Communication en interne: Comment mieux communiquer entre nous

Dans le monde professionnel moderne, la communication en interne s'apparente à une partie d'échecs complexe où s'entremêlent deux dynamiques fondamentales : la communication horizontale, qui irrigue les échanges entre pairs, et la communication verticale, qui structure la relation hiérarchique. Ce jeu de pouvoir subtil, ce "powerplay" entre ces deux axes, façonne profondément la culture organisationnelle et l'efficacité opérationnelle des entreprises.

02/12/2024 De: Salvatore Princi
Communication en interne

Powerplay communication en interne: dynamiques communicatives sur le lieu de travail

Dans le contexte de la communication en interne des organisations modernes, la dynamique entre communication horizontale et verticale révèle souvent des tensions significatives, comme l'illustre parfaitement cette interaction entre Anne et Monsieur Dupont. Cette situation met en lumière le conflit classique entre deux approches de communication interne : d'un côté, une communication horizontale, collaborative et inclusive portée par Anne, qui cherche à favoriser l'échange d'idées et la participation collective ; de l'autre, une communication verticale, directive et autoritaire incarnée par Monsieur Dupont, qui privilégie l'efficacité et la rapidité décisionnelle.

L'incident révèle comment les pratiques de communication interne peuvent être profondément affectées par le style de leadership. Anne, dans sa position de cheffe de projet, tente d'instaurer un dialogue transversal, encourageant la contribution de chacun dans le circuit de communication interne. Cependant, ses efforts sont systématiquement contrecarrés par une autorité hiérarchique qui impose une communication descendante, créant ainsi un blocage dans la dynamique d'équipe et frustrant les tentatives de collaboration.

Cette situation soulève une problématique fondamentale dans la gestion de la communication interne moderne : comment concilier l'efficacité décisionnelle de la communication verticale avec les bénéfices de l'intelligence collective propre à la communication horizontale ? L'enjeu n'est pas tant dans l'opposition de ces deux approches que dans leur nécessaire complémentarité pour une organisation performante.

Communication horizontale et verticale

Ce que montre cet exemple de communication en interne n'a rien à voir avec la misogynie ou le biais de genre. Il s'agit plutôt de deux styles de communication différents, qui s’affrontent, à savoir: la communication horizontale et la communication verticale.

Bien comprendre ces deux types de communication permet gérer efficacement les dynamiques sur le lieu de travail, notamment en cas de conflit. La communication horizontale se caractérise par l'appartenance et l'égalité, elle favorise un échange ouvert et des contributions égales. On y trouve une majorité de femmes, mais pas exclusivement.

La communication verticale se caractérise en revanche par une hiérarchie et des comportements territoriaux, souvent marqués par des structures plus formelles et des dynamiques autoritaires. Les tenants de ce type de communication considèrent que les messages d’autorité sont un élément essentiel de leur rituel de communication. Ignorer ce besoin c’est se heurter à leur résistance. Ce sont surtout les hommes qui sont représentés dans ce schéma vertical, quoiqu’il faille souligner qu’il existe aussi des exceptions. Les classifications par sexe ne sont pas absolues, elles indiquent uniquement des tendances constatées dans le monde du travail.

La communication doit être un réflexe

Les femmes cadres, qui ont souvent un style de communication coopératif et ouvert, sont souvent freinées par les styles de communication plus directs de leurs collègues masculins. Cela n'est généralement pas dû à la malveillance ou à la misogynie, mais à une «erreur de traduction». Les deux styles de communication - horizontal et vertical – peuvent être considérées comme des langues étrangères l'une pour l'autre. Chacun parle de la manière qui lui semble la plus évidente, et cela se fait généralement par réflexe et non suite à une quelconque stratégie. Nous communiquons en effet comme nous avons été socialisés, autrement dit, pour la plupart d'entre nous, notre mode de communication est plus intuitif que conscient.

Se protéger en créant davantage de possibilités d'action 

La diversité des attaques verbales auxquelles les femmes sont souvent confrontées va des attaques personnelles directes, des remarques sexistes et du dénigrement à des formes plus subtiles de discrimination. En règle générale, les femmes cadres et professionnelles réagissent à ces attaques par des réflexes typiquement horizontaux, ce qui reste souvent sans effet. Voici quelques exemples classiques de communication en interne qui représentent un défi pour les personnes qui privilégient la communication horizontale dans un conflit vertical:

Quand argumenter ne sert à rien: «Ça ne marchera pas». «Vous ne savez pas de quoi vous parlez». «Vous n'allez pas au bout de votre raisonnement». Réagir avec empathie et compréhension face à de tels propos assassins c’est ne rien comprendre à ce qui se passe. Les «verticaux» adorent ce genre d’approches, qui ne sont ni spécifiques ni objectifs. Il ne s'agit pas en effet aucunement d'arguments, mais de simples affirmations. Donc, répondre par des arguments n'a aucun sens. Vous devez donc simplement retourner l'attaque: si vous entendez «Ça ne marche pas», répondez: «Ça marche». Si l’on vous dit «Nous l'avons déjà fait», répondez «Nous ne l'avons jamais fait». Ne vous formalisez pas trop, il s'agit simplement de neutraliser l'attaque. Vous pourrez ensuite à nouveau discuter objectivement. Mais, seulement après, cela va de soi!

