fonctionnaire à vie, se plaint que son salaire ne suit pas celui des indé­ pendants, ne saurait être considéré comme étant réaliste. Dans les entreprises, on parle du chan­ gement comme s’il s’agissait d’une «catastrophe» en soi. Cela étant, si l’on regarde du point de vue de la rési­ lience, il n’y a aucune raison de dissi­ muler les risques aux collaborateurs dans les processus de changement, de les retenir en les rassurant faussement ou même de faire passer des incon­ vénients réels pour des opportunités. Les cadres sont bien avisés d’aider leurs collaborateurs à voir plus loin que le bout de leur nez et à garder les pieds sur terre en les informant. Cela implique également d’être préparé au «pire des cas» et de ne pas minimiser ni surestimer les risques. Les questions clés dans ce contexte sont les suivantes: est­ce que je com­ prends et accepte vraiment la réalité de ma situation? Même si je dois pour cela renoncer à des protections et supporter des émotions négatives? Est­ce que je sais ce que la situation exige et ce que l’on attend de moi? Mes exigences sont­ elles réalistes ou exagérées?

Recommandations pour gérer sous stress

  • Développer sa propre expertise et sa capacité de perception.
  • Se laisser «guider» par la réalité – voir les signes avant­coureurs, mais ne pas infecter les collaborateurs avec ses propres peurs.
  • Réfléchir de manière réaliste sur soi- même, reconnaître ses propres possi­ bilités et limites. 
  • Évaluer de manière réaliste les forces en présence, utiliser ses atouts, mais seulement si l’on peut gagner.

 

Conclusions pour la promotion de la résilience chez les employés:

  • Bien informer et de manière perti­ nente – également sur les risques et les pertes: ne rien embellir, ne pas faire de fausses promesses et ne pas créer de faux espoirs, mais ne pas paniquer non plus.
  • Exiger la responsabilité personnelle: encourager les collaborateurs à prendre conscience de leur position à l’intérieur et à l’extérieur de l’orga­ nisation, à faire face aux risques et à agir à temps, à expliquer où ils sont pris en charge et où ils ne le sont pas.
  • Encourager le réalisme dans l’auto­ évaluation: corriger les exigences excessives envers soi­même et les autres, tout comme la sous­estima­ tion de ses propres performances.
  • Échanger de manière constructive: éviter les débordements et l’hystérie.
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