La politique en premier, le contenu factuel ensuite: Une fois la séance déclarée ouverte, les «horizontaux» vont droit au but. Cela peut jouer si les seuls communicateurs présents sont aussi des «horizontaux». Mais si des «verticaux» y participent également, la séance commence déjà avant son ouverture officielle: comment les gens entrent-ils dans la pièce? Qui s'assoit à côté de qui? Qui prend le plus de place? Qui fait le plus de bruit ? Qui est une fois de plus en retard? Qui tripote des objets? Ces détails peuvent sembler secondaires pour de nombreux horizontaux, mais ils ne le sont pas, car ils peuvent envoyer à l'avance des messages de pouvoir et influencer le déroulement de la séance.

Ne tolérez aucune interruption: Il est clair que celui qui se laisse interrompre n'a guère de poids politique. Et n'a rien à dire. Et celui qui n'a rien à dire n'a pas d'importance. Voilà qui ne fait peut-être pas sens pour les horizontaux, mais pour les verticaux, si. Réagissez calmement et fermement si l’on vous interrompt. N’allez pas pas quatre chemins et dites: «C'est la troisième fois que vous m'interrompez» ou «Je n'ai pas encore fini». Mais dites-le lentement, clairement et fermement. Si nécessaire, répétez-le plusieurs fois. Vous reprendrez ainsi le contrôle de la conversation sans avoir l’air agressif.

Prière de ne pas sourire: Il n’y a pas de quoi rire lorsque quelqu'un vous insulte ou vous coupe la parole. Or, ce qui semble logique ne va pas de soi pour de nombreux horizontaux. Lors d'une confrontation directe avec des verticaux, beaucoup des premiers ont ce réflexe d'humilité. Les verticaux interprètent ce rire ou ce sourire comme un manque d'assurance, de la soumission ou un manque de sérieux par rapport au sujet discuté. Réprimer ce réflexe peut être un véritable défi, mais cela vaut la peine si l’on entend gagner l’indispensable respect.

Dans la communication en interne, la communication horizontale et la communication verticale ont toutes deux des avantages et des inconvénients. Il n’y a aucun rapport de supériorité entre les deux. Ce sont deux réalités avec lesquelles il faut apprendre à composer. C'est pourquoi le cadre moderne doit impérativement connaître les deux langages. Cela étant, rares sont ceux qui y parviennent dans la pratique. Cela s’explique notamment par le fait que beaucoup de personnes qui privilégient le système vertical ne prennent pas ces conflits aussi sérieusement que les horizontaux. Mais la principale raison est que ce mêmes horizontaux ont souvent beaucoup de mal à réagir au bon moment lors de la confrontation avec les verticaux. La bonne nouvelle, c'est que ce cela peut s’entraîner assez facilement.  

Les entreprises ont tout à gagner à reconnaître l'importance de ces styles de communication en entreprise et à former leurs collaborateurs en conséquence afin de rendre leurs équipes aptes à jouer sur les deux tableaux. Il est grand temps d'accorder l'attention nécessaire à ce défi et de surmonter ces barrières «linguistiques» sur le lieu de travail.

Comment les messages horizontaux sont interprétés par les verticaux dans le contexte professionnel: 

Comportement de communicationIntention horizontaleInterprétation verticale possible
Acquiescer fréquemment et demander des précisionsÉtablir des relations de proximité, de politesse et d'estimeInsécurité, volonté de plaire, soumission volontaire
Parler au subjonctifÊtre constructif sans se mettre en avantindécision, manque d'engagement
Prendre la parole avec retenueÉcouter, être respectueux, donner de l'espace aux autresPassivité, surmenage, désintérêt
Textes longs dans les e-mailsCompétence professionnelle, exhaustivité et sens du devoirNe va pas droit au but, manque de poids politique
Forte densité verbaleCompréhension profonde du sujet, exhaustivité, montrer son expertiseIncertitude, peur, manque de priorité

Sources: 
Benenson, Joyce F. (2014): Warriors and Worriers. The Survival of the Sexes. Oxford: Oxford University Press USA. 

Modler, Peter (2020): Das Arroganz-Prinzip. So haben Frauen mehr Erfolg im Beruf. 3., erweiterte Auflage. Frankfurt am Main: FISCHER Taschenbuch (Fischer Taschenbuch, 70319). 

Tannen, Deborah (1992): You just don’t understand. Women and men in conversation. London: Virago Press.

Newsletter S’abonner à W+